Kiddy Smile, Hyphen Hyphen, Janelle Monáe… les 9 meilleurs albums LGBT+ de l'année 2018
Du flamboyant « One Trick Pony » de Kiddy Smile à l'ultra powerful « Dirty Computer » de Janelle Monáe, on se repasse la playlist queer de l'année 2018.
Difficile pour nous d’opérer une sélection de l’année écoulée tant les artistes musicaux queers ont été au rendez-vous. On ressort de ces douze mois avec les oreilles bercées par des morceaux déjà devenus cultes pour certains, mêlant textes engagés et musiques toujours plus entraînantes et entêtantes. Beaucoup d’artistes LGBT+ rejettent l’étiquette de « militant.e » à coup de « je ne suis pas un porte-drapeau », mais leurs chansons font souvent parfaitement le boulot. Et ces figures populaires qui n’hésitent plus à mettre en avant leur identité queer sont de plus en plus nombreuses, sans pour autant être empêchées d’arriver jusqu’aux oreilles du grand public.
Des textes d’Eddy de Pretto contre la masculinité toxique au plaidoyer pour l’empowerment de l’incontournable Janelle Monáe en passant par le saisissant Mama Sorry d’Hyphen Hyphen qui montre le visage de la lesbophobie ou encore le très déjanté Dickmatized de Kiddy Smile, on a été aussi bien conquis.e.s que bouleversé.e.s par ce que nous a offert la scène queer cette année. On avait envie de partager ça avec vous, alors ouvrez grand vos écoutilles et plongez dans la playlist queer de 2018. 5, 6, 7 et 8 !
Janelle Monáe, Dirty Computer (Wondaland)
Dirty Computer est sans réserve notre album favori de l’année, que l’on a écouté en boucle sans s’en lasser une seule seconde. Et pas que parce que Janelle Monáe a fait son coming out pansexuel au moment de sa sortie, non. C’est avant tout parce ce qu’il s’agit d’un véritable manifeste pro empowerment signé d’une femme noire et queer, parfaite ambassadrice du pouvoir de la vulve.
Aussi parce que cet opus, son quatrième, est très actuel. Prenons l’exemple du magnétique Screwed, formidable ode à la libération sexuelle dans l’ère post #MeToo et #BalanceTonPorc. Et puis aussi, disons le, chaque morceau de cet album donne farouchement envie de danser et de piétiner avec fierté toutes celles et ceux qu’on aura envoyé au bûcher. Non vraiment, écouter Dirty Computer est le meilleur conseil que l’on puisse vous donner pour terminer 2018.
Eddy de Pretto, Cure (Initial Artist Services, Universal Music France)
Oubliez Eddy de Pretto en interview et concentrez-vous sur Cure, son superbe album sorti en mars mais dont la version augmentée Culte est disponible depuis début novembre avec notamment l’ajout du percutant Grave. En voilà un qui rejette l’idée selon laquelle il serait un « porte-drapeau » quand on le renvoie à l’image d’icône gay. Peu importe, Eddy de Pretto a bousculé le champ musical français en s’inscrivant comme artiste ouvertement gay de la scène rap qui est parvenu à propulser quelques uns de ses titres dans les meilleures ventes en France (plus de 200 000 albums vendus en quelques mois).
Et quand on écoute attentivement les textes de ce bonhomme aussi sexy que mystérieux, on a de quoi se réjouir : dans Kid par exemple, Eddy de Pretto chante la toxicité de la masculinité hégémonique, dans tout ce qu’elle comporte de misogyne, d’homophobe et de violent. Plus récemment, c’est Grave qui a retenu notre attention pour son cri du cœur anti-conformiste asséné tout au long du morceau : « Ce n’est pas grave si tu ne te réveilles pas tout seul / Si à côté de toi c’est un gars et que t’as la larme à l’œil / Ce n’est pas grave si tu te pensais beaucoup trop jeune / Pour que ce sodome te la mette gentiment et sans battle (…) Sans le vivre, ben ça c’est grave / Et ça c’est pire que rester à mentir dans le sort qu’on se nie tout bas »
Years & Years, Palo Santo (Polydor)
On adore les Britanniques de Years & Years, groupe queer incontournable emmené par le très engagé et très gay Olly Alexander. Le chanteur est fier de se dire attaché à donner de la voix à la communauté LGBT+ à travers sa musique et ses prises de positions. Ils sont revenus cette année avec Palo Santo, un album dans la continuité de leur premier, Communion. On y retrouve un esprit mystique et l’attachement de Years & Years à l’imagerie religieuse. Son nom est d’ailleurs inspiré par l’encens utilisé pendant certaines cérémonies spirituelles. Mais rassurez-vous, le texte des chansons parle toujours d’amour et de sexe.
Hyphen Hyphen, HH (Warner Music France)
Besoin de reprendre des forces avant d’attaquer 2019 ? Ne cherchez plus, HH, le deuxième album d’Hyphen Hyphen, est ce qu’il vous faut. Un ton méga énervé, des textes forts et engagés, des clips léchés, cet opus confirme la consistance du trio niçois ouvertement queer qu’on était ravi.e.s de découvrir en 2015 avec Times. Et on ne va pas vous mentir, on a été bouleversé.e.s par le clip de Mama Sorry qui dénonce la lesbophobie avec autant de puissance que d’authenticité.
