Noémie Pillas, coordinatrice du centre LGBTQI+ de Marseille : " Le changement de majorité à la Ville a été un véritable déclic "
À l'occasion de l'ouverture prochaine du premier centre LGBTQI+ de Marseille, la coordinatrice du projet Noémie Pillas nous en dit davantage.
À l’occasion de l’ouverture prochaine du premier centre LGBTQI+ de Marseille*, Komitid a pu s’entretenir avec Noémie Pillas, coordinatrice sur le projet, afin d’en apprendre plus sur les différents enjeux de cette initiative très attendue.
Komitid : Depuis combien de temps travaillez-vous sur le projet de centre LGBTI+ ?
Noémie Pillas : Le projet initial est né en 2017, lorsque le conseil départemental a mis en place le COLD (Conseil d’Orientation pour la Lutte contre les Discriminations) autour de trois grands axes, dont la haine anti-LGBTQIA+. A ce moment, une trentaine d’associations ont mis au point un document d’une cinquantaine de pages qui décrit les missions, les moyens et les ambitions d’un centre LGBTQIA+ départemental.
Ce document est resté lettre morte jusqu’à l’annonce, en 2021, par les institutions locales d’une “union sacrée” autour de la lutte contre la haine anti-LGBTQIA+. Dans les objectifs fixés se trouvait alors un centre LGBTQIA+ à Marseille. Depuis début 2022, c’est Fierté Marseille Organisation, organisatrice de la Pride Marseille avec les structures LGBTQIA+ militantes depuis 2019, qui a mené le projet de création.
Pourquoi selon vous la deuxième ville de France n’avait toujours pas de Centre LGBT ? Qu’est ce qui a bloqué ?
Un centre LGBTQIA+ est un lieu de rencontre entre les structures militantes, les communautés et les partenaires publics. Jusqu’à il y a peu, les institutions publiques n’avaient pas montré le courage politique nécessaire au soutien d’un tel projet. C’était donc un frein non négligeable qui nous empêchait d’envisager un projet d’une telle dimension. L’histoire du mouvement associatif marseillais a également été haute en couleurs. C’est depuis 2014 et la création d’un comité de pilotage inter-associatif pour la Pride Marseille qu’enfin, toutes les associations LGBTQIA+ locales se sont mises autour de la table pour organiser ensemble un événement d’envergure. Depuis 2021, les planètes sont alignées : les institutions publiques, locales et nationales, soutiennent notre projet ; les associations ont contribué à la création du projet et participent aux décisions politiques ; les communautés LGBTQIA+ sont investies dès le début de l’année dans la mise en place d’un lieu qui leur ressemble.
Le passage à gauche de la Mairie de Marseille a-t-il aidé ?
Le changement de majorité à la Ville a été un véritable déclic dans les politiques de lutte contre les discriminations à Marseille. Enfin, nous avions des interlocuteurs au sein de la municipalité. Mais nous sommes par ailleurs très soutenus par le département des Bouches-du-Rhône sur le projet de la Pride Marseille. Cependant, on peut voir dans d’autres villes, comme à Nice, que la municipalité de droite s’est également emparée du sujet. C’est donc plus un courage qu’une couleur politique qui peut provoquer le changement.
« Depuis le projet initial de 2017, les associations et plus largement les structures LGBTQIA+ sont associées à cette initiative »
Quelles sont vos ambitions avec la création de ce centre ?
Nos ambitions sont simples et se retrouvent dans la plupart des centres LGBTQIA+ dans le monde : accueillir les plus fragiles d’entre nous, sortir notre communauté de l’isolement, questionner la société civile, co-construire les politiques de diversité de la cité, soutenir les structures militantes et les communautés LGBTQIA+ et alliées, promouvoir les cultures LGBTQIA+ auprès du grand public.
Pour cela, nous avons identifié trois locaux mitoyens avec des utilisations variées : le premier local sera un lieu d’accueil du public centré sur la convivialité. Un bar sera installé, ouvert au grand public qui pourra feuilleter les ouvrages de la bibliothèque ou découvrir les œuvres d’un ou d’une artiste queer. Le second local sera dédié aux permanences et au travail associatif. Il sera adapté à l’échange entre d’une part les structures et partenaires de soutien et d’accès aux droits, et d’autre part les communautés et personnes qui les sollicitent.Le troisième local accueillera les personnes salariées et bénévoles qui gèrent au quotidien le fonctionnement du centre LGBTQIA+. Cet espace sera également un espace de coworking pour les structures militantes. Enfin, un espace de stockage pour les activités des militantes et militants, très attendu, sera aménagé dans les sous-sols.
Quelle place donnez-vous aux associations dans cette initiative ?
Depuis le projet initial de 2017, les associations et plus largement les structures LGBTQIA+ sont associées à cette initiative. Nous avons la chance de posséder des canaux de communication privilégiés, à travers la collaboration autour de la Pride, des connaissances personnelles mais également via des réseaux régionaux, de pouvoir toucher une grande diversité dans les structures et communautés LGBTQIA+. Nous avons souhaité mettre à profit ces réseaux dès que le projet a commencé à se concrétiser, il y a quelques mois. Depuis, nous avons construit un comité de pilotage autour de la création du centre qui est dédié aux décisions et débats politiques autour du projet et qui se compose de toutes les personnes et structures LGBTQIA+ et allié·e·s qui souhaitent s’investir. Notre objectif est de créer un centre par les communautés LGBTQIA+ pour les communautés LGBTQIA+.
*Dans les années 80, deux lieux associatifs se sont succédés à Marseille, La Boulangerie gay (1981-1987) et le Bateau Ivre (1987-1988).
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