Justice : pourquoi la décision d'accorder une adoption plénière à l'époux du père d'enfants nés de GPA est importante
Les deux pères de jumelles nées par GPA au Canada seront inscrits sur l'acte de naissance. L'avocate du couple, Caroline Mécary, a expliqué à Komitid ce que la décision va changer.
C’est une première en France, selon Me Caroline Mécary. Mardi 18 septembre 2018, la cour d’appel de Paris a donné raison à un homme qui demandait l’adoption plénière de jumelles nées en 2011 d’une gestation pour autrui au Canada. Jusqu’à présent, explique France Info, l’État français ne reconnaissait que le père biologique, l’époux du plaignant. Komitid vous explique pourquoi cette décision marque un tournant.
Un jugement significatif ? Oui, d’abord parce que le plaignant a obtenu une adoption plénière et non simple, ce que préconisait la jurisprudence actuelle. Concrètement, cela veut dire que les actes de naissance des deux filles feront mention uniquement de leur deux papas. À l’inverse, si l’adoption avait été simple, le nom du deuxième père aurait été ajouté en tant que père adoptif. L’adoption simple ne supprime pas l’origine de l’enfant, alors que l’adoption plénière est irrévocable et rompt les liens entre la famille biologique et l’enfant.
Dans son jugement, la cour d’appel de Paris a confirmé en tout point les jugements rendus en novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris. Mais ces deux décisions ne vont pas dans le sens de la jurisprudence : en juillet 2017, la Cour de cassation avait reconnu deux parents d’enfants nés d’une GPA à l’étranger, mais en choisissant une procédure d’adoption simple. Ici, la cour parisienne a justifié sa décision en expliquant que les liens familiaux des parents et des jumelles étaient « conformes à l’intérêt de l’enfant ».
« Consentement de la mère porteuse »
À noter, également, que les juges de la cour d’appel de Paris, ont décidé de ne pas faire mention de la mère porteuse sur les actes de naissance des filles. La GPA étant légale au Canada, seul le père biologique était inscrit sur les actes de naissances originaux. La cour a estimé « qu’il n’y avait pas lieu de recueillir le consentement de la mère porteuse ».
« C’est le droit qui a été appliqué ici », souligne Maitre Mécary. « C’est le regard moral qui fait que certaines juridictions n’acceptent pas l’adoption plénière, voir même l’adoption simple de l’enfant du conjoint quand il y a une GPA. Elles ont une conception morale de l’application du droit, ce qui n’est pas mon cas, j’ai une conception juridique. » Une conception partagée par la cour d’appel de Paris.
Appel au gouvernement
Pour Caroline Mécary, la décision de justice est « une première pierre pour l’établissement d’une jurisprudence qui prend en compte l’intérêt des enfants qui sont conçus par une GPA ». La Cour de cassation doit d’ailleurs examiner ce vendredi deux affaires différentes, dans lesquelles des couples cherchent à faire transcrire à l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés de GPA à l’étranger. Une décision dans un sens ou dans un autre sera-t-elle suffisante, tant la question de la GPA divise encore les Français et les Françaises ?
Pour la député Les Républicains Nadia Ramassamy, qui a interpellé la Garde des Sceaux, il est temps que le gouvernement « comble un vide juridique » sur le sujet, estimant qu’il faut « donner un cadre législatif aux enfants nés de GPA ». « Si on veut l’intervention du législateur, alors il faut débattre de la légalisation de celle-ci, selon nos critères et nos valeurs », résume Caroline Mécary.