Comment la Pologne et la Hongrie instrumentalisent les droits LGBT+ pour saper l'Union européenne
Les deux pays d'Europe de l'Est ont récemment bloqué les conclusions d'un conseil européen qui mentionnait les questions LGBT+. Un acte qui inquiète les associations et diplomates et qui fait voler en éclat le consensus de l'UE sur ces questions.
« Unie dans la diversité » ? La devise de l'Union européenne (UE) n'a visiblement pas été entendue par tous ses membres si l'on en croit une information passée un peu inaperçue en France. Retour en 2018. Le jeudi 6 décembre, la Pologne et la Hongrie rejetaient les conclusions d'une réunion des ministres européen.ne.s des affaires sociales. La raison ? La référence au terme « LGBTIQ » dans un texte visant à promouvoir l'égalité entre les sexes. Résultat, impossible d'atteindre l'unanimité et voilà la présidence autrichienne forcée de publier des « conclusions présidentielles ». Si celles-ci mentionnent bel et bien les personnes LGBT+, elles n'ont pas la même valeur légale qu'un document signé par le Conseil.
Vu de France, l'évènement pourrait sembler insignifiant, tant il touche à un détail technique de la politique européenne. Pourtant, hautement symbolique, il signale une ligne de cassure de plus en plus importante entre les États membres de l'UE sur les questions liées aux droits LGBT+. Déjà, en octobre dernier, la Pologne avait bloqué les conclusions d'un conseil des ministres de la Justice, qui mentionnait les discriminations subies par les personnes LGBT+. Il s'agissait d'une première dans l'histoire de l'UE. La position polonaise, rejointe en décembre par l'exécutif hongrois, tranche avec des années de consensus, certes mou, sur le besoin de protéger les personnes LGBT+.
« Champion des droits humains » ?
« C'est quelque chose que nous observons depuis quelques années et pas seulement sur la question des droits LGBT+ », explique à Komitid Katrin Hugendubel, l'une des directrices de l’ILGA-Europe (la branche européenne de l’ILGA, fédération internationale LGBTI). Et d'ajouter : « Ce n'est pas seulement les droits LGBT+ qui sont attaqués, c'est aussi la notion de genre. » Une tendance qui hérisse une partie des diplomates européen.ne.s, tant l'UE s'est construite et positionnée ces dernières années comme un « championne des droits humains ».
Après tout, le droit européen apporte de nombreuses protections aux membres des minorités sexuelles : tout pays voulant adhérer à l’UE doit par exemple interdire les discriminations liées à l'orientation sexuelle au travail. La Cour de justice de l'UE a même pris une décision historique en juin dernier : l’époux ou l’épouse d’un.e ressortissant.e de l’UE sera reconnu.e quel que soit le pays où le couple réside, et ce, peu importe si le pays autorise le mariage ou l’union civile aux couples de même sexe.
Des avancées qui ne font pas que des heureux et des heureuses. « Sur la question de la liberté de mouvement, nous avons vu cette année la Pologne, la Hongrie et la Lettonie demander à la CJUE de retirer le terme “époux/épouses” de la directive sur la libre circulation », note Katrin Hugendubel.
Il serait tentant de pointer les lignes politiques des gouvernements ultra-conservateurs au pouvoir en Hongrie et en Pologne comme simple explication à ces blocages. Après tout, la Polska s'est illustrée en 2018 par des actions largement LGBTphobes, l'interdiction de l'organisation d'une journée contre les discriminations à l'école en tête. Mais Victor Orbán, le président hongrois, n'est pas arrivé au pouvoir l'année dernière et certains pays de l'ancien bloc soviétique ne sont pas devenus conservateurs du jour au lendemain. Comment, alors, expliquer le passage de la Hongrie et de la Pologne d'une indifférence ronronnante à une attaque réfléchie sur la question des droits LGBT+ ?
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