Abdellah Taïa : « Je suis extrêmement attendri par Bilal Hassani et j'aimerais beaucoup le rencontrer. L'interviewer. Écrire sur lui »

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Abdellah Taïa, l'un des rares auteurs arabes à avoir publiquement évoqué son homosexualité, parle dans son nouveau roman, « La Vie lente », de la France post-attentats et de la violence de l'époque. Et dans l'entretien qu'il nous a accordé, il dit tout le bien qu'il pense de Bilal Hassani.

Abdellah Taïa, auteur de « La Vie lente » - Abderrahim Annag
Abdellah Taïa - Abderrahim Annag
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Le lieu n'a pas été choisi au hasard. Lorsque j'ai proposé à l'auteur Abdellah Taïa une interview autour de son nouveau roman, La Vie lente (aux éditions du Seuil), il m'a proposé de nous retrouver à la Vielleuse, un café populaire de Belleville, au carrefour de quatre arrondissements parisiens (Xe, XIe, XIXe et XXe). La dernière fois, c'était pour parler de Celui qui est digne d’être aimé (Seuil), en janvier 2017. Il s'est passé beaucoup de choses depuis : l'arrivée au pouvoir de Trump, la montée des nationalismes en Europe, le mouvement #MeToo et plus récemment celui des gilets jaunes. Une accélération exacerbée par les réseaux sociaux et qui trouve écho dans le rythme de son livre.

Né en 1973 à Salé, au Maroc, Abdellah Taïa demeure un des rares auteurs marocains à avoir évoqué publiquement, dans les médias et dans ses œuvres, son homosexualité. Installé à Paris depuis 20 ans cette année, il a déjà publié douze romans, dont Mon Maroc (Séguier), en 2000, Une mélancolie arabe (Seuil) en 2008 et Le Jour du Roi (Seuil) qui obtient le prix de Flore en 2010. En 2014, il réalise son premier film, L'Armée du salut, inspiré de son roman éponyme sorti en 2006 et dans lequel il évoquait son enfance, l'homosexualité et son désir d'étudier le français. Dans La Vie lente, dans un Paris post-attentats de 2015, l'auteur décrit deux personnages, une vieille dame et un homo de 40 ans, qui se déchirent. Un roman de colère et comme il le dit lui-même, « un cri ». Lorsque je débute l'interview, Abdellah ne veut pas tout de suite parler du roman, mais de … Bilal Hassani, candidat de la France à l'Eurovision.

Komitid : Vous suivez avec passion le parcours de Bilal Hassani. Qu'est-ce qui vous plait en lui ?

Abdellah Taïa : On a l'impression que Bilal Hassani ne correspond à rien en France. On ne sait pas où le mettre. Les gens soit trouvent que c'est nul ce qu'il fait ou bien ils ne le trouvent pas assez cultivé. Mais on oublie de voir ce qu'il est en train d'inventer. Ce petit gars de 19 ans a quand même créé tout seul un personnage et l'a imposé tout seul à la France toute entière. Je le suis depuis huit mois. Ce qui m'a sans doute d'abord attiré en lui, dans un premier temps, c'est sans doute en partie ses origines marocaines. Plus je le regarde, plus je l'adore et je l’admire ! C'est un personnage qui propose quelque chose de plus grand que la France. Larger than France. Il est très warholien, Bilal. Si, si, je vous assure, il l'est. Et comme Andy Warhol, il a parfaitement maîtrisé l'art de la perruque. On dit souvent qu'il ne se passe rien dans les banlieues françaises. Avec Bilal, et d'autres artistes en ce moment, la banlieue est plus inventive et plus libre qu'on ne croit. Tout le monde devrait regarder la vidéo où Bilal est avec sa mère : on la voit répondre aux attaques homophobes et racistes que subit son fils. Cela m'a fait pleurer. C'est tellement juste. Courageux. Très courageux.

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  • arnosa

    Voilà un homme que j’avais plaisir a lire et qui devient de plus en plus amere. Est-ce du aux vicissitudes de sa vie amoureuse a Paris, comme il l’a évoqué ailleurs? Peut-être devrait-il demander au Roi de faire plus pour la cause LGBTI+. Pour un homme qui a bénéficié de l’accueil de la France et de sa liberté cherie (et a chérir!), le reconnaissance devrait toujours etre presente. La defense de la liberté des femmes ne peut être relative.