« Mère sociale, homophobie d'État »
Christel Freund est une mère sociale, privée de tout contact avec ses jumelles depuis plus de deux ans par la femme avec qui elle les a désirées et élevées. Elle vient tout juste de fonder l'association Parents sans droits pour apporter soutien et défense aux parents sociaux dans sa situation.
Être une mère sociale, c’est être une mère sans droit. C’est le cas de Christel Freund, Perpignanaise de 45 ans, mère de jumelles dont elle est privée depuis plus de deux ans par son ex-compagne. Ne s’étant pas mariée, Christel n’a pu entamer les démarches d’adoption et se retrouve aujourd’hui à devoir prouver qu’elle a désiré et élevé ses deux petites filles. Une situation loin d’être isolée que Christel Freund entend rendre visible et dénoncer à travers l’association Parents sans droits dont elle vient de déposer les statuts. Son mot d’ordre : une réforme de la filiation. Pour Komitid, elle explique sa démarche.
Cela fait maintenant deux ans que je n’ai pas vu mes filles. Quand on vous enlève vos enfants, on vous enlève votre plus grande joie dans la vie, le sens de votre vie. Les premiers temps étaient extrêmement durs, j’ai eu des moments d’abattement profond où je me conduisais comme un automate. J’ai depuis changé d’activité professionnelle et suis aujourd’hui dans une dynamique complètement différente, celle de la combativité.
C’est alors que j’ai créé un groupe sur Facebook, Parents sans droits, pour informer et pour échanger. Rapidement, j’ai recueilli des témoignages d’autres femmes dans des situations similaires et je me suis rendue compte que cette situation était vécue par des dizaines voire des centaines d’autres parents. Quand il est question que les couples homosexuels fassent des enfants, on nous rebat les oreilles avec ce fameux intérêt supérieur de l’enfant, mais malheureusement quand les enfants sont là, plus personne n’en parle. Je suis d’ailleurs signataire de la tribune de Marie Labory — « Ne vous inquiétez pas pour nos enfants, ils sont aimés » — car ce n’est pas parce que je n’ai pas porté mes filles que je suis moins légitime.
« Quand on vous enlève vos enfants, on vous enlève le sens de votre vie »
À travers tous les témoignages recueillis, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas qu’un seul schéma familial, que l’histoire de chaque famille est différente et que trouver une jurisprudence applicable à chacune était peine perdue. Le traitement de nos affaires est long, très long, beaucoup trop long pour nos enfants souvent petits. La justice n’a jamais aussi mal porté son nom. Le « statut » de mère sociale n’est pour moi que l’expression d’une homophobie d’État, totalement institutionnalisée au regard d’un gouvernement qui ne bouge pas d’un iota sous couvert d’un Code civil où nous sommes invisibles. Tout cela me met profondément en colère. En colère face à cette injustice sociale où les enfants sont pris en otage par la mère légale toute puissante, où les enfants subissent souvent une aliénation parentale menée par la mère contre l’autre parent qui fait face, seul.e, à l’exclusion parentale. Si on veut protéger les enfants, il faut protéger les parents.
« Accompagner et soutenir les parents homosexuels »
J’ai ressenti le besoin de libérer la parole. Ma parole, dans un premier temps, que mon ex compagne essayait d’étouffer à tout prix à travers la procédure juridique. Lorsque mes relations m’interrogeaient, je constatais amèrement que ma situation et celle de tant d’autres étaient un « non-problème ». Malgré leur bienveillance, la majorité des gens pense que le mariage pour tous a tout réglé. Personne n’imagine ce que nos enfants et nous-mêmes traversons.
C’est pourquoi j’ai décidé de faire du groupe Facebook une association militante de défense des droits des parents sociaux et de nos enfants. Nous avons déjà plusieurs projets, notamment de rencontrer le gouvernement au plus haut niveau pour obtenir une réforme de la filiation pour protéger toutes les familles homoparentales, quelque soit le schéma. L’objectif est de garantir aux enfants des liens durables avec tous leurs parents. Le but de l’association est d’accompagner et de soutenir les parents LGBT+, souvent abattus, et leurs enfants. Dans le cadre de la cotisation, notre avocate bénévole propose un conseil gratuit et peut aussi s’engager avec vous pour défendre votre dossier. Nous recherchons des thérapeutes bénévoles sur toute la France. Et plus largement nous recherchons des parrains et marraines pour faire connaître notre association.
Pour adhérer à l’association Parents sans droits, la cotisation annuelle est de 15 € par personne ou 25 € par couple. Vous pouvez contacter le bureau via le groupe Facebook ou par mail : parentssansdroits@gmail.com.
Propos recueillis et édités par Philippe Peyre
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