Sondage de la Manif pour tous sur la PMA : « Les questions n'ont pas de sens »
La Manif pour tous, qui tient son université d'été ces 22 et 23 septembre en région parisienne, s'est payée un sondage sur « Les Français et la PMA ». Tout un programme.
Après Alliance Vita au mois de juin, la Manif pour tous a remis une pièce dans la machine à sondages orientés. Alors que le mouvement politique, farouchement opposé à l’ouverture de la PMA pour toutes, tient sa 6e université d’été en région parisienne ce week-end des 22 et 23 septembre, il vient de dévoiler un sondage commandé auprès de l’Ifop sur « Les Français et la PMA ».
Le mouvement emmené par Ludovine de la Rochère l’assure : 82 % des Françaises et des Français seraient opposés à la « PMA sans père ».
Pour tirer cette conclusion – qui entre en contradiction avec la plupart des enquêtes d’opinion à ce sujet – la Manif pour tous s’appuie sur le résultat obtenu à la première question (82 %) : « Selon vous, l’Etat doit-il garantir aux enfants nés par Procréation Médicalement Assistée (PMA) le droit d’avoir un père et une mère ? ».
À première vue, on n’est pas sur.e de comprendre. La question est-elle de garantir l’accès aux origines des enfants né.e.s d’une PMA ? Quand on sait la vive opposition du mouvement à l’ouverture de cette technique de procréation, on pencherait plutôt pour une lecture plus fidèle à son argumentaire de 2013, à savoir : « un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants ». Autrement dit, refaire le débat de 2013 quant à la possibilité ou non pour un couple homosexuel de fonder une famille.
« La façon dont les questions sont posées est complètement biaisée », a réagi Céline Cester, présidente de l’association de familles homoparentales Les Enfants d’Arc-en-Ciel, auprès de Komitid. « Le problème des sondages de la Manif pour tous, c’est qu’ils posent des questions d’une façon telle que même quelqu’un qui pourrait être en faveur d’une évolution de la loi pourrait répondre en allant dans leur sens », estime-t-elle. Et de préciser : « L’État n’est pas en capacité de garantir cela. S’il devait garantir aux enfants d’avoir un père et une mère, il faudrait le faire pour tout le monde. La façon dont les questions sont posées fait qu’on est à côté. Si on essaie de faire preuve d’esprit critique, les questions n’ont pas de sens ».
« La Manif pour tous souhaite remettre en cause la PMA au sens large »
Deuxième question du sondage : « Selon vous, les enfants concernés (les enfants né.e.s d’une PMA dans un couple de femmes ou d’une femme seule, ndlr) seraient-ils victimes d’une inégalité par rapport aux enfants qui ont un père et une mère ? ». Le résultat nous avance : 50 % de « oui », 50 % de « non ». « Là on cible les lesbiennes et les femmes seules, mais n’oublions pas que la Manif pour tous souhaite remettre en cause la PMA au sens large. Si on regarde la société aujourd’hui, plein d’enfants n’ont pas de père et ne sont pas forcément né.e.s d’une PMA », rectifie Céline Cester.
Quant à la troisième question, on ne va pas trop s’attarder dessus, tant les affirmations proposées ne laissent que peu d’options aux sondé.e.s. Les personnes interrogées ont en effet été invitées à renseigner l’affirmation avec laquelle elles se sentent la plus proche. Au choix, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes « risque de susciter des manifestations d’opposition très importantes parce qu’on toucherait aux droits de l’enfant » ou « ne suscitera pas de grandes manifestations parce que ce n’est pas un sujet important pour les Français » ? 61 % se sont prononcé.e.s plus proches de la première affirmation.
Dans la mesure où la Manif pour tous prévient depuis des mois qu’elle compte faire descendre en masse ses troupes dans la rue pour contrer ce qu’elle estime être l’ouverture d’un « droit à l’enfant », on peut donc analyser dans ce résultat que oui, les Français.e.s ont bien entendu les menaces du mouvement. Cela vaut-il pour accord ? Le sondage ne répond pas à cette question.
Vous en avez assez ? Nous aussi, mais terminons. Le meilleur pour la fin, comme le veut la formule.
La dernière question s’appuie sur la déclaration du président du Conseil national consultatif d’éthique (CCNE) qui avait indiqué, à l’issue des États généraux de la bioéthique, largement infiltrés par les opposant.e.s à la PMA pour toutes, qu’il n’y avait « pas de consensus sur la PMA ». Face à ce constat, la Manif pour tous a voulu savoir si les gens préfèrent que le gouvernement prépare « rapidement un projet de loi autorisant la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour les femmes célibataires » ou « reporter ce débat à plus tard pour ne pas diviser inutilement les Français ».
Outre la notion d’un projet de loi qui serait bâclée, introduite par le « rapidement » dans la première affirmation (qui, surprise, n’a convaincu qu’une minorité, 44 %), on a manifestement perdu quelqu’un en cours de route. Qui ?
Les lesbiennes, en effet, ne figurent pas dans la première affirmation. Fâcheux pour les premières concernées.
« Colère »
Entre ce sondage biaisé de la Manif pour tous, son université d’été qui ouvre grand son micro à des propos homophobes sans le moindre complexe, la Conférence des évêques de France qui, vendredi 21 septembre, a dit « non » à la PMA pour toutes (à la PMA tout court d’ailleurs)…. tout cela s’inscrit comme le seau d’eau qui fait déborder la piscine.
« Nous sommes en colère ! », a commenté Céline Cester. « On oublie que le débat est beaucoup plus large que ça, la question n’est pas de savoir si les couples homosexuels peuvent être parents ! On a le sentiment qu’on oublie que nos familles existent déjà. On ne demande pas si on a le droit d’exister ou pas, on demande juste que nos familles soient protégées. C’est tout le problème des sondages commandés par la Manif pour tous qui orientent le débat loin des vraies questions. C’est un réel manque de respect envers nos familles, nos enfants », poursuit la présidente de l’association des Enfants d’Arc-en-Ciel.
Il y a aussi le fait que le sondage en question a été commandé à l’Ifop, un grand institut de sondage. Loin d’être le premier à blâmer, répond Céline Cester, tant que la méthodologie est respectée : « Ils répondent purement et simplement à une commande que la Manif pour tous a les moyens de financer. Il faut être réaliste, ils ont les moyens de payer ce qu’ils veulent et en profitent largement ». Un constat qui donne un grand sentiment d’impuissance à une responsable d’association comme Céline Cester : « On n’a peut être pas les même moyens, par contre on a le droit au respect ».
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La manif pour tous a déjà mobilisé ses troupes sur Twitter. Il est clair que ces grenouilles de bénitier retourneront dans la rue s’aérer avec leur manif. Le plus important c’est : est-ce que Macron ira jusqu’au bout en légalisant la PMA pour toutes ou reculera t’il ?