3 questions au militant queer et handi Andrew Gurza
« C'est quelque chose de vraiment vraiment excitant que de créer la première gamme de sextoys imaginée spécialement pour les personnes handies. »
Andrew Gurza est un militant LGBT+ et anti-validisme canadien. Spécialiste de l’intersection de ces questions, celui qui publie sous le pseudo de « Queer Cripple » (soit « l’estropié queer ») sur les réseaux sociaux est également consultant, chargé de sensibilisation au handicap. Prenant régulièrement la parole sur la sexualité en évoquant la sienne, il tient à rappeler que les personnes en situation de handicap aussi baisent, ont du désir, prennent du plaisir… Passionné par ces questions, et toujours au service de ses milliers de followers concerné.e.s en grande majorité par la thématique du handicap, il vient de se lancer un grand défi : penser et réaliser la première gamme de sextoys par et pour les personnes handies. Interview.
Komitid : Vous avez récemment lancé une campagne de financement pour faire des recherches en vue de développer des sex toys par et pour les personnes en situation de handicap. Cela fait suite à un sondage que vous avez vous-même réalisé en mai 2018 sur le sujet. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous pencher sur cette question ?
Andrew Gurza : L’expérience de vie propre que j’ai en tant que personne queer et handicapée, en fauteuil, est l’une des raisons qui font que ce projet m’est cher. Je ne peux pas accéder à mon corps pour me donner moi-même du plaisir avec ce qu’il y a actuellement sur le marché des sextoys, puisqu’aucun n’a été créé en pensant à mon corps à mobilité réduite.
Autre raison qui fait que je suis passionné par le sujet, c’est que j’ai reçu une importante réponse de la part de la communauté handie. Dans le sondage que j’avais lancé, j’ai découvert que 50 % des personnes répondantes ne pouvaient pas utiliser de sextoys parmi ceux qu’il est actuellement possible de se procurer, et 96 % des sondé.e.s ont dit être intéressé.e.s par un jouet pensé pour elles et eux. Il est clair que les personnes en situation de handicap veulent que leurs sexualités soient prises au sérieux, qu’on leur accorde une place dans la discussion sur les sextoys, et sur le plaisir plus généralement. Je veux m’assurer que ça devienne le cas.
Enfin, je pense que c’est quelque chose de vraiment vraiment excitant que de créer la première gamme de sextoys imaginée spécialement pour les personnes handies, c’est révolutionnaire ! Et faire partie de cette aventure est extrêmement motivant.
Récemment, il y a eu de plus en plus de discussions autour de l’inclusivité autour des sextoys. En 2017, on a vu arriver un jouet créé par et pour les personnes trans FTM, grâce à Buck Angel et durant la dernière saison de Grace & Frankie, la question des vibros créés pour les personnes âgées a reçu un écho très positif dans les médias. Pensez-vous que quelque chose de global soit en train de se passer à ce niveau là ?
En effet, il y a actuellement un changement d’ordre général qui semble se profiler à l’horizon pour différents marchés, comme celui des seniors et des personnes trans. Cela fait écho au fait que l’on commence tout juste à regarder par-delà nos idéaux très rigides, normés, en matière de sexe et c’est très important.
Tout cela montre aussi que les communautés marginalisées en ont assez d’attendre que les grandes entreprises fassent quoi que ce soit pour elles et qu’elles veulent s’investir elles-mêmes dans le processus créatif. À travers ce projet, j’espère ajouter les voix des personnes en situation de handicap à ce mouvement global de changement de perception sur la sexualité.
Vous êtes fortement impliqué dans cette campagne que vous avez lancée, mais on imagine que vous souhaitez voir cette initiative donner à l’industrie l’envie de s’améliorer. Quels seraient vos conseils pour les créateurs et distributeurs de sextoys afin qu’ils se souviennent de l’existence de cette clientèle handie qu’ils ont trop souvent laissé de côté ?
Nous travaillons avec une équipe incroyable à l’Université RMIT de Melbourne en Australie, pour mener à bien cette recherche. L’équipe comprend un designer de sex toys, plusieurs designers industriels, des chercheurs et chercheuses, un thérapeute ainsi que plusieurs autres personnes en situation de handicap pour guider l’avancement des travaux et proposer des idées. Ma sœur aussi planche avec moi sur le projet, donc c’est un effort de valides et de non-valides qui travaillent ensemble avec pour but de transformer l’industrie des sextoys et, nous l’espérons aussi, la manière dont on voit sexualité et handicap. D’ailleurs, c’est la toute première recherche de ce genre à être menée au monde ! Et tout le monde peut y participer en faisant un don sur Go Fund Me.
J’aimerais rappeler aux entreprises qui fabriquent des jouets sexuels et aux commerçant.e.s qui tiennent des sex shops que rendre leur business accessible à une clientèle handie en leur proposant des produits qui leur sont accessibles sera bénéfique pour eux aussi bien que pour les concerné.e.s !