3 questions à Gérard Koskovich sur l'exposition virtuelle « Labor of Love » de la GLBT Historical Society
« Nous savions que la première marche dans notre ville n’a rassemblé qu’entre 20 et 30 personnes, et que maintenant, cinq décennies plus tard, la Pride à San Francisco s’est imposée comme une institution incontournable qui attire normalement plus d’un million de participant.e.s ».
La GLBT Historical Society a mis en ligne sur son site une exposition virtuelle intitulée « Labor of Love : The Birth of San Francisco Pride, 1970–1980 », qui se concentre sur la première décennie de marche des fiertés à San Francisco. « Labor of Love » met en avant des photographies historiques, des éphémères, des artefacts et des enregistrements sonores et vidéo provenant des archives de la GLBT Historical Society et de membres de la communauté LGBT+ franciscanaise. Une visite guidée virtuelle est également disponible sur la chaîne Youtube de l’association. L’historien Gérard Koskovich, l’un des conservateurs de l’exposition, répond aux questions de Komitid.
Komitid : Pourquoi avoir créé l’exposition « Labor of Love » ?
Gérard Koskovich : Avec New York, Chicago et Los Angeles, San Francisco était parmi la petite poignée de villes américaines où les militant.e.s ont organisé une marche fin juin 1970 pour fêter le premier anniversaire des émeutes de Stonewall. Ces quatre défilés sont à l’origine d’une tradition de manifestations et de célébrations devenue depuis, sous le nom de Pride, un phénomène politique et culturel de portée mondiale.
Conscients que 2020 marquerait le 50ème anniversaire de la Pride, nous avons commencé déjà il y a quelques années à imaginer une exposition sur la marche des fiertés pour notre musée dans le quartier du Castro. Nous savions que la première marche dans notre ville n’a rassemblé qu’entre 20 et 30 personnes, et que maintenant, cinq décennies plus tard, la Pride à San Francisco s’est imposée comme une institution incontournable qui attire normalement plus d’un million de participant.e.s.
Personnellement, je n’ai participé pour la première fois à la marche qu’en 1979. Pour moi et pour les autres commissaires, Amy Sueyoshi et Don Romesburg, tou.te.s deux professeur.e.s d’histoire et d’études de genre, l’histoire de cette transformation restait à découvrir. Nous avons finalement décidé de cibler la première décennie de l’événement pour mieux comprendre l’enracinement de la Pride à San Francisco.
En plus, nous voulions créer une exposition plutôt approfondie, mais d’une taille abordable et agréable pour le public. Pas possible donc de rentrer dans tous les détails à travers un demi-siècle. Puis, en faisant nos recherches, nous avons trouvé tant d’histoires passionnantes que ce n’était pas possible de tout raconter même en nous limitant à une seule décennie !
L’exposition est organisée autour de quatre thèmes, pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons commencé nos recherches il y un an et demi en regardant avec un esprit très ouvert tous les fonds au centre d’archives de la GLBT Historical Society ayant à voir avec la Pride de 1970 à 1980. En regardant des milliers de documents, de photographies, de vidéos, et d’objets, nous sommes graduellement arrivé.e.s à identifier quatre thèmes qui nous permettraient à la fois d’expliquer les origines de la marche des fiertés à San Francisco et d’inviter les gens à repenser les débats actuels autour de la Pride en puisant dans l’héritage du passé queer.
Pour commencer, « Pourquoi la Pride ? » retrace la politique de la marche en tant que telle comme stratégie du mouvement de la libération gay.
Puis, nous abordons le thème du « Travail de la Pride ». Notre objectif : entrer dans les coulisses de la marche pour montrer que dès le début, des militant.e.s devaient vraiment galérer pour tout organiser.
Notre troisième thème, « Bagarres de la Pride », porte sur l’histoire des guerres intestines entre les membres du comité organisateur ainsi que le comité et les publics LGBTQI. Ces différends sont richement révélateurs des enjeux de nos mouvements.
La quatrième partie de l’exposition est titrée « La Grande famille gay ». Pendant les années 1970, la marche des fiertés est vite devenue un espace dynamique pour nous concevoir et nous présenter publiquement et dans toute notre diversité comme membres d’une collectivité, mais en démontrant à la fois nos ressemblances, nos différences et nos identités spécifiques.
Pourquoi était-il important d’inclure les visiteur.se.s avec la partie interactive « Pride : From Past to Future » ?
Depuis sa fondation en 1985, la GLBT Historical Society a toujours poursuivi la récupération de notre passé pas comme une activité savante détachée du mouvement LGBTQI, mais comme une manière de constituer et de renforcer la mémoire publique queer. Pour nous, cette mémoire est l’une des pierres angulaires de notre pouvoir individuel et de notre capacité collective de ré-imaginer notre société actuelle et de revendiquer un avenir plus juste et solidaire.
Par conséquent, c’est notre habitude pas seulement d’exposer l’histoire, mais aussi d’inviter les visiteurs de nos expositions à y participer directement. Dans l’exposition sur la première décennie de la Pride, nous terminons donc avec deux questions : « Comment pensez-vous que l’objectif principal de la défilé des fiertés de faire de la “ liberté gay ” une réalité pour toutes et pour tous soit poursuivi aujourd’hui ? » et « À quoi voulez-vous que la Pride de San Francisco ressemble à l’avenir ? »
Puis nous affichons les commentaires pour faire en sorte que l’exposition suscite une conversation ouverte. Maintenant, j’espère voir des réponses en français !
- « Nous voulons porter un message de solidarité » : la Marche des Fiertés parisienne mobilisée contre la transphobie
- « Je ne fais pas juste du visuel, il y a quelque chose de très politisé dans ce que je souhaite transmettre »
- 3 questions à la Fédération des festivals de films LGBTQIA+
- How to become : 3 questions sur la revue « The Daughters of Darkness »
- « L'univers drag brille par sa richesse et sa variété »