Yanis Khames de la Pride des banlieues : « Ecrire un livre nous permet de poser nos bases théoriques et pratiques »
Dans « Les marges au centre de la lutte », Yanis Khames, l'un des initiateurs de la Pride des banlieues, présente les enjeux de ce mouvement qui a pris une place majeure dans les luttes LGBTI+. Interview.
Komitid : Qu’est-ce qui a motivé votre décision d’écrire ce livre ?
Yanis Khames : Après le succès de l’édition 2022, nous avons pris la décision collective de faire vivre nos revendications non pas uniquement ponctuellement lors de la Pride des Banlieues mais bien tout au long de l’année en devenant un mouvement, le mouvement Pride des Banlieues. Dans cette optique, écrire un livre nous permet de poser nos bases théoriques et pratiques. Une sorte de guide qui permet autant aux observateur·ices de comprendre notre démarche, qu’aux personnes qui souhaitent nous rejoindre de savoir dans quoi elles s’embarquent.
« Lorsqu’on est LGBTQI+ en quartiers populaires, aux LGBTQI+phobies viennent s’ajouter le racisme, la précarité et l’abandon des services publics »
Vous faites dans ce livre le constat de nombreuses discriminations à l’encontre des personnes LGBTQIA+ dans les banlieues. Quelles sont vos principales revendications pour lutter contre ?
Lorsqu’on est LGBTQI+ en quartiers populaires, aux LGBTQI+phobies viennent s’ajouter le racisme, la précarité et l’abandon des services publics. Nos revendications prennent donc en compte ces enjeux qui s’intersectionnent. Cette année, nous marchons donc pour une ouverture de la PMA vraiment à tout le monde en mettant fin à son interdiction légale pour les personnes trans et en mettant les moyens fin aux énormes discriminations d’accès aux personnes racisé·es, grosses et handicapées. Vous pouvez retrouver les détails de cette revendication sur notre pétition en ligne.
L’année dernière nous avons marché pour la création de 10 000 places en hébergement d’urgence et la formation de toustes les agent·es à l’accueil de public LGBTQI+ pour que plus personne ne dorme à la rue en Seine-Saint-Denis.
Comment définissez-vous la notion de quartiers populaires, qui peut refléter de nombreuses réalités ?
Pour nous les quartiers populaires sont d’abord définis par leur abandon et par la ségrégation sociale qui a cours en leur sein ! Ils sont également définis par le sentiment d’appartenance et identitaire que ses habitant·es portent pour lui. Ainsi, nous réfutons notamment l’idée selon laquelle un quartier populaire est forcément défini par ses bâtiments et que seul les cités d’habitats sociaux peuvent être des quartiers populaires. Ainsi, on peut par exemple qualifier le quartier Mutualité de Saint-Denis comme un quartier populaire malgré le fait qu’il soit pavillonnaire.
Vous consacrez plusieurs pages à vos modes d’action non violents. Pouvez-vous en parler ?
Notre objectif est de créer un rapport de force nécessaire à la prise en compte de nos revendications. Dans ce cadre nous avons développé cinq axes de travail.
- L’événementiel : la Pride des Banlieues a fait des petits avec trois nouveaux événements qui rassemblent au moins 200 personnes cette année.
- Le plaidoyer : rencontre avec des élu·es et campagne de communication sur des revendications
- L’aide communautaire : collecte et distribution de matériel d’hygiène et de santé
- L’étude de nos communautés : via notamment un partenariat avec l’Université de Rouen avec la rédaction d’une thèse en cours.
- La cohésion inter-organisationnelle : rendez-vous mensuel d’une grosse vingtaine d’organisations qui travaillent sur nos thématiques.
Quelles sont vos principales critiques envers la Pride parisienne ?
Il y a besoin d’un espace spécifique. Un espace qui rend visible les personnes les plus reléguées au sein de notre société. Celles qui subissent les LGBTQI+phobies mais également le racisme, le classisme et toute autre stigmatisation et oppression si présentes au sein de nos territoires. Le vécu des parisien·nes n’est pas celui des banlieusard·es. Le vécu des LGBTQI+ parisien·nes n’est pas le vécu des LGBTQI+ banlieusard·es. Il faut une Pride à Paris et une Pride en banlieue.
« Quand on a lancé l’idée d’une Pride des Banlieues on était une toute petite dizaine, aujourd’hui nous mobilisons plus de 300 personnes pour l’organiser »
En trois ans, qu’est-ce qui a changé dans le fonctionnement, l’image et l’impact de la Pride des banlieues ?
Quand on a lancé l’idée d’une Pride des Banlieues on était une toute petite dizaine, aujourd’hui nous mobilisons plus de 300 personnes pour l’organiser. Forcément cela implique de repenser nos modes d’organisations en profondeur pour répondre à tous les enjeux que cela implique. L’impact augmente lui aussi bien entendu, chaque année plus de personnes se rejoignent à la Pride des Banlieues, chaque année nous développons de nouvelles actions, chaque année nos revendications se font plus entendre. Pourtant il reste insuffisant pour faire bouger les lignes autant qu’elle devrait bouger pour que chacun·e puisse vivre dignement. Il est donc nécessaire de venir le 3 juin prochain à la prochaine Pride des Banlieues car c’est ensemble que nous parviendrons à créer une société dans laquelle il n’y a pas de condition à l’épanouissement.
Cette année, quelle sera la tonalité de la Pride des banlieues ?
Cette année on se retrouve à 13 heures, place René Dumont à Saint-Denis. On va marcher pour faire vibrer nos fiertés et nos couleurs ! Pour lutter contre les oppressions que nous subissons. Les LGBTQI+phobies mais également entre autres la précarité, le racisme et le validisme. Pour faire vivre l’espoir d’un monde où tout le monde peut vivre dignement.
À 15h30 on finira la marche en se retrouvant sur un village où vous pourrez rencontrer des organisations qui partagent nos luttes, écouter les discours sur notre revendication de l’année et profitez des performances de Nayra, Ooojala et Nefertrauma !
Pour les plus motivé·es on se rejoint à la Cité Fertile à partir de 19 heures pour une soirée After à prix libre où Lala Rami, Nayla, Lola Ondikwa et DJ Cheetah performeront. Voilà le lien d’inscription.
Toutes les infos sur la Pride des banlieues, samedi 3 juin, à partir de 13 heures ici
« Les marges au centre de la lutte – Théorie et pratique de la Pride des banlieues », de Yanis Khames, Double ponctuation, 136 p., 16€.
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