Quand la Pologne utilise les droits LGBT+ pour affaiblir l'Union Européenne
Le gouvernement conservateur polonais a bloqué un texte qui « notait les discriminations subies par les personnes LGBT+ ». Une première dans l'histoire de l'UE.
Cela aurait dû être une simple formalité. Réunis en conseil des ministres à Bruxelles le jeudi 12 octobre, les 28 ministres européens de la Justice s’apprêtaient à valider les conclusions du Conseil de l’Union Européenne (UE) sur l’état des droits humains dans le bloc. Adopté chaque année sans encombre, le texte mentionnait notamment les discriminations dont sont victimes les personnes LGBT+. Mais la phrase, anodine, n’a pas été au goût de la Pologne, rapportent des sources diplomatiques au Figaro. Le texte n’a donc pas été adopté.
Que s’est-il passé ? Comme l’explique le toujours très bien informé Florian Eder de Politico, le texte de base contenait la phrase suivante : « Le Conseil note que les personnes LGBTI sont encore souvent victimes de discrimination, de violences physiques et de haine au travers de l’UE. » La formulation a beau n’être ni transgressive, ni très engageante, elle a malgré tout été jugée trop forte par le gouvernement ultra-conservateur au pouvoir en Pologne.
D’après le ministre polonais de la Justice, Zbigniew Ziobro, ce veto est dû au « refus des autres ministres de citer les religions juive et chrétienne dans un passage évoquant les discriminations contre les “groupes religieux” ». L’homme politique ayant estimé qu’il fallait « protéger les Chrétiens et les Juifs contre la discrimination religieuse sur un pied d’égalité avec la protection des droits des personnes LGBT, des enfants des migrants ou des femmes. » Mais selon des diplomates présents lors de la réunion, la raison du veto est bel et bien homophobe. Certain.e.s diplomates auraient même fait part de leur indignation et de leur honte aux représentant polonais, raconte Le Figaro.
La Pologne « s’est retrouvée seule »
Résultat des courses : le texte a été adopté… mais en tant que simple conclusions de la présidence autrichienne du Conseil de l’UE. Si dans les faits, l’impact d’un tel revirement est quasi-nul, il n’en est pas pour le moins symbolique. D’abord parce que, comme l’explique Politico, il est coup de semonce pour l’UE « qui se voit comme un champion des droits humains dans le monde ». C’est la première fois que le texte annuel sur les droits humains est remis en cause par un état membre. Un mauvais signe pour les personnes LGBT+ européennes ? Le droit européen leur apporte de nombreuses protections : tout pays voulant adhérer à l’UE doit par exemple interdire les discriminations liées à la sexualité au travail.
La deuxième explication tient aux tensions entre la Pologne et la Commission Européenne, notamment sur des réformes judiciaires mises en place par le parti au pouvoir. Le pays est accusé par un grand nombre d’activistes et de politiques de l’Ouest de devenir une démocratie illibérale, de plus en plus intolérante envers les minorités. Jusqu’à présent, la Pologne marquait ses divisions sur les questions de migration, mais, explique Politico, il se pourrait bien que le pays s’attaque aux « valeurs libérales » défendues par l’UE.
« L’UE doit se battre pour les droits fondamentaux, aujourd’hui comme tous les autres jours »
La décision polonaise n’a en tout cas pas du tout plu aux diplomates des 27 autres États membres. « L’égalité des personnes LGBT+ ne devrait pas être balayée sous le tapis », a expliqué Ferd Grapperhaus, le ministre de la Justice néerlandais au Financial Times. « L’UE doit se battre pour les droits fondamentaux, aujourd’hui comme tous les autres jours ». Un appel qui semble avoir été entendu, puisque tous les autres pays, y compris la Hongrie et la Slovaquie, traditionnellement alliées de la Pologne, ont signé les conclusions de la présidence autrichienne. Non seulement la Pologne « s’est retrouvée, encore une fois, toute seule » souligne Politico, mais en plus, cette décision pourrait donner des gages « à ceux qui veulent se débarrasser de la règle d’unanimité » lors de prises de décisions du conseil. La même qui fait que l’UE est souvent accusée d’immobilisme.
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