Yasmina Cardoze : « Demander à La Briochée de coprésenter les OUT d'or, c'est manifester notre soutien aux drag queens et aux personnes trans ! »
Après une année blanche, les OUT d'or, qui récompensent des médias et des personnalités sur les questions LGBTQIA+, reviennent pour une cinquième édition à l'occasion des 10 ans de l'AJL. Yasmina Cardoze, co-presidente de l'Association des Journalistes LGBTQI+ a répondu à nos questions.
Qui de Pomme, Paloma ou Louis Albi sera désignée personnalité de l’année aux OUT d’or 2023 et succédera à Barbara Butch, gagnante de l’édition 2021 (vous pouvez voter ici) ? Quel média recevra un prix dans les six catégories que sont enquête-reportage, presse étrangère, documentaire, coup d’éclat éditorial, révélation numérique, coup d’éclat artistique ?
Après une année sans OUT d’or, l’Association des Journalistes LGBTQI+ (AJL) propose une nouvelle cérémonie qui s’annonce « lé–gen–daire » avec la présence de la drag Queen La Briochée (qui n’a pas sans langue dans la poche) et Linh-Lan Dao, journaliste à France Info et membre de l’Association des journalistes antiracistes et racisé·es (AJAR).
Yasmina Cardoze est une des co-président·es de l’AJL avec Yanis Chouiter. Elle a répondu à nos questions.
Komitid : Il n’y a pas eu d’édition des OUT d’Or en 2022. Etait-ce dû à des difficultés d’organisation liées au covid ?
Yasmina Cardoze : En 2020 les OUT d’or avaient été annulés à cause du covid, en 2022 c’était un peu différent mais lié quand même. Nous avions organisé les OUT d’or 2021 en décembre, et pour l’édition suivante nous souhaitions nous réinscrire dans le mois des fiertés. Pour cela, il aurait fallu relancer l’organisation dès janvier 2022 et nous nous sommes vite aperçus que nous n’en avions pas les moyens humains, juste après la cérémonie de décembre… De plus, les partenaires financiers n’étaient pas au rendez-vous.
« Si l’homophobie a reculé dans les médias français, certain·es tombent en 2023 dans les mêmes écueils qu’en 2013, mais cette fois la cible ce sont les personnes trans »
Pourquoi avoir choisi le thème des dix ans du mariage pour tous pour cette édition 2023 ?
Le thème est plutôt celui des 10 ans de l’AJL ! Notre association est née en 2013 en réaction au traitement médiatique du mariage pour tous. La vague d’homophobie libérée dans les médias nécessitait une réponse, ce fut la fondation de l’AJL pour aider nos confrères et consœurs à mieux faire. Dix ans plus tard, nous constatons que si l’homophobie a reculé dans les médias français, certain·es tombent en 2023 dans les mêmes écueils qu’en 2013, mais cette fois la cible ce sont les personnes trans. C’est pour ça que nous avons publié cette année une étude sur le traitement médiatique des personnes trans dans les médias français en ligne les plus lus. Pour fêter cet anniversaire, tous les ex co-président·es de l’AJL seront présent·es et nous aimerions rendre hommage aux journalistes LGBT militants qui nous ont précédé.
Il n’y a aucun media LGBTQIA+ francophone cité dans les différentes catégories. Comprenez-vous le reproche que certains font sur le fait que les Out d’Or ne font pas suffisamment de place aux médias LGBTQI+ ?
Nous comprenons ce reproche, bien sûr, mais notre but est d’encourager la presse généraliste à s’emparer elle aussi des sujets LGBTQI+ et à les traiter le mieux possible. Si nous nommions Komitid, Têtu, Well Well Well, Friction Magazine, Jeanne Magazine…. aux côtés du Monde, de Mediapart, du Courrier Picard, nul doute que la presse communautaire remporterait tous les prix ! Le risque serait alors que les médias généralistes se disent “bof pas la peine de faire d’efforts”. L’histoire de nos luttes est marquée par les actions qui émanent de la communauté, par l’auto-support, l’auto-organisation, la solidarité entre lesbiennes, gays, bi, personnes trans… Mais nous existons aussi hors de nos cercles, pour faire avancer nos droits et la société nous avons besoin d’être visibles dans tous les médias, nous avons besoin que nos vies, nos actualités, soient traitées par les médias grand public. Nous les critiquons toute l’année, mais en juin, nous récompensons celleux qui se sont illustré-e-s. Chaque année, nous réfléchissons à des moyens de visibiliser la presse communautaire malgré ces critères. Cette 5e édition sera précédée d’un Village des Médias, de 18h à 19h30, dans le lobby de la ballroom de l’hôtel Pullman, où nous avons invité plusieurs titres de la presse communautaire à présenter leur travail. Nous espérons que ce sera l’occasion pour le public de les découvrir et pour les journalistes de tous bords de nouer des liens…
J’ai été surpris de ne pas trouver le documentaire de Marie Labory et de Florence D’Azémar sur l’histoire lesbienne dans la catégorie documentaire. Comment s’effectue la sélection des nommé·es ?
