Un viol reconnu comme « lesbophobe » aux assises, « une première historique »
La cour d'assises de Paris a condamné un homme à 14 ans de réclusion criminelle pour « viol en raison de l'orientation sexuelle » sur une femme lesbienne.
C’est « une première historique » selon l’avocat de la victime et les militantes lesbiennes : vendredi 28 mai, la cour d’assises de Paris a condamné un homme à 14 ans de réclusion criminelle pour « viol en raison de l’orientation sexuelle » sur une femme lesbienne.
En mars 2020, l’agresseur de Jeanne (dont le prénom a été modifié à sa demande) avait été condamné à 15 ans par la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis. Mais la circonstance aggravante de l’homophobie n’avait pas été retenue.
Cette fois, les jurés et les juges ont estimé qu’il s’agissait d’un viol lesbophobe, notamment car l’accusé, âgé de 25 ans, « connaissait dès le début de leur rencontre l’orientation sexuelle » de sa victime.
Au petit matin du 8 octobre 2017, il l’avait violée, violentée et humiliée pendant plus d’une heure dans le huis clos de son appartement de Saint-Ouen (Saine-Saint-Denis), où la jeune femme de 34 ans avait refusé d’avoir une relation sexuelle, après une rencontre et un flirt dans les rues de Paris.
La cour s’est également appuyée sur le témoignage de la jeune femme, qui avait relaté à de multiples reprises la phrase lancée en guise d’avertissement par son agresseur : « Tu kiffes les meufs ? Eh bien je vais te faire kiffer ».
La reconnaissance du caractère lesbophobe de cette agression « était le plus important pour moi », a réagi Jeanne auprès de l’AFP.
« Le viol était nourri par ça, il voulait me nier en tant que lesbienne, me punir. Au premier procès, j’avais été niée une deuxième fois par la justice, la société, dans mon identité, c’était ça le plus dur », a-t-elle expliqué.
« Là, les jurés ont dit qu’il n’avait pas le droit de me faire ça pour ce que je suis. Ca va beaucoup m’aider dans la réparation », a ajouté la jeune femme, profondément meurtrie par cette agression « d’une violence inouïe », selon les mots de l’avocat général.
La peine prononcée en appel est légèrement plus faible du fait des aveux de l’accusé sur le viol et les violences : Jeanne, dont l’ensemble du corps présentait de « très nombreuses plaies et ecchymoses », avait notamment eu un tympan perforé.
Mais ce dernier a persisté à affirmer « ne pas avoir de problème » avec son homosexualité. « Il était hors du temps, gavé de cocaïne et d’alcool, il ne savait pas ce qu’il faisait », a dit son avocat, Paul de Bomy, à l’issue du verdict.
« Viol punitif »
« Emu et fier », l’avocat de Jeanne, Stéphane Maugendre a de son côté estimé que cette condamnation, « une première historique », était aussi « l’aboutissement du procès d’Aix-en-Provence » de 1978.
Lors de ce procès, les trois agresseurs d’Anne Tonglet et Araceli Castellano, un couple de femmes lesbiennes, avaient été condamnés au terme d’un combat mené par leur avocate Gisèle Hamili, qui avait abouti à une redéfinition légale du viol.
« Les femmes lesbiennes et bisexuelles sont extrêmement exposées aux violences et agressions sexuelles » en raison de « la haine et du mépris liés à l’orientation sexuelle, mais aussi de la perception misogyne selon laquelle les femmes sont des “ objets ”, et surtout des objets sexuels », a réagi auprès de l’AFP Silvia Casalino, co-directrice de l’EuroCentralAsian Lesbian Community.
« Il s’ajoute aussi la conviction que les femmes qui n’ont pas de relations sexuelles avec des hommes sont “ malades ”, “ anormales ” et doivent être “ corrigées ” », ajoute la militante.
A ses yeux, la décision de la Cour d’appel, qui pourrait constituer une première en Europe selon les informations de son réseau militant, « est très importante et envoie un signal clair aux États européens qui sont aujourd’hui en train de discuter l’introduction de mesures pour prévenir les crimes de haine contre les personnes LGBTI ».
« Quatre pour cent des femmes hétérosexuelles disent avoir été victimes de viol, contre 10 % des femmes lesbiennes. On ne peut pas faire semblant de ne pas comprendre », avait insisté l’avocate générale lors du premier procès, en 2020 à Bobigny.
« Le viol punitif est quelque chose de courant, mais il y a très peu de dépôts de plaintes, a affirmé vendredi à l’AFP Lucile Jomat, présidente de SOS homophobie. J’espère que la justice continuera comme ça, pour celles qui ont le courage de porter plainte. »
Après l’avoir violée, son agresseur avait lancé à Jeanne : « T’as compris ? Tu feras moins ta conne maintenant ? »
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