La communauté LGBTI+ serbe alerte sur l'homophobie militante du réalisateur franco-serbe Emir Kusturica
« Le public français doit savoir qu’Emil Kusturica, charrie en plus de son art un bagage politique nationaliste et homophobe » explique à Komitid Predrag Azdejković, journaliste, militant et Président du Centre gay et lesbien serbe.
Tout est parti d’une tribune nationaliste et homophobe publiée dans la presse serbe il y a quelques jours alors que l’horizon commençait à s’éclaircir pour la communauté LGBTI+ du pays.
Depuis 2006, la Serbie a inscrit dans sa constitution que le mariage ne pouvait exister qu’entre un homme et une femme mais les lignes commencent à bouger et la promulgation annoncée de trois nouvelles lois en juin pourrait ouvrir une brèche malgré cet article implacable qui tentait d’enterrer définitivement toute évolution pour la communauté LGBTI+ et les couples de même sexe. Sont en effet en préparation une loi portant sur l’égalité des genres, une autre sur les unions de personnes de même sexe et une refonte de la loi anti-discrimination.
Sentant le vent tourner, plus de 200 intellectuels et artistes réactionnaires serbes ont signé une tribune pour s’opposer formellement à cette possibilité arguant d’arguments religieux et dogmatiques annonciateurs d’une apocalypse morale du pays.
Campagne de dénigrement
Ces figures signataires, pour certaines très connues dans le pays, ont même appelé à la rescousse le grand public et les églises afin de provoquer des réactions en masse afin de protéger « le droit à la liberté et l’avenir de la population ». Ils lancent ainsi une véritable campagne de dénigrement de ces avancées légales. Et ce trois mois avant leur présentation au Parlement, dans ce pays dirigé depuis plus de trois ans par Ana Brnabić, une Première Ministre ouvertement lesbienne de 45 ans qui n’a pour l’instant pas fait grand-chose qui aille dans le sens d’une avancée des droits des LGBTI+.
Mais un nom parmi la liste des signataires a attiré l’attention de la communauté LGBT+ serbe qui entend obtenir de l’aide de la part de l’état français : celui du réalisateur Emir Kusturica, binational serbe et français.
Dans le communiqué du Centre Gay et Lesbien serbe, les militants précisent qu’« Emir Kusturica est un réalisateur serbe mais également un citoyen français. Il est reconnu internationalement pour de nombreux films. Il a gagné la Palme d’or à deux reprises (pour Papa est en voyages d’affaires en 1985, puis pour Underground en 1995, il fut même président du jury du Festival de Cannes en 2005, ndlr) et il a été récompensé de l’Ordre des Arts et Lettres, la plus haute reconnaissance pour une contribution artistique ».
Réalisateur politiquement ambigu
Réalisateur politiquement ambigu quand il s’agit de l’autonomie des états de l’ex-Yougoslavie comme des positions impérialistes russes par rapport à l’Ukraine, Emir Kusturica a bâti sa carrière de réalisateur sur un cinéma foutraque et inspiré qui brasse de nombreuses influences tziganes et offre des séquences oniriques qui ont emballé les critiques et jurys du monde entier.
En parallèle, il mène aussi une carrière d’acteur très prisé en France comme à l’international et de chanteur avec son groupe The No Smoking Orchestra avec lequel il foulait encore les scènes françaises en 2018. Hollywood lui a ouvert ses portes (Arizona Dream en 1993 avec Johnny Depp, Faye Dunaway et Jerry Lewis), les festivals de Berlin et de Venise comme celui de Cannes lui ont fait les honneurs de récompenses, il a reçu un Oscar et quatre César (dont un comme acteur dans un second rôle) et il a été fait Chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 2010 par le gouvernement français qui lui avait offert quelques années plus tôt sa nationalité.
« Il utilise sa position d’homme le plus connu du cinéma serbe et ses deux Palme d’or pour promouvoir l’homophobie et le nationalisme ! »
Pour Predrag Azdejković, journaliste, militant et Président du Centre Gay et Lesbien serbe mais également du festival Merlinka, le festival de cinéma LGBT+ de Belgrade, qui s’est confié à Komitid, « il n’y a aucun doute sur le fait qu’Emir Kusturica soit le réalisateur serbe le plus talentueux, je suis moi-même un grand fan de ses films et spécialement d’Underground. Mais le public français doit savoir qu’Emir Kusturica charrie en plus de son art un bagage politique nationaliste et homophobe. Il utilise sa position d’homme le plus connu du cinéma serbe et ses deux Palme d’or pour promouvoir l’homophobie et le nationalisme ! Sa signature n’est pas n’importe quelle signature mais celle d’un réalisateur qui a gagné des prix et est reconnu internationalement et, c’est avec le poids de ce statut international qu’il blesse la communauté LGBT serbe ».
Predrag Azdejković enfonce le clou en interpellant directement les dirigeants français : « Parce que vous êtes responsables de ce statut international dont il jouit, c’est de votre responsabilité de réagir et d’aider la communauté LGBT serbe. Solidarité ! ».
D’après le quotidien La Charente Libre du 25 février dernier, Emir Kusturica et son groupe seraient attendus en grandes pompes pour ouvrir le festival Musique Métissées d’Angoulême le 4 juin prochain. À suivre…
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