« A Star is born », un remake inégal mais un écrin pour l’actrice Lady Gaga
Avec cette histoire hollywoodienne mythique, Bradley – « Very Bad Trip » – Cooper passe derrière la caméra pour la première fois et offre à Lady Gaga un écrin de rêve. Si le remake ne tient pas toutes ses promesses, l’idole des « little monsters » prouve une fois de plus l’étendue de son talent. L’avis de Komitid.
En 1937, David O’Selznick, producteur iconique de l’âge d’or d’Hollywood lance un projet qui marquera à jamais l’histoire du cinéma. A Star is born (Une Etoile est née en VF), suit le parcours d’une jeune actrice qui deviendra une star. Ce scénario simple dans lequel Hollywood raconte Hollywood est devenu légendaire en 1954 grâce au premier remake musical avec Judy Garland dans le rôle-titre. Suivront la version Barbra Streisand de 1976, et le plagiat Glitter de Mariah Carey, sans oublier Michel Hazanavicius qui reconnait y avoir trouvé l’essentiel de la trame originale pour The Artist. Un classique, une matrice qui permet à chaque époque, à chaque réalisateur d’aborder de façon introspective les affres du star-system. Effet miroir garanti.
Rencontre dans un cabaret gay
Dans ce reboot version 2018, tout commence avec un show explosif, tout en sons et lumières, qui donne le ton. Jackson Maine (Cooper himself), star du blues et guitariste de génie, éblouit un public conquis par sa voix rocailleuse et son regard bleu profond. Sérieusement accro à l’alcool, la star en perdition se retrouve lors d’une virée d’après concert dans un improbable cabaret de drag-queens. C’est là qu’il découvre Ally (Gaga), serveuse et star à naître, lancée dans une version inspirée de La Vie en rose, chorégraphie lascive sur le bar incluse. Le parcours est tracé, le programme est connu. Il est bluffé, il est séduit et il veut en faire une star. Elle va réussir, l’aimer et tout faire pour lui éviter de plonger.
Le remake est séduisant et, dès les premières scènes, il y a une évidence : le couple Cooper-Gaga fonctionne extrêmement bien et le néo-réalisateur insuffle au propos une certaine modernité qui participe au renouvellement façon « reboot » de ce scénario devenu un classique. Il en profite pour jouer de façon plutôt maline avec la vraie vie et la carrière de la star du film. Le récit de leur rencontre dans un cabaret gay est, par exemple, une référence à peine masquée aux débuts de la jeune Stefani Germanotta dans le Lower East side new-yorkais, où pendant les années 2000, elle fréquente les scènes burlesque, jazz, rock et queer. Le point de vue du film sans fausse pudeur sur l’industrie musicale et son lot de compromissions ou son diktat de l’apparence n’omet pas non plus les clins d’œil au côté performeuse visuelle de Lady Gaga.
Une véritable révélation
La première heure du film est, par tous ces aspects auxquels peut s’ajouter un sens de l’ellipse bienvenu, vraiment réussie avec comme points d’orgue leur premier duo, les tournées, et la construction d’une love story crédible et touchante. Mais le film dure deux heures et quart, et la seconde partie souffre terriblement d’un relâchement manifeste de l’écriture. Malheureusement, l’ensemble du film est entraîné dans un mouvement qui va decrescendo. Les scènes les plus fortes, les plus émouvantes se concentrent dans cette première moitié et la qualité des (nombreuses) chansons subit également une déperdition progressive. Dommage que le traitement du motif scénaristique du film, une espèce de « rise and fall » croisée, de la gloire à la chute pour lui, et de l’anonymat aux Grammy Awards pour elle, imprime un tel déséquilibre en termes d’enjeux dramatiques.
Restent une mise en scène vraiment efficace, une façon plutôt innovante de filmer les scènes de concert, une énergie communicative et deux acteurs réellement au sommet de leur art. Bradley Cooper s’offre un rôle de chanteur à succès dont le destin se brise qui lui permet, on l’imagine, de réaliser un pur fantasme de comédien, celui de chanter sur scène devant un public. Il a rarement été aussi convaincant depuis Hapiness Therapy . Lady Gaga, elle, s’était contentée jusqu’alors d’apparitions fugaces sur grand écran : des caméos sous son propre nom dans Men in black 3 ou Opération Muppets, des petits rôles dans Machete Kills ou dans le deuxième volet de Sin City. Sa participation aux saisons 5 et 6 de la série American Horror Story a mis en valeur un vrai talent de comédienne, récompensé par un Golden Globe en 2016. Dans ce premier rôle principal au cinéma, elle enfile un costume sculpté à sa mesure par Cooper et ses coscénaristes mais surprend par un jeu sobre, une véritable intériorité qui tranche avec son personnage public. C’est une véritable révélation et une nouvelle carrière qui s’ouvre pour elle. A suivre !
A Star is born
Réalisation : Bradley Cooper
Drame musical – Etats-Unis – 2018 – 2h16
Distribution : Lady Gaga, Bradley Cooper, Sam Elliott, David Chappelle, Andrew Dice Clay, …
En salles le 3 octobre 2018
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