« Je suis en paix avec qui je suis », témoigne Guillaume Cizeron
« Je suis en paix avec qui je suis », assure à l'AFP le champion du monde Guillaume Cizeron à l'occasion de la sortie d'un livre touchant dans lequel il décrit les affres d'une homosexualité longtemps subie, que le patinage artistique l'a aidé à assumer.
« Ce n’est pas militant », assure le quadruple champion du monde de danse sur glace, en expliquant la démarche de son premier livre, Ma plus belle victoire (Editions XO) lors d’une interview à Montréal. C’est là que Guillaume Cizeron vit et s’entraîne depuis 2014 avec sa partenaire de toujours, Gabriella Papadakis.
Il ne prétend pas s’ériger en porte-parole d’une cause, plutôt aider ceux qui souffrent. « C’est vraiment plus pour sensibiliser les gens, pour faire vivre de l’intérieur à quelqu’un qui ne s’est peut-être jamais posé la question de savoir comment c’était de grandir pour quelqu’un qui est homosexuel », dit-il. « Je trouve ça intéressant pour moi, de partager et peut-être d’aider certaines personnes à s’accepter ou à regarder peut-être avec un point de vue différent ce qu’elles ont vécu et ce qu’elles vivent en ce moment ».
Dans ce récit émouvant, il raconte les insultes subies dès l’âge de 6 ans par l’enfant efféminé qu’il était, qui préférait jouer aux Barbies avec ses sœurs plutôt qu’aux petites voitures ou au foot. Il y décrit ses tourments face à ce qu’il pensait d’abord être une « maladie », dont il espérait se débarrasser en se tapant la tête contre les murs.
Il se souvient de ce jour où son père, cultivé et a priori ouvert, a lâché un « Dégueulasse ! » alors que deux hommes s’embrassaient à la télévision. Pour autant, il n’est en colère ni contre sa famille, aimante et soudée, ni contre ceux qui l’ont raillé. « Je suis en colère envers les idées, les croyances, les préjugés. Je trouve ça tellement dommage. Parce que j’ai appris à me détester, je ne me détestais pas par nature ».
« Très très tabou »
« Moi ce qui m’a fait du mal, c’est qu’à un certain moment mes parents ont validé ces idées qu’un homosexuel, c’est sale. Ils m’auraient juste dit par exemple : “Tu sais, dans la vie il y a des hommes qui aiment les hommes et c’est vraiment correct, c’est vraiment normal” (…), ça aurait planté une petite graine et j’aurais dit “Ah ok”. Et peut-être que ça aurait été un petit peu moins dur pour moi ».
À 26 ans, Guillaume Cizeron assume désormais cette homosexualité révélée au grand public l’an dernier dans une lettre ouverte publiée par le quotidien français L’Équipe.
- Lire aussi : Guillaume Cizeron dans L’Équipe : « Je ne veux pas seulement dire “ Je suis gay ” mais contribuer aussi à éduquer »
Le patineur est l’un des rares sportifs de haut niveau à avoir révélé son orientation sexuelle alors qu’il est encore en activité.
« Je pense que ça peut aider qu’il y ait des athlètes connus et en activité (qui témoignent) », « souvent c’est le genre de choses que les gens disent après leur carrière parce que pendant, on a peur que ça affecte pour les sponsors. Il y a beaucoup de peur autour de ça », dit-il.
« Pour les hommes homosexuels, il y a certains sports où règne un climat de masculinité un peu toxique qui empêche les homosexuels de se sentir à l’aise, d’être eux-mêmes », regrette-t-il. « Je pense au football, au hockey, au rugby. Peut-être le rugby un peu moins. Mais il y a vraiment certains sports masculins où c’est très très tabou ».
Le patinage n’en fait pas partie.
« Je n’ai jamais souffert d’homophobie dans le milieu du patinage. J’ai souffert d’essayer de me conformer au rôle d’un homme hétérosexuel parce que je patinais avec une femme ».
Dans son livre, il revient longuement sur sa relation avec Gabriella Papadakis, depuis leurs premiers pas hésitants à Clermont-Ferrand — il a 8 ans et elle six mois de moins — jusqu’à la gloire planétaire : quatre titres mondiaux, cinq titres européens, une médaille d’argent aux JO. Et l’or olympique en ligne de mire l’an prochain à Pékin.
Casser les codes
Le patinage a changé sa vie.
« Ça m’a vraiment apporté beaucoup de confiance en moi. Ça m’a donné un espace où je ne me sentais pas différent, où je me sentais accepté, même célébré pour mes accomplissements », se souvient-il. Sur la glace, il refuse d’être le « poteau » qui met en valeur sa partenaire féminine. Il veut danser, laisser libre cours à sa part « féminine », dit-il.
Avec la complicité de Gabriella, il va casser les codes, libérer le rôle de l’homme dans cette magnifique « parade amoureuse » qu’est à ses yeux un programme de danse sur glace.
« Les gens trouvent souvent beau un homme fort et une femme vulnérable. Nous, on essaie vraiment de renverser ces choses-là (…) parce qu’un homme vulnérable c’est beau et une femme forte c’est beau aussi », témoigne Guillaume Cizeron.
Sa « plus belle victoire » n’est donc pas sportive.
« L’une de mes plus belles victoires, c’est d’être en paix avec qui je suis, ma sexualité, ma personnalité, ma féminité » conclut-il. « Je ne pourrais pas faire ce que je fais si je n’étais pas en paix avec moi-même ».
Avec l’AFP
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