« Cabaret », le diamant noir de la comédie musicale, brille sur la scène du Lido
Vous n'aviez peut-être pas l'habitude d'aller au Lido ? Cela pourrait changer car sous la direction artistique de l'imaginatif Jean-Luc Choplin, la mythique comédie musicale « Cabaret » y brille de mille feux ! Mais elle nous invite aussi à réfléchir.
La mythique salle du Lido, sur les Champs Elysées, à Paris, brille à nouveau de mille feux, les boules à facette sont ressorties, le spectacle peut commencer !
Pour relancer ce lieu qui avait beaucoup perdu de sa superbe, Jean-Luc Choplin, imaginatif directeur artistique du lieu (après avoir officié au Châtelet, mais aussi à Marigny et à la Seine musicale), a choisi une comédie musicale iconique : Cabaret.
Dans une interview récente à Télérama, Choplin précise son ambition pour le Lido2Paris : « Le Lido attirait jusqu’à présent un tourisme de masse. Je voudrais qu’il se réconcilie avec les spectateurs parisiens. »
Choix risqué
Mais le choix de cette œuvre est risqué. On est loin des paillettes et des femmes dénudées. Cabaret, dans sa version originale créé à Broadway en 1964, est en effet beaucoup plus âpre que la plupart des comédies musicales, même si elle regorge d’airs connus. Elle raconte l’effondrement d’un monde et l’arrivée au pouvoir des nazis, dans l’Allemagne des années 30. Inspirée du roman Adieu à Berlin, de l’écrivain américain gay Christopher Isherwood, dans lequel ce dernier évoque ses années de bohème en Allemagne, le propos de Cabaret est sombre.
Cette version du Lido vaut pourtant le détour. La réussite, elle tient d’abord au cast, avec une troupe formidable et inclusive de jeunes danseurs et danseuses. La chorégraphie est essentielle dans une comédie musicale, comme aime à le rappeler le metteur en scène Robert Carsen. Dans cette production, elle est signée par Fabian Aloise, et dans plusieurs tableaux (l’ouverture mais aussi Don’t Tell Mama et The Money Song) elle est particulièrement énergique et réussie.
L’artiste Sam Buttery, qui interprète merveilleusement le personnage central du Emcee, se définit comme non binaire. Et dans le show, on comprend vite que son orientation sexuelle… part dans toutes les directions ! Rien n’est moins vrai que dans l’air Two Ladies qui, originellement, présente le Emcee en trouple avec deux femmes. Dans cette version de Cabaret, les unions sont assez volages, et hommes, femmes, drag queens, et tous les autres genres s’en donnent à cœur joie, avec une prédilection certaine pour le cuir et le BDSM. Un grand moment !
Dans cette adaptation très proche de l’original, le rôle de Sally Bowles n’est pas aussi important que dans le film de 1972 de Bob Fosse avec Liza Minelli (elle gagnera un Oscar à l’occasion).
Moment paroxystique
Sur la scène du Lido, le personnage conserve des moments très intenses, notamment le 11 o’clock number, Cabaret, qui donne son titre à l’œuvre. L’orchestration et sa tonalité dissonante couplée à l’interprétation très puissante de Lizzy Connolly en font un moment paroxystique où la performance vocale se mêlent au malaise, à l’angoisse du vertige d’une société en crise, à l’effroi devant la perspective d’un effondrement inéluctable.
« Cabaret », Mise en scène, co-scénographie et co-création lumières : Robert Carsen, livret de Joe Masteroff (d’après la pièce de John Van Druten et le livre de Christopher Isherwood), Musique : John Kander, Paroles : Fred Ebb, jusqu’au 3 février 2023, au Lido2Paris.
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