« Petite fille », le combat d’une famille pour sauver l’enfance de Sasha
Vous n’oublierez jamais Sasha, cette petite fille espiègle et coquette et le combat de sa famille, dans le très beau documentaire que leur consacre Sébastien Lifshitz pour Arte.
Devant sa glace, une petite fille s’apprête et prend la pose, essaie des accessoires en murmurant quelques « peut-être ». On la découvre ensuite en famille, avec ses parents, ses frères et sa sœur en pleine bataille de boule de neige. Avec les siens, dans sa bulle familiale ou dans sa chambre d’enfant, Sasha, 8 ans, s’épanouit, vit sa vie de petite fille sans se soucier du regard des autres.
Profil bas
Mais quand il faut aller à l’école ou au cours de danse où son genre de naissance prime encore sur son identité, c’est une autre histoire. Sasha doit faire profil bas, s’habiller en garçon pour ne pas se faire railler ou exclure et cette souffrance qu’elle exprime du bout des lèvres ou des yeux, par quelques mots ou des larmes pudiques, sa mère ne la supporte plus, ne veut plus que sa fille doive s’y résoudre.
Sébastien Lifshitz, réalisateur devenu en quelques films (Les Invisibles, Bambi, Les Vies de Thérèse et, plus tôt cette année, Adolescentes) le plus délicat des documentaristes français, pose son regard juste et bienveillant sur Sasha et les siens en suivant ce combat familial pour l’acceptation.
Bonne distance
En conjuguant son sens inné de la bonne distance, son respect absolu de ces personnages-sujets et son talent pour saisir le moment et le magnifier par l’image (aidé en cela par le talent immense de son chef opérateur Paul Guilhaume déjà à l’œuvre sur Adolescentes), Sébastien Lifshitz dresse le constat triste des empêchements sociétaux auxquels doit se confronter une si jeune fille, une petite fille de 8 ans qui sait depuis ses trois ans qu’elle n’est pas un garçon.
De moments plus qu’agaçants comme cette rencontre lunaire avec un médecin généraliste qui prend le temps de poser les mauvaises questions avant de s’avouer incompétent en la matière, en récits révoltants comme celui de cette opposition aveugle, irrespectueuse, cruelle et humiliante des institutions éducatives que sont l’école et le Conservatoire, le film suit les pas décidés de Karine.
Cette mère aimante et combattive a décidé que sa fille aurait le droit au bonheur. « A l’école, on l’empêche de vivre comme les autres enfants (…), on la prive de son enfance, elle passe à côté de son enfance » martèle-t-elle face caméra en réprimant des sanglots de rage.
« Petite fille » multiplie les instants d’émotion
Alors qu’il suffit de voir les yeux de Sasha s’éclairer quand elle parvient enfin à inviter sa copine Lola pour jouer à la poupée dans sa chambre ou au foot dans son jardin pour comprendre qu’elle n’aspire à rien d’autre qu’à une vie de petite fille tout ce qu’il y a de plus banal…
Petite fille multiplie les instants d’émotion notamment via la présence enveloppante, professionnelle et compréhensive de la psy de l’Hôpital Robert-Debré, ou les mots simples et plein d’amour d’un père, d’une sœur, d’un frère. Vous n’oublierez jamais Sasha, cette petite fille espiègle et coquette qui chérit ses souliers dorés, ne veut plus se sentir triste et en colère et s’imagine papillon, prête à s’envoler pour peu qu’on laisse ses ailes se déployer.
Petite Fille
Réalisation : Sébastien Lifshitz
Documentaire – 1h22
Disponible sur arte.tv du 25 novembre au 30 janvier
Diffusion sur Arte le 2 décembre à 20h50.
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