Ne passez pas à côté du « Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es »

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Aline Laurent-Mayard et de Marie Zafimehy, les deux autrices du « Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es », expliquent à Komitid comment elles ont conçu cet essai foisonnant, passionnant et ludique.

Les études de genre existent depuis les années 70 mais le sujet est beaucoup plus présent dans l’actualité et dans les discussions publiques depuis bien moins longtemps.

C’est pourquoi, au delà des milieux universitaires ou des cercles militants, le grand public peut se sentir un peu perdu face aux changements (bienvenus) intervenus ces dernières années. C’est tout l’intérêt du livre de la journaliste Aline Laurent-Mayard et de Marie Zafimehy, diplômée d’un master de Gender Studies, les deux autrices du Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es. 

Leur ouvrage annonce la couleur dans son bandeau : « Promis, c’est pas si compliqué ! » En huit chapitres, les deux autrices brassent de très nombreux sujets sur le genre, les identités… mais aussi l’amour. À l’appui de leurs propos, une foule d’outils : glossaires, livres, films, mais aussi comptes à suivre.

L’ouvrage est agrémenté des très chouettes illustrations d’Émilie Sarnel. Le Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es est donc à mettre entre toutes les mains. Ses deux autrices ont bien voulu répondre aux questions de Komitid.

 

« Au début, nous l’avions écrit pour nos parents, et rapidement nous avons réalisé qu’il y avait aussi une demande de personnes jeunes »

Il y a eu de nombreux ouvrages qui ont été publiés ces derniers mois sur le genre. En quoi le votre est-il différent ?


Aline Laurent-Mayard : En fait, ce que nous avons remarqué c’est qu’il n’y avait aucun livre qui s’adressait au grand public, qui permettait d’avoir une vision globale. Nous voulions écrire un livre qui permette aux gens qui se sentent perdus de mieux comprendre ce qu’est le genre, comment on le vit aujourd’hui et comment cela change la société. Un livre facile et agréable à lire qui permette de saisir à la fois le concept de genre, ce qu’est la transidentité, pourquoi des hommes portent du vernis, comment les jeunes relationnent, etc.
 
Au début, nous l’avions écrit pour nos parents, et rapidement nous avons réalisé qu’il y avait aussi une demande de personnes jeunes.
Nous avons pensé ce livre comme une introduction à de nombreux sujets. Pour aller plus loin, il suffit de suivre les nombreuses références que l’on propose (essais, fictions, séries, docus, films, etc) pour creuser les sujets.
Marie Zafimehy : Ce qu’on voulait, c’était vraiment donner des clés, des pistes, aux personnes qui se sentent perdues au milieu de tous ces sujets qui envahissent l’espace médiatique – souvent de manière simpliste voire caricaturale – et qui se fraient un chemin jusqu’à nos repas de famille ou nos conversations entre ami·es ! C’est pourquoi on a pensé ce livre avec beaucoup d’humour et de pédagogie pour dédramatiser ces mots et concepts qui peuvent paraître compliqués au premier abord. Le tout avec bienveillance, sans vouloir imposer quoique ce soit, ni faire la morale.  
« Des rayons vêtements aux compétitions sportives, le modèle qui veut séparer femmes d’un côté et hommes de l’autre est partout et ne laisse aucune place à la fluidité ! »

Selon vous, en quoi le genre est-il important pour comprendre le monde d’aujourd’hui ?

Marie Zafimehy : Avec Aline, nous sommes parties du fait indéniable que nos sociétés occidentales sont bâties sur un modèle binaire femme-homme. Or, depuis toujours, et notamment chez les peuples autochtones qui ont été colonisés, des personnes se sont identifiées comme non-binaires ou trans. Ces personnes montrent que le genre n’est pas figé par des catégories prédéfinies femme-homme, mais au contraire, qu’il est fluide et qu’il se construit tout au fil de la vie ! Le fait est qu’en France comme dans beaucoup de pays, le genre et surtout sa binarité structurent la manière dont on pense et parle, le français est une langue très genrée par exemple, mais aussi nos comportements ou nos relations. Des rayons vêtements aux compétitions sportives, le modèle qui veut séparer femmes d’un côté et hommes de l’autre est partout et ne laisse aucune place à la fluidité !


Comment vous êtes-vous réparti le travail ? Aviez-vous une approche différente/complémentaire sur le sujet ?

Aline Laurent-Mayard : Avec Marie, on a des expertises très complémentaires donc la répartition du travail s’est faite naturellement. Par exemple, Marie a un diplôme d’études du genre donc elle était très bien placée pour écrire sur le concept de genre. En tant que femme racisée, elle connait aussi très bien le concept d’intersectionnalité. Moi, je suis non-binaire et j’écris depuis des années sur les personnes LGBTQ+ donc j’avais très envie d’écrire sur les transidentités. Mais quoi qu’il en soit, nous avons toujours écrit ensemble. On a ajouté nos notes, nos sources, nos idées. Et puis on a énormément réfléchi ensemble aux mots et tournures de phrases qu’on utilisait.

Marie Zafimehy : Nous nous sommes beaucoup conseillées… mais aussi encouragées ! Le sujet est vaste et peut être délicat à traiter de manière claire. Avoir le regard de l’une ou de l’autre permet de tester ses formulations de définitions, de faire relire ses explications… En tant que femme racisée hétéro, le concept d’intersectionnalité m’a par exemple beaucoup servi pour comprendre mon identité de genre à l’aune de ma couleur de peau et de mon orientation sexuelle, et il était très important pour moi de pouvoir l’expliquer clairement, car il est souvent caricaturé voire attaqué, dénoncé. Pouvoir en parler avec Aline m’a aidée à coucher tout ça sur le papier.


Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire ce livre et avez-vous vu déjà des choses qui ont pu évoluer (dans un sens ou dans l’autre) sur les questions de genre ?

Aline Laurent-Mayard : Nous avons commencé ce livre en début d’année. Depuis, nous avons vu des tendances se préciser, je pense à l’évolution de la garde-robe des hommes sur le tapis rouge (merci Thom Browne), et des choses changer, là je pense à l’adoption de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes cis. Heureusement, nous avons pu changer cette partie à la dernière minute.

Pouvez-vous enfin nous dire comment vous avez travaillé avec l’illustratrice Émilie Sarnel ?

Marie Zafimehy : Emilie a tout de suite été séduite et inspirée par le projet, ça a été un plaisir de travailler avec elle. Nous avions certaines idées d’illustrations avant même de commencer à écrire (c’est le cas de la carte dans le chapitre 1 par exemple), mais nous lui en avons aussi transmises d’autres au fil de notre travail. Elle a aussi été une force de proposition incroyable à partir parfois de simples titres… ! On espère que le résultat plaira autant aux lecteur·ices autant qu’il nous a plu à nous !

« Le Genre expliqué à celles et ceux qui sont perdu·es », d’Aline Laurent-Mayard et Marie Zafimehy, Illustrations d’Emile Sarnel, Buchet/Chastel, 320 p., 19€50