Les femmes trans exclues des compétitions féminines d'échecs
La Fédération Internationale des échecs a décidé d'exclure les femmes trans des compétitions féminines, déclenchant un tollé dans le milieu.
Le 14 août dernier, la Fédération internationale des échecs (FIDE) a publié un communiqué de presse dans lequel elle déclare rendre la participation des femmes trans à ses compétitions soumises à des conditions strictes. Il y est écrit que la FIDE ne reconnaîtra l’identité de genre d’un individu que si « elle est cohérente avec l’identité qu’elle entretient dans sa vie en dehors des échecs, et qui a été confirmée par les autorités nationales lors d’un changement légal et formel ». Cette politique vise en particulier les femmes trans puisque « dans le cas où le sexe a été changé d’homme à femme, la joueuse n’a pas le droit de participer aux épreuves pour femmes, jusqu’à ce qu’une nouvelle décision de la FIDE soit prise », explique la fédération.
« Le changement de sexe est un changement qui a un impact significatif sur le statut d’un joueur et sur son éligibilité future aux tournois, il ne peut donc être effectué que si une preuve pertinente du changement est fournie », ajoute t-elle.
La FIDE traitera donc les différents profils des femmes trans au cas par cas, ce qui pourrait prendre près de 2 ans avant qu’elles soient officiellement autorisées, ou non, à concourir. En attendant qu’une décision soit prise, les joueuses trans devront participer aux compétitions mixtes. À l’origine, des compétitions féminines d’échecs avaient été créées pour encourager les femmes à se lancer dans la discipline. Dans les plus hauts niveaux de compétitions d’échecs, notamment aux olympiades, il n’y a pas de catégories 100 % masculines. La compétition est divisée en deux : mixte et féminine.
Une décision qui déclenche un tollé
Ce communiqué a suscité de nombreuses critiques, notamment dans sa manière de nier aux femmes trans le fait d’être des femmes à part entière, au même titre que les femmes cisgenres. La décision arrive alors que la panique morale qui entoure l’inclusion des femmes trans dans différents espaces de la société (compétitions sportives, vestiaires…) n’a jamais été aussi forte. Plusieurs personnalités du monde des échecs ont pris la parole pour critiquer cette initiative jugée transphobe. La joueuse et youtubeuse trans Yosha Iglesias s’en est vivement prise à la FIDE, exprimant son incompréhension face à une telle initiative. « Quelqu’un peut me dire ce qui est considéré comme une compétition officielle de la FIDE ? Est-ce que je serai autorisée à jouer au Championnat de France dans trois jours ? Et à la Coupe Européenne des Clubs en septembre ? »
La multi-championne américaine Jennifer Shahade parle quant à elle d’une politique « ridicule et dangereuse ». « C’est évident qu’ils n’ont consulté aucune personne trans ». L’un des arguments les plus utilisés lorsque l’on souhaite exclure les femmes trans des compétitions sportives est celui d’un prétendu avantage physique. Cette réthorique ne devrait donc pas pouvoir s’appliquer aux échecs. La journaliste et joueuse trans Ana Valens déclare à ce sujet dans un article pour The Mary Sue : « Je ne pense pas être plus intelligente que la plupart des femmes cis et je ne pense pas non plus que mes années de pré-transition m’aient donné un avantage inné aux échecs. Pourtant, la FIDE considère les femmes transgenres comme une sorte de menace pour l’intégrité des femmes cisgenres jouant aux échecs ».
La FIDE précise aussi que les hommes trans verront leurs titres précédemment gagnés lors d’éventuelles compétitions féminines (c’est à dire avant leur transition) leur être purement et simplement retirés.
La France se désolidarise
Les fédérations françaises et allemandes ont quant à elles déclaré qu’elles ne se soumettrons pas à cette nouvelle politique. « Ce communiqué de la FIDE est un texte mal écrit, et même transphobe. La FIDE n’a pas le pouvoir d’imposer cette décision aux championnats nationaux », déclare Jean-Baptiste Mullon, vice-président de la Fédération française des échecs, lors d’une interview à Libération.
À l’instar des compétitions sportives, la FIDE craindrait qu’un bon joueur triche en se faisant passer pour une femme trans et aille rafler les récompenses des compétitions féminines. « Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’absolument personne ne fait ça. Personne n’entame une transition pour le « fun », c’est un parcours lourd et personnel, qui a des conséquences sociales extrêmement importantes », ajoute t-il. À ce titre, Jean-Baptiste Moulin souhaite soutenir le plus possible ses joueuses, quitte à avoir des problèmes avec la FIDE et sa nouvelle réglementation. « A cause de cette décision, si des joueuses transgenres venaient à être sélectionnées en équipe de France, la FIDE pourrait nous barrer la route. On est prêts à montrer notre solidarité envers nos joueuses, car l’angle de la FIDE n’est pas le bon. La priorité, c’est que les joueurs d’échecs français se sentent bien dans leur univers sportif ».
La fédération allemande a elle aussi pris position sur la question, assurant quelle n’exclurait pas les femmes trans. « En Allemagne une joueuse trans est déjà devenue championne dans les années 2000, et évidemment que les femmes trans seront toujours autorisées à concourir dans les compétitions allemandes », peut-on lire dans le communiqué de la fédération.
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