Une vidéo homophobe fait le buzz pour pousser les Russes à voter
Un « sketch » de propagande digne d'une médaille d'or de Kamoulox. L'incitation au vote en Russie, à un mois des élections présidentielles, atteint des niveaux rocambolesques d'absurde... Et de violence.
C’est officiellement la dernière ligne droite avant les élections présidentielles, prévues le 18 mars 2018 en Russie. Un point de non-retour a été franchi avec une vidéo virale aussi absurde que violente incitant les Russes à aller voter. Sans doute une forme de réaction à l’appel au boycott des bureaux de vote lancé à la suite de l’éviction d’Aleksei Navakny, principal adversaire de Vladimir Poutine, de l’élection. Cette vidéo, postée de manière mystérieuse sur les réseaux sociaux, est censée représenter une dystopie causée par l’abstentionnisme. Au cœur de l’horreur ? Un homme gay. Évidemment.
Scénario catastrophe
Que s’y passe-t-il ? Après avoir réprimandé son épouse qui voulait mettre son réveil à 9 heures du matin pour aller voter, le personnage principal incarné par le célèbre acteur russe Sergey Burunov se réveille le lendemain dans un monde sens dessus dessous. L’armée vient le réquisitionner en faisant un dab au lieu du salut militaire alors qu’il est âgé de 52 ans et son fils lui réclame 4 millions de roubles (environ 57 000 euros) pour l’école. Drôle de réveil en effet.
Mais ce n’est pas tout : dans la cuisine, un jeune homme inconnu se lime les ongles. Paniqué, l’homme demande à sa femme « C’est quoi cette merde encore ? ». Il s’agit d’un gay que les Russes sont désormais obligés d’accueillir chez eux, « et s’il ne trouve personne, il faudra que tu te mettes avec lui », continue-t-elle. Quant à l’intrus, il le regarde avec défiance et déclare « la loi, c’est la loi » avant de croquer à pleines dents dans une banane. Notre héros s’enfuit dans la salle de bain, poursuivi par ses démons bien réels, en pleine crise de panique.
La cause de ce scénario catastrophe si crédible, c’est bien sûr le fait de ne pas avoir été voter.
Histoire d’enfoncer le clou, ce « sketch » se termine sur le réveil de ce qui n’est bien sûr qu’un simple cauchemar. Après cette peur bleue, le protagoniste cherche le réconfort de son épouse. Mais dans son lit, c’est l’envahisseur gay qui lui tend les bras. Il se réveille à nouveau, pour de bon. L’ayant échappée belle, il prend conscience de l’importance d’aller voter, et réveille sa femme avec fracas pour se rendre au bureau de vote.
« C’est de l’humour »
La chaîne nationale Россия 24 (Russie 24) a analysé le phénomène, qui aurait généré près de 3,5 millions de vues, dans son journal du 19 février. Le présentateur avance que les réactions sont majoritairement positives, mais trouve tout de même le moyen de s’étonner que la vidéo reçoive des critiques pour incitation à la haine envers les homosexuels. Sa collègue appelle même ces réactions le résultat « d’ampoules douloureuses sur laquelle cette vidéo a appuyé chez une partie du public ».
S’ensuit l’interview Skype de Svetlana Galka (qui a joué l’épouse du protagoniste dans la vidéo) qui précise que bien sûr, il n’était question de vexer personne, que ça n’était que de l’humour. Elle ajoute pour finir que depuis que le « sketch » a été posté sur les réseaux sociaux, ses ami.e.s lui ont affirmé avoir été convaincu.e.s d’aller voter.
Une propagande anti-LGBT+ de mauvais goût
Sous un des nombreux partages de cette vidéo sur Youtube, un des internautes ironise : « C’est le programme de Poutine quand il sera réélu ? ». Avec son rival écarté de la course au Kremlin, on se demande bien quel est l’intérêt pour le pouvoir en place de faire appel à un moyen de pression aussi grotesque. Pourtant, on imagine difficilement la vidéo provenir d’autre part, au vu de son ton. Serait-ce là une ultime tentative de décrédibiliser Ksenia Sobtchak, autre adversaire de Vladimir Poutine considérée comme gay-friendly, à un mois du scrutin ?
Deux autres vidéos ont été postées de la même manière dans le but d’inciter la population à aller voter le 18 mars prochain. L’une met en scène une femme enceinte qui presse son conducteur de taxi non pas pour aller à l’hôpital, mais pour aller voter, ainsi qu’une jeune femme qui repousse le damoiseau qu’elle bécotait après avoir appris qu’il ne comptait pas voter.
On a connu des campagnes de propagande moins maladroites en Russie ! Mais on ne peut s’empêcher de féliciter bien malgré nous les communicants à l’origine de cette vidéo virale homophobe, et sexiste, pour avoir eu l’audace d’utiliser des ficelles aussi grosses sans sourciller.
Petite question cependant : qui vous a dit que, même dans la pire des apocalypses, les homos esseulés voudraient récupérer des mecs hétéros comme le charmant spécimen de beauferie présenté dans la vidéo ? Ne vous flattez pas.