A Mulhouse, l'émouvante marche blanche en mémoire de Dinah, victime de harcèlement
Selon ses parents, Dinah était victime d'un harcèlement opéré par des jeunes filles côtoyées au collège à qui elle avait fait part de son homosexualité.
« Plus jamais ça » : une foule submergée par l’émotion a parcouru dimanche les rues du centre-ville de Mulhouse pour rendre un dernier hommage à Dinah, lycéenne de 14 ans qui s’est suicidée, victime de harcèlement scolaire selon ses proches.
« Dinah était une personne intelligente, elle aimait la vie, elle voulait être présidente de la République, elle voulait faire du droit, elle voulait faire tellement de choses », a déclaré Samira, sa mère, devant les quelques 1.400 participants à cette marche blanche.
« Elle aurait été tellement heureuse de voir tout ce monde », a-t-elle poursuivi, « elle qui se sentait tellement seule ».
L’adolescente, scolarisée en classe de seconde, avait été retrouvée pendue, au domicile familial de Kingersheim (Haut-Rhin), dans la nuit du 4 au 5 octobre. Elle était la dernière et la seule fille d’une fratrie de trois enfants.
Selon ses parents, elle était victime d’un harcèlement opéré par des jeunes filles côtoyées au collège à qui elle avait fait part de son homosexualité.
« Ma fille a été harcelé pendant deux ans, et pendant deux ans on a fait des pieds et des mains pour que ça s’arrête, mais elles l’ont poursuivie jusqu’à la maison, jusqu’aux réseaux sociaux », a souligné sa mère, originaire du Maroc.
Dinah, métisse, subissait des insultes « racistes ou à caractère homophobe », a précisé à l’AFP son père, d’origine réunionnaise. « Dans sa classe, il y avait deux élèves qui la soutenaient, les autres la descendaient ».
Selon sa mère, qui a reproché au corps enseignant d’avoir « fermé les yeux » sur le drame vécu par sa fille, celle-ci avait reçu des messages comme « ne t’inquiète pas tu vas bientôt mourir », ou « on va t’envoyer des liens sur internet pour que tu puisses crever », après une première tentative de suicide en mars. La famille de la jeune fille a d’ailleurs annoncé qu’elle comptait porter plainte contre l’établissement.
« Je vous en supplie », a imploré la mère devant la foule, « ceux qui ont des enfants, parlez-leur, dites-leur de ne pas harceler, dites-leur que c’est grave ».
Réseaux sociaux
À l’issue des prises de parole, le cortège s’est ébranlé en direction du lycée que fréquentait l’adolescente. Des fleurs et des bougies ont été déposées devant l’établissement par un cortège ouvert par une large banderole proclamant : « Dinah, à tout jamais dans nos cœurs ».
De nombreux participants à la marche étaient venus en famille. Certains ont scandé « justice pour Dinah », « les mots blessent, les mots tuent », ou encore « plus jamais ça ».
« En milieu scolaire, nous sommes de plus en plus confrontés à ce type de situation. C’est souvent pour des broutilles au départ et ensuite ça prend de l’ampleur, surtout à cause des réseaux sociaux », a témoigné auprès de l’AFP Fatimah Aguilar, enseignante dans un lycée et mère de quatre enfants, venue à la marche avec une de ses filles.
« En tant qu’enseignants, nous sommes formés, mais on reste quand même démunis parce que c’est un travail de fond qu’il faut mener avec les familles. Il faut que les parents se rendent compte qu’avec le téléphone, ça continue à la maison », a-t-elle observé.
Dans la foule, des dizaines de collégiens et de lycéens étaient également venus exprimer leur soutien et témoigner d’un phénomène encore trop souvent « banalisé ».
« Je ne connaissais pas Dinah, mais c’est comme si c’était arrivé à une de mes amies », s’est émue Inès Dalhi, 18 ans, scolarisée en terminale dans un autre établissement de la ville. « J’espère que cette marche permettra une prise de conscience. Le harcèlement scolaire, c’est quelque chose qui n’est pas assez pris au sérieux ».
Selon la Mutuelle Assurance de l’Education (MAE), 700.000 élèves sur les 12 millions qui ont repris début septembre le chemin de l’école pourraient être victimes de harcèlement.
Interrogée par l’AFP, la procureure de la République de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot, a indiqué qu’une enquête pour « recherche des causes de la mort » avait été ouverte.
Elle doit permettre « de comprendre les raisons du geste de cette adolescente ». « Dans l’immédiat », le harcèlement est « une hypothèse », a insisté la magistrate.
Avec l’AFP
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