Violences sexistes et LGBTphobes en Outre-Mer : un rapport inédit pointe le manque de moyens

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L'association En avant toutes vient de publier, avec le soutien de la Fondation Chanel, un rapport sur la situation des violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+ dans les territoires ultra-marins. Quels en sont les principaux enseignements ?

Ville de Basse-Terre à la tombée de la nuit, capitale de la Guadeloupe
Ville de Basse-Terre à la tombée de la nuit, capitale de la Guadeloupe - NAPA / Shutterstock

Derrière la carte postale trop souvent mise en avant, la situation des personnes LGBTQIA+ face aux violences en outre-mer est souvent minorée.

Le rapport de l’association En avant toute(s), présenté mardi 11 juillet et intitulé « Des ponts entre les territoires d’outre-mer et l’hexagone » est le résultat d’un travail d’enquête auprès d’associations d’accompagnement des personnes victimes de violences en outre-mer.
Il passe en revue la situation des violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+ à partir de témoignages d’associations de terrain ultramarines.

Créée en 2013, l’association En avant toute(s) est née du constat émanant des associations de terrain : la prévalence des violences conjugales chez les jeunes, et leur isolement face aux structures d’aide et d’accompagnement.
En avant toute(s) lutte pour l’égalité des genres et la fin des violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+. Elle s’adresse spécifiquement aux jeunes et agit à travers deux axes complémentaires : la prévention des comportements sexistes, et l’accompagnement des jeunes femmes et des personnes LGBTQIA+ victimes de violences au sein du couple ou de la famille, à travers Commentonsaime.fr le premier tchat de France dédié à ces questions.

Pour rédiger ce rapport, 23 structures ont été interrogées, 40 entretiens réalisés et 126 tchats analysés.
Bien entendu, des territoires aussi différents que ceux de la zone Caraïbe, ceux de la zone Pacifique ou les territoires de l’Océan indien, ne présentent pas les mêmes caractéristiques mais il se dégage cependant des enseignements communs.

A La Réunion, le rapport qui a notamment interrogé l’association LGBT Orizon, souligne une « évolution sociétale forte autour de la question des violences », « des professionnel·es à bout de souffle » mais aussi « une inégalité dans les politiques de santé publique : l’alcool comme facteur augmentant de 12 à 16 fois plus le risque de violences ».

Le Dr David Mété explique ainsi que le rhum, un spiritueux, est l’alcool le moins taxé à La Réunion. Il ajoute : « On sait que ce sont des alcools qui favorisent la violence, les études sont nombreuses. On pratique donc une fiscalité forte pour prévenir les risques, sauf dans les Outre-mer. Or, ce n’est pas un privilège mais une inégalité très dangereuse : les citoyens d’Outre mer ne sont pas protégés comme les autres citoyens français ».

Pour les personnes LGBTQIA+, le tchat de l’association représente un espace sûr. Le rapport rappelle que l’incendie en février dernier du centre LGBT de Saint-Denis de la Réunion montre que l’acceptation demeure cependant limitée.

A Mayotte, il n’existe pas d’association LGBT pour le moment.

Dans la zone Caraïbes, les phénomènes les plus marqués et pointés par le rapport sont notamment « la prégnance de la religion » et « la culture du secret » (Martinique), des « services publics en tension » et « un tabou sur les questions LGBQIA+ » (Guyane), « l’héritage colonial » fort et « un fort rejet des personnes LGBQIA+ » (Guadeloupe). Dans la zone Océan Pacifique, le rapport mentionne les difficultés de l’associationLGBT Diversité Nouvelle Calédonie qui faute de moyens, n’a plus de salarié·e.
Dans plusieurs autres territoires (Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Guadeloupe) il n’existe pas de structures spécifiques pour les personnes LGBTQIA+

En Martinique, l’association LGBTQIA+ Kap Caraïbe a vu ses adhésions tripler. Selon un témoignage recueilli : « Elle est de plus en plus visible et donc perçue comme légitime. Mais ça veut aussi dire qu’elle dérange de plus en plus ». La visibilité aussi est un enjeu : « Ceux qui militent sont ceux qui ont pu s’affirmer et consolider leur identité en métropole. Ceux qui sont restés ici en Martinique ont beaucoup de mal à se rendre visibles ».

Le rapport insiste sur les spécificités territoriales de chaque espace, afin d’éviter une approche uniforme d’une réalité commune exagérée. Il met en lumière et a choisi de valoriser « le travail immense fait par les structures locales, qui bénéficient souvent de moyens et de visibilité moindres que celles de l’Hexagone. »

Pour chaque territoire, le rapport fait un certain nombre de recommandations afin notamment d’améliorer l’accueil et l’écoute des personnes victimes de violences, que ce soient des femmes, des jeunes ou des personnes LGBTQIA+

En conclusion, les auteur·rices du rapport expliquent : « Si la création du tchat Commentonsaime.fr en 2016 a constitué une innovation majeure dans l’utilisation du numérique au service de l’accompagnement des personnes victimes de violences, sa forme actuelle est la première étape d’un dispositif plus global et complet, à développer pour lutter efficacement contre les violences, au delà de toutes barrières physiques, au-delà des frontières des territoires ultramarins et de l’Hexagone. »

Pour télécharger la synthèse du rapport, cliquez sur ce lien.