3 questions à Joël Deumier, ex-coprésident de SOS homophobie
« L'augmentation des signalements d’actes LGBTphobes ne m’a pas véritablement surpris, quand on voit que la parole LGBTphobe est libre sur internet et les réseaux sociaux, qui sont des espaces mal modérés et mal régulés. »
Ces derniers mois ont été marqués par plusieurs agressions LGBTphobes dans l’espace public. Une des dernières en date, l’agression le 31 mars dernier, place de la République de Julia, une femme trans, a suscité une grande émotion et une forte mobilisation.
Depuis sa création, en 1994, l’association SOS homophobie mène le combat contre la haine sur plusieurs fronts. SOS homophobie vient en aide aux victimes de LGBTphobies (ligne d’écoute, soutien juridique), a une mission de sensibilisation en milieu scolaire et sur les lieux de travail contre les LGBTphobies, milite pour l’égalité des droits et les libertés des personnes lesbiennes, gay, bi, trans et intersexes.
Véronique Godet reste coprésidente et mardi 3 juillet, Jérémy Faledam a été élu coprésident par le conseil d’administration.
Joël Deumier, qui a donc quitté hier soir la coprésidence de SOS homophobie, nous rappelle les moments qui l’ont le plus marqué et insiste sur tout ce qu’il reste à faire.
Komitid : Depuis combien de temps êtes-vous membre de SOS homophobie ?
Joël Deumier : Je suis membre de SOS homophobie depuis 2015. J’ai commencé dans la commission des relations institutionnelles puis j’ai intégré la commission du Rapport sur l’homophobie, avant de devenir président en 2017, puis coprésident en 2019. J’ai toujours été militant. La persistance des violences et des discriminations LGBTphobes, la difficulté de tenir la main de sa conjointe et de son conjoint dans la rue pour un couple de même sexe, les chantiers à venir sur la PMA m’ont poussé, en 2017, à m’engager et prendre des responsabilités au sein de l’association. Je vais maintenant me consacrer à mon travail, prendre du temps pour moi, tout en restant membre de SOS homophobie. Je fais toute confiance aux bénévoles pour mener les combats et les luttes que nous devons mener. C’est une magnifique association et j’ai tissé des liens d’amitié et d’affection impérissables avec les bénévoles. Je voudrais rendre hommage à leur travail, leur implication et leur militantisme.
Ces deux dernières années, quels sont les faits qui vous ont le plus marqués ?
Deux faits m’ont beaucoup marqué. D’abord la succession terrible d’agressions LGBTphobes de la fin de l’été 2018 à décembre, période à laquelle, je me souviens, pas un jour ne passait sans la révélation d’une agression lesbophobe, transphobe ou gayphobe. Cela a d’ailleurs donné lieu à des mobilisations sans précédent partout en France. Je me souviens bien sûr du grand rassemblement contre les LGBTphobies que nous avons appelé de nos vœux, avec l’Inter-LGBT, le 21 octobre 2018, place de la République à Paris, où nous étions plusieurs milliers. Nous, militant.e.s, représentant.e.s des pouvoirs publics, élu.e.s ou allié.e.s, étions tous toutes uni.e.s et solidaires pour dire non à la haine. L’autre fait marquant est plus positif : c’est la cérémonie des Tolerantia Awards que SOS homophobie a organisé à Paris. Nous avons décerné un prix à Christiane Taubira qui, en recevant le prix, a chanté Comme ils disent de Charles Aznavour avec une présence et une force incroyables.
Le dernier rapport de SOS montre une augmentation des signalements d’actes LGBTphobes. Est-ce que cela vous a surpris ?
L’augmentation des signalements d’actes LGBTphobes ne m’a pas véritablement surpris, quand on voit que la parole LGBTphobe est libre sur internet et les réseaux sociaux, qui sont des espaces mal modérés et mal régulés. L’augmentation des violences signalées est inquiétante mais elle illustre à la fois une libération de la parole des victimes, et c’est salutaire. Ce qui est positif, c’est que de plus en plus de victimes de LGBTphobies parlent, brisent le silence, face aux insultes, aux coups et aux discriminations. C’est un véritable progrès. Le seuil de tolérance à l’égard des LGBTphobies diminue globalement, malgré la persistance des violences. Les LGBTphobies sont présentes sur l’ensemble du territoire national, dans tous les milieux sociaux et dans tous les domaines d’activités. Grâce à nos délégations présentes sur tout le territoire, nous sommes au plus près des victimes et des publics à sensibiliser. Pour une victime de LGBTphobie, la violence subie est la même quel que soit son lieu de vie et entraîne les mêmes conséquences : repli sur soi, honte, décrochage scolaire ou professionnel. Ne baissons les yeux ni les bras !
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