3 questions à Cy de We Are Yogis
« Le yoga n’est pas qu’une pratique de self care, mais de souci de soi et des autres »
Cy est un militant très actif, fondateur du collectif We Are Yogis, membre d’un collectif activiste queer, du groupe Panzy mêlant questions écolos et LGBT+, et membre du BAAM. Également prof de yoga, il nous raconte comment son approche militante influe sa pratique… et vice-versa.
Komitid : Comment votre identité militante LGBT+ influence-t-elle votre pratique en tant que prof de yoga ?
Cy : C’est dur à dire, peut-être qu’en quelque sorte, le militantisme transpédébigouine (tpg) et relatif à la justice climatique ont participé à ma découverte du yoga. Dans les moments où l’activisme était particulièrement intense, après certaines actions notamment et les attentats survenus au moment de la COP21 où les militants subissaient de pleins fouet l’état d’urgence… j’étais très fragilisé et épuisé. Pratiquer le yoga avait quelque chose à voir avec la volonté de maintenir une forme de résilience et d’équilibre, parce que le militantisme me faisait dépenser une énergie que je ne savais pas canaliser.
Vous avez monté un studio à votre retour de formation en Inde, il y a environ un an. Aujourd’hui vous travaillez avec plusieurs camarades et le collectif We Are Yogis propose des cours « yoga des signes », « pink yoga », « yoga pour touTEs », « yoga sans frontières »… Pouvez-vous nous expliquer ces démarches ?
Il s’agit juste de penser des formules qui permettraient à d’autres personnes qui habituellement hésitent ou pensent que le yoga ne serait pas pour elle de s’autoriser à essayer.
Le cours de Yoga Sans Frontières est réservé aux demandeurs et demandeuses d’asile, sans-papiers, réfugié.e.s. Il a été mis en place dès les début du collectif avec le BAAM et a été pensé pour elleux, donc il y a des possibilités de traduction en anglais et en arabe, c’est important. Puis nous avons vite mis en place un second cours, dédié aux femmes, car elles avaient plus de mal à venir aux cours mixtes. Ce n’est qu’un début je l’espère. Par ailleurs, on a encore beaucoup à faire notamment sur la question de la blanchité du yoga en France à mon sens.
Le cours de Yoga des Signes, actuellement en reconstruction, a été inspiré par une élève qui terminait ses études de traduction en langue des signes. Un jour elle est venue avec un ami sourd et on a pris conscience du fait en en discutant ensemble qu’un cours adapté, pensé avec eux leur permettrait de se sentir moins exclu.e.s pour comprendre des éléments essentiels comme la respiration, des alignements etc. On s’oriente là vers la création d’ateliers de yoga en langues des signes par exemple.
L’idée du cours de Pink Yoga m’est venue en Californie, où des initiatives comme le Queer Yoga sont assez courantes. La présence des personnes LGB dans le yoga n’est pas nouvelle et finalement assez commune. Par contre, je pense qu’il y a une différence essentielle notamment pour les personnes trans et queer. Dans ces cours de Queer yoga américain, j’ai été vraiment touché par la bienveillance et l’attention qui émanait des profs souvent queers ou LGBT. Elles autorisaient une confiance de la part des élèves qui est importante pour un cours de yoga, pour accepter en quelque sorte de se laisser-aller à ses sensations, de se confronter aussi à son corps et à ses émotions pendant le cours. Les cours mixtes, ou plus mainstream, ne permettent pas toujours cet abandon et cette confiance collective là selon moi.
Quant au cours de Yoga pour TouTEs, il s’agit de créer un moment où tout le monde pourrait se rencontrer. Il est resté assez queer, mais s’est construit en mixité sensibilisée, avec par exemple des élèves qui, à côté, accompagnent des personnes réfugiées dans leurs démarches ou font partie de groupes militants. Ce sont des cours que j’aime énormément et qui participent selon moi à renforcer, tisser les liens d’une communauté engagée. Ces cours là sont gratuits comme tous les autres cours de We Are Yogis pour les personnes réfugiées. Tous les autres cours sont à 8 euros, on dit que c’est un minimum et que si les élèvent peuvent donner plus c’est possible, mais on s’arrange toujours avec les personnes les plus précaires, à qui l’on ne refusera jamais l’entrée.
Si tu devais donner un conseil de self care aux personnes LGBT+, ce serait… ?
On est tous et toutes différent.e.s et il n’y a pas une bonne pratique de self care. Par ailleurs, pour moi le yoga n’est pas qu’une pratique de self care, mais de souci de soi et des autres. Avec toutes ses différentes branches, il n’est pas nécessairement la solution qui prévaut sur d’autres, mais c’en est une qui est particulièrement poussée et riche lorsqu’on essaye de dépasser le simple exercice physique. Développer un souci de soi, c’est quelque chose qui prend du temps quand on a été soumis à divers traumatismes et violences tout au long de sa vie.
Par ailleurs, dans nos communautés, qu’elles soient tpg, queer, LGBT, transféministes, nos pratiques affectives, sexuelles, physiques, nos modes de consommations définissent un rapport au corps très intense, paradoxal qui mérite d’être appréhendé dans sa complexité sans jugement hâtif. L’une des meilleurs manières consiste notamment à se diriger vers des pratiques qui mettent en mouvement le corps en se laissant la possibilité de (re)faire émerger, circuler d’autres choses avec douceur : des émotions, des sensations, des souvenirs etc… Je ne me permettrai pas un conseil spécifique si ce n’est de ne jamais sous-estimer les possibilités contenues dans ce retour au corps et à tout ce qu’il abrite.
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