3 questions à Bruno Péguy sur le festival Jerk Off 2021
La 14e édition du festival Jerk Off aura lieu à Paris, du 9 au 19 septembre au Point Éphémère, au Carreau du Temple, au Centre Culturel Suisse et au Centre Wallonie-Bruxelles. Bruno Peguy, directeur artistique de Jerk Off, a répondu à nos questions.
Komitid : Cette édition de Jerk Off fait la part belle aux femmes. C’est un choix ou un (heureux) hasard ?
Bruno Péguy : Les femmes sont une minorité majoritaire que nous avons toujours eu à cœur de représenter au Jerk Off Festival, sans se fixer de règles pour autant. Cette année encore, ce sont surtout nos rencontres et coups de cœurs artistiques qui ont guidé notre programmation.
Je pense notamment à Véronique Hubert qui présentera son exposition pluridisciplinaire LE PROCHAIN GRAND MOMENT SERA NOUTRES, une ode à l’énergie créative qui émane de nous quand on s’unit. À découvrir pendant tout le temps du festival au Point Ephémère. Je pense aussi au duo Ton Odeur, formé par Elodie Petit et Marie Milon, que l’on invite pour la 2éme année consécutive et à qui on a proposé une carte blanche. Elles ont invité deux femmes à jouer, la performeuse marseillaise Léa Puissant et la fabuleusement drôle comédienne Naëlle Dariya. Mais aussi, je crois que le changement sociétal instauré depuis #MeToo a conduit de plus en plus de personnes à vouloir échapper à l’hétéropatriarcat. C’est la proposition de Ce Jardin, une pièce de danse contemporaine toute en douceur mais forte, jouée en ouverture du festival par Madeleine Fournier et Ina Mihalache. La belle présence des femmes s’est ainsi faite de manière organique mais sans oublier la teneur politique d’une programmation de festival. C’est pourquoi nous avons aussi un cabaret drag king pour une soirée festive, l’occasion de rire tout en déconstruisant les clichés et le binarisme qui nous séparent.
Quels sont les temps forts de cette édition 2021 ?
Pour la 3éme fois depuis la création du festival, nous présentons le travail du talentueux metteur en scène Matthieu Hocquemiller qui dévoilera sa nouvelle pièce L’Éthique au Carreau du Temple, qui narre la rencontre et la romance intergénérationnelle d’un jeune travailleur du sexe et d’un philosophe plus âgé. À travers le mélange des médiums et des pratiques, cette création émouvante et complexe représente l’hybridation de nos rapports humains, entre jeunesse et maturité.
Le même soir, Matthieu présentera également une autre pièce très poétique et hypnotisante, Dialogue avec Shams. C’est un portrait créé spécialement pour la danseuse franco-iranienne Rana Gorgani. On la voit sur scène au milieu de questions et d’injonctions dont elle fait fi en tournoyant à l’infini…
Nous sommes également heureux, cette année, d’être accueillis pour la première fois par le Centre Culturel Suisse, et de revenir au Centre Wallonie-Bruxelles, où nous fêterons les 20 ans du festival de films queers belge Pink Screens et où nous serons aussi présents tout le dimanche 19 septembre après-midi pour la clôture du festival qui réservera sans doute des surprises.
Quel est le ton de ce festival qui se déroule pour la deuxième année en pleine crise sanitaire et sociale ?
L’édition de l’an passé a probablement été la plus émouvante et la plus vibrante que l’on ait pu vivre. On a eu la chance de pouvoir la mener de bout en bout, tout le monde avait tellement envie de se retrouver qu’on a ressenti tout du long une énergie si particulière qu’on espère retrouver cette année. 2021 aura finalement été toute aussi compliquée et on reste toujours dans une incertitude quant à l’avenir, mais on croise les doigts pour que le festival puisse avoir lieu, cette année encore, dans de bonnes conditions. Mis à part le protocole sanitaire que l’on applique encore une fois de manière assidue, la crise que l’on traverse commence concrètement à avoir ses effets sur les productions artistiques que l’on propose.
C’est surtout le cas par exemple pour Traumgirl de Daniel Hellman et Anne Welenc, une pièce entièrement réécrite cet été, tenant compte des évolutions récentes liées à la pandémie pour les travailleuses du sexe, qui ont dû s’adapter à de nouvelles conditions de travail. Plus largement, c’est notre rapport à l’intime et au travail qui est questionné dans notre contexte néolibéral.
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