3 questions à Giorgi Tabagari, organisateur de la première Pride de Géorgie
« Nos priorités sont politiques. La pride ne sera pas festive, mais elle sera très bruyante et militante. »
C’est historique. Pour la première fois de l’histoire de la Géorgie, pays du Caucase qui borde la mer Noire, une Pride sera organisée du 18 au 23 juin prochain à Tbilissi, la capitale. Un évènement qui montre le chemin parcouru par les activistes du pays. En 2013, une manifestation organisée le 17 mai avait été violemment interrompue par des dizaines de milliers d’ultra orthodoxes. Si le pays, d’après les sondages, reste globalement conservateur quant aux droits des personnes LGBT+, des avancées se font sentir ces dernières années. Une femme ouvertement queer se présentait même pour la première fois à des élections l’année dernière et depuis 2014, les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre y sont criminalisées.
Komitid s’est entretenu avec Giorgi Tabagari, à la tête de Tbilissi Pride, qui organisera la marche. L’activiste revient sur le besoin de visibilité des LGBT+ dans l’espace public, mais aussi de questions de sécurités que la Pride induit.
Komitid : Pourquoi avez-vous décidé d’organiser à Tbilissi ce qui sera la première Pride de Géorgie ?
Giorgi Tabagari : Je suis un activiste depuis 2010 et j’ai participé à l’organisation de la journée internationale contre les LGBTphobies (IDAHOT), qui est devenu un évènement important pour les personnes queer en Géorgie. En 2012 et en 2013, nos manifestations ont été brutalement attaquées par des groupes conservateurs, mobilisés par des radicaux et l’Église orthodoxe. En mai 2018, la manifestation a même été annulée par les organisations à cause de la sécurité.
Il y a toujours des groupes d’extrême droite qui essayent de saboter nos manifestations. Si vous regardez des vidéos de 2013, vous verrez jusqu’où cela peut aller. Nous nous attendons à ce que ça arrive cette année aussi, mais nous ne communiquons pas avec eux parce qu’ils veulent capitaliser sur nos luttes. Par contre, nous parlons avec le gouvernement. C’est leur rôle et leur responsabilité de s’occuper de notre sécurité.
Nous avons fini par comprendre que c’était la même histoire à chaque fois lorsque nous organisions l’IDAHOT. Il fallait briser ce cercle vicieux. Nous avons aussi réfléchi à où en était le mouvement queer, nous avons analysé les risques et nous sommes rendus compte qu’il n’y avait pas d’élections organisées cette année. Cette année, nous avons décidé d’organiser quelque chose de plus grand, qui unirait la communauté et augmenterait la visibilité des personnes LGBT+.
Dans une interview à la presse géorgienne, vous expliquiez ne pas considérer la Pride comme une célébration. Pourquoi ?
La première Pride, qui a eu lieu à Stonewall, n’était pas une célébration. C’est vrai que nous nous sommes habitué.e.s à des marches plus commerciales et plus festives en Europe occidentale, mais en Géorgie nous devons encore mener de nombreux combats politiques. Rien n’est simple. Notre pays est conservateur, l’Église y est encore très puissante et des groupes conservateurs sont de plus en plus populaires. Faire son coming out est encore un problème pour les membres de la communauté. Nos priorités sont politiques. La pride ne sera pas festive, mais elle sera très bruyante et militante.
L’organisation de la marche est-elle une manière de rendre les LGBT+ géorgien.ne.s plus visible ?
C’est certain. Nous sommes devenus plus visibles en 2012. Avant cela, nous entendions des gens dire « il n’y a pas de gays en Géorgie ». Mais les choses ont changé les cinq dernières années, plus de personnes ont fait leur coming out et la vie queer underground est particulièrement vivante, notamment en terme de soirées.
C’est pour cela que nous nous sommes dit qu’il était temps de sortir et de nous montrer fier.e.s pour porter notre message. Nous prévoyons d’ailleurs d’approcher les partis pro-occidentaux pour leur proposer un mémorandum sur les questions LGBT+.
Propos recueillis et édités par Fabien Jannic-Cherbonnel.