De plus en plus d'appels à interdire les thérapies de conversion en France
Des pratiques « terriblement violentes » et « moyenâgeuses ». De plus en plus de voix s'élèvent en France pour demander une loi interdisant les thérapies de conversion, qui visent « guérir » l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.
Mardi 12 mai, les victimes de ces soi-disant « thérapies » avaient les yeux tournés vers Londres, où Boris Johnson a exprimé sa volonté d’y mettre fin. Une consultation auprès de responsables religieux et de médecins va être lancée au Royaume-Uni avant de finaliser la loi sur l’interdiction.
Y aura-t-il une loi similaire en France ?
Il y a un certain flou sur le sujet, mais les témoignages sont de plus en plus nombreux et la mobilisation augmente. Les chanteur·euses Eddy de Pretto et Hoshi ont demandé fin avril aux députés d’agir contre ces pratiques. Les messages de soutien se multiplient sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #RienAGuerir, du nom d’un collectif de victimes lancé en 2020.
Benoit Berthe, cofondateur de ce collectif, a lui-même subi une thérapie de conversion de ses 15 à 18 ans. Quand il a annoncé à ses parents, des catholiques pratiquants, son attirance pour les garçons, ceux-ci se sont rapprochés de la Communauté des béatitudes. Benoit a suivi lors de « retraites spirituelles » des sessions de « guérison des blessures profondes ». Il se souvient des questions « hyper intimes » de son « père spirituel » et de sa « honte et culpabilité ». « Le cocktail parfait pour faire une dépression ou avoir des idées suicidaires », souligne Benoit Berthe, qui a maintenant 32 ans.
Jean-Michel Dunand a 55 ans mais se dit toujours « dans la reconstruction ». Alors qu’il voulait devenir prêtre, il a confié à 18 ans son homosexualité à son entourage. « On m’a proposé une prière de guérison pour que le Christ me guérisse de cette sexualité compulsive ». Un prêtre a ensuite suggéré des séances d’exorcisme. « Jean-Michel est possédé pour le démon de l’homosexualité », a-t-il entendu.
« C’était très violent. On s’adresse à vous, à votre corps, en disant au démon : “Sors de ce corps-là” », raconte-t-il. Il a subi huit séances d’exorcisme. « On nage en plein obscurantisme », souligne cet homme, toujours très croyant, qui travaille dans un lycée catholique. « On ne sort jamais d’une emprise comme celle-ci », explique-t-il.
« Des charlatans »
Pour Jean-Michel Dunand, « la parole commence à se libérer, mais beaucoup n’osent pas car il y a une certaine honte ». Il est difficile de savoir combien de personnes ont subi ces pratiques.
« Des dizaines et des dizaines de témoignages sont sortis », explique Timothée de Rauglaudre, co-auteur du livre Dieu est amour et du documentaire « Homothérapies, conversion forcée ». Mais, selon lui, aucune plainte n’a été déposée. « Dans l’esprit des victimes, ce n’est pas quelque chose d’interdit en soi, car il n’y a pas de qualification pénale spécifique ».
La députée LREM Laurence Vanceunebrock porte le combat contre ces thérapies depuis des années. Elle a déposé une proposition de loi et espère qu’elle sera bientôt promulguée. Ce sont des pratiques « terriblement violentes » qui se produisent « généralement dans des cercles religieux fermés, à l’abri des regards dans des cabinets médicaux, chez des charlatans ou encore dans le cercle familial », a-t-elle redit à l’Assemblée nationale mardi, lors des questions au gouvernement.
La ministre Elisabeth Moreno lui a répondu en rappelant les textes existants sanctionnant l’abus de faiblesse, le harcèlement, la discrimination, les propos homophobes, etc. Mais pas un mot sur une nouvelle loi. En octobre, Elisabeth Moreno avait pourtant qualifié les thérapies de conversion, « de pratiques abjectes et moyenâgeuses » et affirmé vouloir « les interdire purement et simplement ».
Le cabinet d’Elisabeth Moreno soutient qu’elle reste favorable à une loi. Selon une source parlementaire, cette loi pourrait cependant ne pas voir le jour sous ce quinquennat en raison de l’embouteillage parlementaire.
En plus d’une loi, Jean-Michel Dunand demande « une parole claire de l’Église catholique française ». Contactée par l’AFP, la Conférence des évêques de France affirme que « l’Église n’a jamais cautionné ces thérapies ». L’Église « souhaite se mettre à l’écoute des victimes et être engagée dans le combat contre ces pratiques (…) avec détermination et humilité », a assuré Vincent Neymon, porte-parole de la CEF.
Avec l’AFP
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