Gay Games : danser ensemble en oubliant les médailles
Valse, tango, salsa, la danse sportive a illuminé de mille froufrous la semaine des Gay Games. Un bal joyeux où l'on danse ensemble en oubliant - ou pas - qu'il y a un podium au bout…
Un matin caniculaire à Paris, la musique appelle les curieux et curieuses devant le gymnase Japy dans le 11ème arrondissement de Paris. Valse, tango, salsa ou cha cha cha… font tourner les têtes. À moins que ça ne soit les paillettes, pléthoriques, qui semblent s’envoler des costumes bariolés. « Je travaille pour Danse avec les stars, forcément ça m’a interpellée ! » raconte une passante, la mâchoire basse devant tant de classe.
Il faut dire qu’elles sont belles, ces femmes dansant (pour ne pas dire s’envolant) entre elles, une valse aux pas rapides. Les suivent une dizaine de couples de garçons diablement galbés dans des dentelles pleines de strass, tournoyant sous les yeux des juges. C’est l’épreuve de danse sportive, pour les Gay Games.
361 personnes, issues de 21 nationalités, ont choisi la compétition de danse sportive, pour participer aux Gay Games. Sur cinq jours, des épreuves en couples, en groupes, qu’ils et elles soient seniors, jeunes, en situations de handicap, tous et toutes vont lustrer le joli parquet.
Le ballet des strass et paillettes
Dans la salle, les couples sont convoqués par un animateur en talons hauts, à danser selon un ordre strict. Les codes de la danse en couple sont respectés : si certains couples de femmes ont choisi des costumes reprenant ceux des couples hétéros, beaucoup ont choisi de se vêtir de la même façon. Chez les hommes, qui sont minoritaires dans cette épreuve, les costumes sont jumeaux.
Autour de la piste de danse, les tables sont décorées par les équipes nationales. Un gros kangourou gonflé pour l’Australie, un drapeau américain rainbowisé pour les États-Unis… les hourras retentissent face aux frous-frous des danseurs et danseuses. Dilan et Susie ont une classe folle : la première arbore un magnifique costume trois pièces quand la deuxième a choisi une robe de danse émeraude avec un faux air de Géraldine Chaplin.
C’est la quatrième fois qu’elles participent aux Gay Games, après les éditions de Chicago (où elle dansaient la country), Copenhague et Cleveland, chaque fois elles en reviennent plus heureuses : « C’est magique de nous voir tous ensembles et tous beaux et belles ». En plus de la danse de salon, Susie s’est aussi inscrite pour la danse en groupe.
« Les jeunes gays peuvent apprendre très tôt la danse, mais que les lesbiennes s’y mettent tard »
Dans le public, leur prof les suit du regard. Zoe Balfour, venue d’Oakland, entraîne depuis des années ses équipes mixtes (cette année intégralement féminine) pour les Gay Games. « C’est amusant de voir que les jeunes gays peuvent apprendre très tôt la danse, mais que les lesbiennes s’y mettent tard ». Elles sont toutes là, autour, venue soutenir Susie et Dilan en jean et tee-shirt, ce qui ne les empêche pas de danser quand même avec leurs têtes, leurs épaules ou leurs petits pieds sous les tables.
« Elles ont entre 35 et 70 ans, elles sont profs, bossent dans le bâtiment, sont thérapeutes… il y a de tout dans cette team. Quand je leur ai parlé des Gay Games à Paris, elles ont toutes signé ». Dans le public, Nina et Dominique acquiescent : « Ça fait du bien ces moments où l’on n’est qu’entre nous, on ne se juge pas, on n’adopte pas une attitude pour plaire, on est juste nous. En vrai c’est ça la médaille » explique la première.
Le plaisir de danser, moins de concourir
Quand il danse, Tobias oublie les années d’école, de collège, de lycée. Des années où le sport était une torture. « J’étais toujours le plus frêle, le moins solide, le plus nul… la compétition continuelle m’angoissait au plus haut point ». Cela fait quatre ans que l’Allemand s’entraîne retrouve son partenaire de danse, Jörg, le week end, pour danser. Par plaisir d’abord, « J’aime tout sauf la salsa, car j’abhorre la musique ».
« À l’école, j’étais toujours le plus frêle, le moins solide, le plus nul… »
Les deux compères sont venus participer à leurs premiers Gay Games, par évidence d’abord. « C’est vraiment chouette de danser avec notre peuple du monde entier… on a rencontré des gens géniaux, mais on n’est pas venus pour gagner. Et la compétition c’est comme au lycée, trop de pression. Ce seront nos derniers Gay Games. »
Sur le parquet, un couple de garçons attirent tous les regards. Ils sont aussi graciles qu’endimanchés. Simone et Thomas arrivent de Berlin, vêtus d’une tenue originale et moulante, noire et bleue électrique. En sueur, ils survolent le parquet – et la compétition. Eux, sont là pour gagner. Simone, né en Italie, est instituteur dans la capitale allemande, il s’entraîne depuis Noël pour les Gay Games mais danse continuellement. « J’ai découvert la danse à 39 ans… depuis, je ne peux plus m’en passer. Thomas, lui, est danseur depuis qu’il a 9 ans… c’est lui qui m’a emporté et qui a conçu les costumes. » Le vaillant gaillard, maquillé comme une voiture volée, se réjouit de raconter la compétition à ses élèves à la rentrée.
Des juges formé.e.s spécialement
Cinq fois championne du monde de danse latino, Stéphanie Godet est une juge appliquée. Munie de son calepin, elle ne laisse rien passer, les meilleur.e.s, elle les a débusqué.e.s au premier coup d’œil. Quand on est venu.e.s lui proposer de distribuer les points aux Gay Games, elle n’a pas hésité une seconde : « Je suis juge dans tous les championnats de danse sportive, donc c’est avec plaisir que j’ai accepté ».
Contrairement aux compétitions olympiques, le système de points est différent : « Dans la fédé, les points sont de 1 à 6 et ici c’est 3/5/7 mais nous avons eu droit à une petite formation pour se conformer aux codes des Gay Games ». Si la danse de salon est très cadrée du point de vue des rapports de genre (bien souvent l’homme mène, la femme suit), la juge n’a eu aucun mal à faire son travail : « En deux secondes, j’oublie que ce sont deux hommes, ou deux femmes et j’applique ma rigueur sans problème ».
« Il n’y a pas de concurrence réelle, comme cela existe dans les autres compétitions »
Une chose change cependant : le plaisir. « Je l’ai remarqué dès le premier jour, le plaisir des danseurs est intense, l’ambiance et la camaraderie sont rafraîchissants : il n’y a pas de concurrence réelle, comme cela existe dans les autres compétitions ».
Nous quittons le gymnase Japy avant la remise des médailles, alors que dans la salle, on danse presque autant sur le parquet qu’en dehors. Aux Gay Games, danser c’est gagner.