« Cassandro the exotico », sublime portrait d’un flamboyant catcheur gay mexicain
En s’attachant au destin de Cassandro, l’un des « luchadors » les plus connus du Mexique, l’artiste et documentariste française Marie Losier signe un documentaire envoûtant et d’une beauté à couper le souffle. Bas les masques !
Un « exotico », c’est un catcheur par comme les autres. Cassandro, dont le film dresse le portrait, est un pro de la lucha libre au Mexique, et un gay flamboyant et travesti au maquillage et au brushing parfaits. Vint six ans de carrière à combattre les préjugés.
Marie Losier, artiste protéiforme qui a vécu une vingtaine d’années à New York, est une réalisatrice pas comme les autres. Elle aime par-dessus tout faire le portrait intime de personnes hors-du-commun, des artistes de son cercle d’ami.e.s qu’elle suit pendant de longues années. Son premier long métrage, La Ballade de Genesis et Lady Jay sorti en 2011, documentaire multi-récompensé sur le couple formé par l’artiste et musicien Genesis P-Orridge et sa compagne Lady Jay et à leurs multiples opérations pour se ressembler, se confondre. Leur rencontre s’est faite par hasard et leur amitié construite pendant le long processus de tournage (lire dès lundi notre entretien avec la réalisatrice), leurs rencontres et leurs nombreuses conversations par Skype.
La star Cassandro revient sur son parcours, la détermination et l’amour de l’art qui l’ont portés jusqu’au titre de champion du monde et Marie Losier parvient à saisir des moments de grâce et d’intimité : le cérémonial de la préparation d’avant match et l’extrême soin apporté à l’allure, la coiffure de celui qui lutte sans masque, ou encore la façon bien à lui qu’il a de célébrer Dieu, priant, de bon matin, en slip dans son salon rococo, un mélange hétéroclite de symboles venus de différentes croyances et de traditions païennes.
Souvenir de famille sur pellicule
Mais c’est quand on s’éloigne du « spectacle » qu’apparaissent les cicatrices. Celles qui se voient et marquent de leurs sceaux des souvenirs de combats, et celles, plus intimes qui racontent à la fois la discrimination, les agressions et les insultes inhérentes à l’affirmation de son homosexualité dans un Mexique encore très traditionnel et à la réputation des « exoticos » vus un peu comme des clowns et auparavant bien peu respectés, ainsi que sa relation problématique à l’alcool et à la drogue.
La grande force cinématographique du film de Marie Losier vient bien sûr de son personnage-sujet, héros des sans-voix qui distribue à qui veut sourires, encouragements et belles paroles, mais elle est sublimée par les parti-pris techniques et esthétiques de la réalisatrice. Par sa façon de mettre en image cette histoire, via des procédés à la fois créatifs et immersifs, l’utilisation de matériel ancien et la mise en avant du grain, des éclats de lumière et des sons, Marie Losier crée un objet filmique proche du souvenir de famille sur pellicule, circa 1970, redécouvert par hasard dans un grenier et c’est là l’une des clés pour nous rendre Cassandro si beau, si drôle, si émouvant, si familier.
Cassandro the exotico
Réalisation : Marie Losier
Documentaire – France – 1h13
En salles le 5 décembre 2018
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