Que vaut « Entre les roseaux », romance gay entre un étudiant finlandais et un réfugié syrien ?
À l’image de son titre un peu désuet et malgré les personnages qu’il confronte, le film peine à s’extirper de son programme classique de petit film romantique.
Un étudiant en littérature finlandais et un jeune architecte syrien qui enchaîne les petits boulots de rénovation dans son nouveau pays d’adoption vont vivre une belle rencontre dans les champs de l’été scandinave. Passage en revue des points faibles de ce film simple à trois personnages.
Tout commence par des retrouvailles glaciales. Leevi rejoint son père dans la campagne finlandaise. C’est l’été et l’étudiant en lettres a quitté Paris pour donner un coup de main à son père, veuf, pour rénover la maison de vacances familiale. On comprend, à demi-mots, qu’il est gay et que son père n’est pas son premier allié. « Si tu veux faire des recherches sur le genre, tu ferais mieux de t’intéresser au sexe opposé » lui balance son paternel quand Leevi lui parle de sa thèse en cours sur la « performativité du genre chez Sarkia (poète finlandais) et Rimbaud ». Le jeune scandinave blond aux yeux bleus a des idéaux et semble vivre un rêve d’un étudiant américain circa 1972 : étudier la littérature à Paris, vivre à Saint-Germain-des-Prés, traîner dans le Quartier latin et rêver de devenir français… Mais son smartphone vibre, nous sommes bien en 2019. On a failli l’oublier.
Beau barbu tatoué
Là, au milieu de l’ensemble de bungalows de bois perdu dans une clairière qu’ils ont prévu de rénover, arrive Tareq, qui va leur prêter main forte envoyé par une agence d’intérim local. Au grand dam du père, le jeune homme ne parle pas la langue locale mais maîtrise en revanche, et à la différence de lui, un anglais parfait. Le jeune homme, un beau barbu tatoué, est un réfugié syrien qui était architecte dans son pays. Profitant de l’absence du père, qui a également une entreprise de transports de bois à gérer, et des traditions finlandaises, boire une bière fraîche nu dans un petit sauna, les deux garçons vont se rapprocher et passer la nuit ensemble. Bien sûr, les deux hommes vont passer du temps à parler entre deux coups de marteau, se raconter leur vie (le long périple pour fuir la guerre pour l’un, les difficultés de travailler à Paris sur un thèse en littérature pour l’autre …) entre deux planches à vernir, sans qu’on ne ressente jamais la moindre émotion avec, comme unique ressort dramatique, le fait de savoir si le père va les surprendre ou non. Tout cela est un peu convenu et on a l’impression que les vrais sujets sont évités au profit d’une conversation-confession à l’encéphalogramme un peu plat qui confine parfois à une espèce de moralisme mal venu.
Cinématographiquement parlant, ce n’est pas révolutionnaire non plus
Cinématographiquement parlant, ce n’est pas révolutionnaire non plus. Hormis quelques tentatives (deux pour être précis) de scènes plus originales, voix off et musique, plans décadrés et sous-exposés au soleil couchant (coucou Terrence Malick), on est plutôt dans l’équivalent scandinave d’un épisode de Dawson, conversations post-adolescentes sur le sens de la vie, les premières amours ou la météo, assis sur des ponts de bois les pieds dans l’eau, comprises. On n’insistera pas non plus sur la qualité de jeu des deux acteurs principaux qui donnent l’impression de se lancer dans un concours éternellement renouvelé de regards contrits avec tête penchée. Entre les roseaux est une jolie bluette qui, malheureusement, ne tient pas ses promesses, passe un peu à côté de son sujet, et, finalement, ne provoque pas beaucoup d’émotions.
Entre les roseaux (1h48)
de Mikko Makela
Avec Janne Puustinen, Boodi Kabbani, Mika Melender
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