Mort de James Bidgood, cultissime photographe et cinéaste gay

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James Bidgood est mort hier à New York, à l'âge de 87 ans. Komitid revient sur son parcours de photographe et de cinéaste gay dans les années 50 et 60, au plus fort de l'homophobie d'Etat. Une œuvre kitsch qui a inspiré des générations d'artistes.

Bobby Kendall, acteur fétiche de James Bidgood, dans « Pink Narcissus » - capture d'écran

James Bidgood est mort hier à New York, à l’âge de 87 ans. Jeune homme, il se produit dans des spectacles de female impersonators  à New York. Puis se lance sans moyen dans la photographie gay érotique.

Ses photographies montrent de jeunes hommes dénudés dans des scènes de fantasme, dans une atmosphère homoérotique. Il travaillait surtout dans les années 1950. Son œuvre a inspiré des photographes tel que Pierre et Gilles dont le style est très proche ou encore David LaChapelle. Au cinéma, des artistes comme Fassbinder (dans Querelle) et plus près de nous Todd Haynes (dans Poison) ont sans doute été inspirées par les visions des photos de James Bidgood.

A l’annonce de son décès, le réalisateur gay Bruce LaBruce a réagi :

 

C’est en effet sur le tard que la notoriété de James Bidgood a pris un coup d’accélérateur. En 1999, l’auteur étatsunion Bruce Benderson publie cette année-là chez Taschen une monographie de James Bidgood et révèle que le film culte Pink Narcissus, daté de 1971, a bien été réalisé par James Bidgood. Le film avait été un temps attribué à Kenneth Anger. Pink Narcissus, c’est l’univers de Bidgood poussé à son paroxysme.

L’histoire est celle d’un jeune prostitué, la muse de Bidgood, Bobby Kendall, qui entre les visites de clients, fantasme sur un monde dont il est le personnage central, tour à tour matador, esclave de la Rome antique mais aussi Narcisse. Un film qu’il mettra des années à terminer et qui sera crédité d’un « Anonymus ».

Pink Narcissus fait désormais partie des films gays les plus célèbres au côté notamment du Chant d’amour de Jean Genet.
Mais son auteur a vécu dans la misère jusqu’à la fin de sa vie, malgré quelques expos de ses photos des années 50 et 60.

Ce film est disponible sur le site Internet Archive.

En 2017, le journaliste Patrick Thévenin avait interviewé James Bidgood pour Vice, à l’occasion d’une exposition de ses polaroids dans une galerie parisienne. Il y expliquait comment était né sa passion pour la photographie. « J’étais très friand à l’époque de ce qu’on appelait les beefcake magazines, des revues sportives qui servaient de prétexte pour montrer des jeunes mecs bien foutus et en petite tenue dans des poses athlétiques. Mais les photos de ces magazines étaient toujours très uniformes, le plus souvent en noir et blanc, brutes et assez tristes. Je me demandais tout le temps pourquoi on ne photographiait pas les mecs comme les filles dans Playboy avec plus de fantaisie, de couleurs et de mise en scène, et surtout plus de sourires. Bref je ne pigeais pas pourquoi on ne célébrait pas la beauté masculine de la même manière que la beauté féminine. »

Sur Facebook, l’historien queer Gerard Koskovich, membre fondateur de la GLBT Historical Society de San Francisco, écrit : « In memoriam James Bidgood (1933–2022) : Un photographe et réalisateur américain qui rêvait d’un monde coloré de sensualité homoérotique durant les années les plus noires de l’homophbie d’Etat — puis qui a capturé des images de ces rêves en utilisant du papier d’alu, du tissu, des babioles, un bric-à-brac et des lampes colorées bricolées dans son petit appartement  ». 

Il cite également une phrase de l’artiste (non datée) et qui résonne tristement aujourd’hui : « Personne ne sait rien sur rien jusqu’au jour lointain et à ce moment-là on est peut-être… parti. Mais je vais très probablement encore coller et coller du “ bling ” dans ma tombe et avoir de nouvelles “ idées impossibles ”. »