La sélection des nommé-e-s s’effectue à partir de la veille que nous effectuons toute l’année, notamment pour notre newsletter. Nous cherchons les productions qui ont eu un fort impact médiatique dans l’année écoulée depuis la dernière éditions… ou qui traitent d’un sujet fort qui mériterait un impact médiatique plus grand encore. Nous ne sélectionnons pas les membres de l’AJL, par souci d’éthique. Or Marie Labory, qui a présenté plusieurs éditions des OUT d’or, est membre de l’AJL. Mais nous recommandons fortement le visionnage de son documentaire !
« Demander à La Briochée de coprésenter la cérémonie c’est aussi notre façon de manifester notre soutien aux drag queens et aux personnes trans ! »
On a vu récemment des attaques sans précédent contre les personnes trans mais aussi contre des spectacles de drag queens ou un spectacle de Bilal Hassani. Comment réagit l’AJL ?
Notre action reste concentrée sur le traitement médiatique, d’où notre étude sur le traitement médiatique des personnes trans dans les médias français en ligne les plus lus. Notre espoir est que ces chiffres et conclusions servent d’outils pour que nos confrères et consoeurs apportent le contexte nécessaire à ces attaques. Demander à La Briochée, drag queen et femme trans, de coprésenter la cérémonie c’est aussi notre façon de manifester notre soutien aux drag queens et aux personnes trans ! Elle aura l’occasion de s’exprimer sur la transphobie durant la cérémonie, car le mieux c’est toujours d’écouter les concerné-e-s….
L’AJL existe depuis maintenant dix ans. Le profil des journalistes qui rejoignent l’association a-t-il évolué et si oui, comment ?
Je ne saurais pas répondre sur le profil, il me faudrait des données plus concrètes que mes impressions ! Mais mon sentiment c’est que l’ajl a évolué en suivant les évolutions de la société : nous aussi tâchons d’être plus inclusif ! A notre naissance, nous étions l’association des journalistes lgbt, dans nos communications nous sommes désormais l’association des journalistes lgbtqi+ (toujours abrégée ajl), pour visibiliser les personnes queer, intersexe, asexuelles, aromantiques, panromantiques… Tout l’arc en ciel ! Nous avons ajouté le terme “intersectionnalité” dans les statuts de l’AJL, car les discriminations se cumulent. C’est aussi pour ça qu’on salue la création de l’AJAR et qu’on a proposé à une de ses membres, Linh-Lan Dao, de coprésenter la cérémonie avec la Briochée !
Quelles sont selon vous les grandes évolutions dans le traitement médiatique des questions LGBT et de la visibilité de personnes LGBTQIA+ dans les médias ?
Nous constatons que les médias font plus attention à leurs propos concernant les personnes gays et lesbiennes, globalement il y a des progrès, nous en sommes très heureuxes ! Mais il reste beaucoup à faire encore. Si les personnes trans sont plus visibilisées, elles sont aussi plus maltraitées médiatiquement. Et nous le voyons aux Etats-Unis et au Royaume-Uni actuellement : l’avalanche de haine médiatique est bien souvent suivie de violences dans l’espace privé et public puis de lois oppressives… Nous, médias, avons toujours une responsabilité dans la société, un impact dans les esprits. Nous devons en être conscient-e-s et nous efforcer de ne pas relayer la haine.
La billetterie pour assister à la cérémonie des Out d’Or 2023 est ouverte ! Cliquez ici !
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