Le Mexique prend des mesures radicales pour contrer les cris homophobes dans ses stades
La Fédération mexicaine de football teste ainsi un dispositif pour facilement repérer et pénaliser les supporteurs homophobes, avec un QR code sur les billets.
« Eeeeh, putoooo ! » (“eh la pute !”) : la Fédération mexicaine de football (FMF) prend des mesures radicales pour en finir dans les stades avec ce cri jugé homophobe visant notamment les dégagements du gardien adverse, qui lui a déjà valu plusieurs sanctions de la FIFA.
La « Tri » –la sélection mexicaine– rencontre mercredi 2 février le Panama dans un quasi huis-clos d’environ 2 000 personnes, comme contre le Costa Rica dimanche (0-0), au stade Azteca de Mexico (87 000 personnes).
La FMF teste ainsi un dispositif pour facilement repérer et pénaliser les supporteurs homophobes, avec un QR code sur les billets.
Les spectateurs doivent désormais réserver leur place en ligne et présenter une pièce d’identité avec leurs billets à l’entrée des stades, avait annoncé la FMF mi-janvier. Des agents de sécurité supplémentaires sont également déployés pour identifier et évacuer les supporteurs qui commettraient tout acte discriminatoire. La sanction : cinq ans d’interdiction de stade.
Le dispositif sera testé sur une jauge plus élevée de 35 000 à 40 000 personnes le 24 mars lors du match au sommet contre les Etats-Unis, potentiellement décisif dans la course au Mondial-2022 au Qatar (le Mexique est 3e et les Etats-Unis, deuxièmes).
Le Mexique avait déjà payé une amende et joué à huis-clos en septembre contre la Jamaïque sur décision de la Fifa. Au total, la FMF a reçu 17 amendes, pour un total de 656 400 dollars.
« Nous ne pouvons pas tolérer des actes discriminatoires, nous ne pouvons pas jouer dans des stades vides, nous ne pouvons pas courir le risque que les autorités du football nous retirent des points », déclare le président de la FMF, Yon de Luisa.
Il s’inquiète également de l’image du Mexique, co-organisateur du Mondial-2026 avec les Etats-Unis et le Canada.
« Usage commun »
« Cette mesure est extraordinaire. Pourvu que l’on éradique une bonne fois pour toute le cri homophobe », déclare à l’AFP un supporteur de la Tri, José Jiménez, avant d’entrer dans le stade Azteca dimanche pour le bien décevant 0-0 contre le Costa Rica du gardien Keylor Navas (Paris Saint-Germain).
« Ce mot est d’un usage commun. Je sais pas ce qui leur a pris de penser que c’était un gros mot », affirme en revanche Ismael de Jerez, un autre supporteur de la « Tri ». « Je pense qu’ils exagèrent ».
Le cri est une agression envers les sportifs gays ou présumés tels, affirme Andony Bello.
Fondateur de la « Tri Gay » (sélection de footballeurs amateurs ouverts à la diversité sexuelle), dont il a été le capitaine entre 2007 et 2014, Bello regrette de mener un combat solitaire.
Car « il n’y a qu’un petit secteur que les cris homophobes dérangent. C’est le problème ! », dit-il.
« Ces mesures vont nous être bénéfiques, puisque dans quelques années nous allons accueillir le Mondial », souligne Alan Rosa, entraîneur du Kraken, une équipe de joueurs gays de la capitale Mexico.
« Nous devons nous ouvrir au monde et dire : “ venez, c’est ça le Mexique, et au Mexique on se respecte ” », ajoute-t-il. Le Mexico est une ville tout en contraste, entre son stade, et les rues du centre-ville, où des jeunes couples de même sexe, hommes et femmes, se promènent main dans la main.
Autre mesure pour éradiquer l’expression homophobe, la campagne « Grita México » (le cri du Mexique) lancée pour remplacer les hurlements homophobes, qui visent en général chaque dégagement du gardien adverse.
Ce « cri » là fait allusion à une épisode célèbre de l’histoire. Chaque 15 septembre, l’ex-colonie espagnole célèbre le lancement de sa guerre d’indépendance au cri de « Viva Mexico » lancé en 1810 contre Madrid par le curé Miguel Hidalgo.
Mais dans les stades, l’idée ne prend pas puisque le cri « eh la pute ! » retentit toujours dans les stades du championnat local.
Pénalisé aujourd’hui, le « grito » a eu ses défenseurs dans le passé. L’ex-sélectionneur Miguel Herrera, estime que « ça fait partie du langage familier ».
Ce cri-là aussi à une histoire. Au début des années 2000, il aurait été lancé par des supporteurs d’un des deux clubs de Guadalajara, El Atlas, lors des derbys avec le Chivas, l’autre équipe de la deuxième ville du Mexique.
Le cri visait le gardien Oswaldo Sanchez, qui avait eu la mauvais idée de passer d’un club à l’autre aux yeux d’un des kops de supporteurs de l’Atlas, Barra51, après un détour par l’América de Mexico.
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