Ira Sachs, réalisateur de « Frankie » : « Si vos films sont uniquement programmés dans les festivals gays, c’est très difficile »
Réalisateur de « Keep The Lights On » et de « Love is Strange », Ira Sachs est l’un des réalisateurs gays les plus importants du cinéma mondial. Interview.
Komitid a rencontré Ira Sachs au festival Lovers de Turin qui lui consacrait une rétrospective. Le cinéaste américain fera son entrée dans la compétition officielle du festival de Cannes avec son nouveau film, Frankie, qui met en scène Isabelle Huppert, Pascal Greggory, Gregg Kinnear et Jérémie Renier. Interview.
Komitid : Vous avez lancé en 2009 Queer Art, une organisation qui aide les créateur.trice.s queer dans tous les domaines artistiques. Est-ce que vous vous définissez comme un réalisateur queer ?
Ira Sachs : Parfois ! Cela dépend du contexte mais en général je suis heureux de le faire. Ma relation au mot « queer » a changé ces dix dernières années, notamment depuis la mise en place de l’organisation sans but lucratif Queer Art. En utilisant le terme queer, on doit accepter de faire son coming out. Je suis vraiment entré en connexion pendant cette décennie avec les jeunes artistes queer et la communauté queer et parfois je me sens d’une génération différente. Queer est du coup peut-être plus adapté à une jeune génération.
Vous avez du attendre près de 10 ans entre votre premier film, The Delta en 1996 et le second, Forty Shades of Blue en 2005. Est-ce que vous pensez que ce délai était dû à la difficulté d’être considéré comme un vrai réalisateur quand on raconte des histoires LGBT+ ?
Ce sont les années de ma vie que je raconte dans Keep The Lights On. Mais pour répondre à votre question : oui, complètement ! C’est une réflexion intéressante à avoir. Par exemple : Gus Van Sant, après avoir fait Mala Noche, un film queer en noir et blanc qui parlait de l’immigration, a enchaîné avec Drugstore Cowboy. C’était sans doute une histoire qu’il avait vraiment envie de raconter mais c’était très intelligent de sa part car cela l’a imposé comme un réalisateur établi puisque c’était un film hétéro avec Matt Dillon et Kelly Lynch. Et il a conservé cette façon de faire pendant toute sa carrière. L’impact commercial sur la possibilité de créer est toujours extrêmement important.
« Quand j’ai vu Quand on a 17 ans d'André Téchiné à Berlin, je me suis dit qu’il n’y avait pas d’autres réalisateurs queer de sa génération qui puissent travailler à ce niveau artistique »
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