Kiddy Smile, One Trick Pony (Neverbeener Records , Defected Records)
Si beaucoup vont retenir du flamboyant Kiddy Smile sa prestation dans la cour de l’Élysée armé de son t-shirt « fils d’immigré, noir et pédé » et entouré de ses danseuses et danseurs voguing, il ne faudrait surtout pas passer à côté de son tout premier album, One Trick Pony, sorti à la fin de l’été. Du très déjanté Dickmatized au lumineux et entraînant Be Honest, ce premier opus signé d’un artiste ouvertement gay à la fois chanteur, danseur, producteur, DJ, auteur et compositeur, mérite toute notre attention. Kiddy Smile parvient à nous faire danser sur des rythmes magnétiques avec des sujets comme le coming out ou encore des relations toxiques en toile de fond. Vraiment, écouter One Trick Pony, c’est la garantie de-se-sentir-bien.
King Princess, Make My Bed (Zelig)
Nouvelle sensation pop venue de New York, elle s’est imposée comme une artiste qui place au cœur de sa musique son identité de lesbienne. Son nom : King Princess. Pour tout vous dire, on a beaucoup hésité entre vous parler d’elle ou d’Hayley Kiyoko avec qui elle se dispute la couronne de « Jésus lesbienne ». On a choisi King Princess, même pas 20 ans au compteur et une assurance qui fait oublier sa bouille de gamine, pour son entrée remarquée sur la scène new-yorkaise avec Make My Bed, premier EP sorti en juin dernier chez Zelig.
Une production solaire, pop, un brin mélancolique et servie par une flopée de clips qui laissent entrapercevoir une chanteuse à suivre de près. Clope au bec, nonchalante, King Princess traîne un je-ne-sais-quoi d’arrogant, mais on lui pardonne, tant en tout juste cinq chansons, d’une rupture alcoolisée avec la déchirante Talia à l’ode au syndrome de la pauvre petite fille riche (qu’elle est ?) avec Upper West Side, elle nous retourne le cœur comme une crêpe.
Chris, Chris (Because music)
Impossible de ne pas retenir son nom pour cette rétrospective 2018, mais soyons honnête, son album n’est pas ce qu’on a préféré cette année. Quelques titres sortent du lot certes, mais dans l’ensemble, on n’a pas franchement abusé du mode repeat. Oui, on a quand même un Damn, dis moi qui a cartonné et dont le refrain, une fois en tête, a bien du mal à en sortir. Sans oublier la danse qui reste un véritable atout pour Chris qui aime à dessiner un personnage public toujours plus énigmatique. On l’aime surtout pour son côté légèrement antipathique, d’artiste à la fois populaire et intello qui, après un premier album couronné de succès, a tout de même pris le parti d’orchestrer son retour tout en métamorphose, amenant le sujet de la non-binarité du genre sur les plateaux télés, et ça on ne peut que l’en remercier.
Robyn, Honey (Konichiwa Interscope)
Après huit ans d’absence, on ne pouvait que souligner le grand retour de Robyn, icône queer qui ne l’est pas (concept à rendre fou Eddy de Pretto). Revenue avec un huitième album studio baptisé Honey au mois d’octobre, l’interprète suédoise du mythique Dancing On My Own a voulu livrer un disque plus personnel résolument pop. Nous, on l’aime surtout pour son hymne gay dont elle a parfaitement saisi la dimension, comme elle l’expliquait à Out : « Je crois que c’est une chanson sur le fait d’être à la marge – de façon très physique – et si c’est perçu comme un hymne gay, alors je le prends comme un super compliment. »
Charles Aznavour, Comme ils disent (Barclay)
Pour terminer cette rétrospective, on tenait à avoir un mot pour Charles Aznavour, décédé le 1er octobre dernier à l’âge de 94 ans. En 1972, alors qu’il était au sommet de sa popularité, il avait bravé un tabou en interprétant Comme ils disent, une chanson sur l’homosexualité dont les premières paroles sont gravées dans l’imaginaire collectif : « J’habite seul avec maman / Dans un très vieil appartement / Rue Sarasate… ».
Un morceau délicat, truffé de sous-entendus et de double-sens pleins de pudeur et de mélancolie, prenant le contrepied de l’époque, où l’homosexualité pouvait être chantée, oui, mais surtout quand on la raillait, quand on la moquait. Avec Comme ils disent, Charles Aznavour avait su raconter la vie d’un homosexuel comme nul autre ne l’avait fait avant lui. Et pour ça, merci Charles.
Bonus — Aya Nakamura, NAKAMURA (Warner Music France)
Fantastique artiste RnB, Aya Nakamura a inondé les ondes de ses chansons devenues des tubes et pas qu’en France. Elle est la première artiste francophone depuis Edith Piaf à avoir vendu autant de singles aux Pays-Bas grâce à son incontournable Djadja. On l’aime pour ses textes truffés d’argot et son comportement (bah ouais) ultra girl power. À la sortie de Copines, on s’était même laissé.e.s tenter par une lecture gouinesque du morceau tant le clip nous semblait crypto. On a vite abandonné cette interprétation sans pour autant laisser de côté cette artiste qui emprunte avec une assurance inégalable le boulevard du succès. 2019 sera sans aucun doute son année et on sera là pour la suivre.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, pour les fêtes de fin d’année, Komitid vous offre la superbe illustration de cet article réalisée par Roca Balboa. La version HD est à télécharger ici.
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disto
Bloom de Troye Sivan manque un peu à l’appel dans cette des titres marquants de 2018 !