Allemagne : la mémoire des victimes LGBTI+ honorée lors des commémorations de l'Holocauste
Le Parlement allemand va mettre pour la première fois l'accent vendredi 27 janvier sur le sort des victimes des nazis persécutées en raison de leur identité de genre ou leur orientation sexuelle, à l'occasion de la journée internationale des victimes de l'Holocauste.
Le Parlement allemand va mettre pour la première fois l’accent vendredi 27 janvier sur le sort des victimes des nazis persécutées en raison de leur identité de genre ou leur orientation sexuelle, à l’occasion de la journée internationale des victimes de l’Holocauste.
« Ce groupe est important pour moi parce qu’il souffre toujours d’hostilité et de discrimination », a déclaré la présidente du Bundestag, Bärbel Bas, à l’AFP.
Depuis le 27 janvier 1996, les députés organisent chaque année à la chambre basse du Parlement une cérémonie solennelle pour marquer l’anniversaire de la libération du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau.
Traditionnellement, elle est centrée sur la mémoire des six millions de Juifs exterminés par le régime d’Adolf Hitler.
Même si l’ancien chef de l’Etat Roman Herzog (1994-1999) avait déjà évoqué en 1996 le destin tragique des hommes et des femmes LGB sous le régime nazi, les militant·es en faveur des droits de la communauté LGBTI+ estiment que leur histoire a longtemps été marginalisée voire oubliée.
La cérémonie de vendredi, où leur persécution sera mise en exergue, constitue « un symbole important de reconnaissance » de « la souffrance et la dignité des victimes emprisonnées, torturées et assassinées », estime Henny Engels de l’association pour les droits des homosexuels et des lesbiennes.
Triangle rose
Dans certaines villes allemandes, et particulièrement à Berlin, la scène LGBTI+ s’est épanouie pendant la République de Weimar dans les années 1920.
Le droit pénal interdisait bien depuis 1871 les rapports sexuels entre hommes, mais il a été relativement peu appliqué.
Tout a changé à l’arrivée du parti national-socialiste au pouvoir dans le sillage des élections de 1933.
Dès 1935, il a durci la loi, portant à dix ans de travaux forcés la peine encourue en cas de rapport sexuel entre hommes.
Quelque 57 000 hommes ont été emprisonnés, et entre 6 000 et 10 000 envoyés dans des camps de concentration et contraints de porter des uniformes flanqués d’un insigne en forme de triangle rose désignant leur orientation sexuelle.
Entre 3 000 et 10 000 hommes gays ont péri sous le nazisme, et beaucoup d’entre eux ont été castrés ou soumis à d’horribles expériences dites médicales, selon les estimations d’historiens.
Des milliers de personnes lesbiennes, trans ou travailleur·euses du sexe, considérées comme “dégénérées”, ont également été emprisonnées dans des camps.
Honorer “toutes les victimes”
Tout en rappelant que l’Holocauste visait en premier lieu les Juifs, le directeur du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, Dani Dayan, a salué cet élargissement du travail de mémoire entrepris par les députés allemands.
« L’Holocauste était une attaque contre l’humanité : contre les personnes LGBTQ, les Roms et les Sintis, les personnes souffrant de handicaps mentaux, mais en particulier contre les Juifs », a-t-il dit à l’AFP lors d’une récente visite à Berlin .
« Nous respectons et honorons toutes les victimes », a-t-il ajouté.
Lors de la cérémonie qui doit se tenir dans le bâtiment historique du Reichstag, au coeur de Berlin, la Néerlandaise de confession juive Rozette Kats, 80 ans, dont les parents ont péri à Auschwitz, s’exprimera dans l’hémicycle.
Près de 80 ans après la libération des camps, Il n’y aura pas de témoignage d’un survivant de l’époque nazie appartenant à la communauté LGBTI+, a indiqué Mme Bas. Des acteurs liront à la place des textes relatant des histoires tragiques de victimes homosexuelles sous le régime hitlérien.
L’Allemand Klaus Schirdewahn, condamné en 1964 en raison de son homosexualité, viendra lui témoigner en souvenir de tous ceux qui ont continué à être poursuivis après la guerre, au titre de la même législation mise en place sous Hitler.
En Allemagne de l’Ouest, le paragraphe 175 du code pénal criminalisant l’homosexualité sera rétabli dans sa version d’avant le nazisme en 1969, avant d’être entièrement aboli en 1994. Dans l’ex-RDA, il restera en vigueur jusqu’à 1968.
La réhabilitation des condamnés de la période nazie sera ensuite votée en 2002, dans l’Allemagne réunifiée.
Mais il faudra attendre mars 2017 pour que le gouvernement réhabilite aussi les quelque 50 000 personnes poursuivies après 1945, et leur accordent des indemnisations.
A cette date, « beaucoup des victimes n’étaient plus en vie », a regretté la présidente du Bundestag.
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