Anne Hidalgo sur les droits LGBT+ : « J'ai toujours été là et je serai toujours là »
Interview. À J-1 de la Marche des fiertés, la maire de Paris revient sur ses engagements en faveur des droits des personnes LGBT+. Et se défend de tout pinkwashing.
« C‘est une provocation, c’est une salissure ». Ils sont forts les mots d’Anne Hidalgo, pour qualifier les tags homophobes réalisés sur les passages piétons arc-en-ciel du Marais. Char à la marche des fiertés, remise de prix, volonté de faire de Paris un phare pour les droits LGBT+ dans le monde… la maire de Paris s’affiche plus que jamais comme une alliée depuis le début de son mandat.
Komitid a pu s’entretenir avec la maire en milieu de semaine (avant les deuxièmes dégradations homophobes des passages piétons, ndlr). Dans notre interview l’élue socialiste revient sur ses engagements contre les LGBTphobies, l’importance de préserver les lieux de mémoires… et répond à ceux et celles qui l’accusent de faire du pinkwashing.
Quelle a été votre première réaction après les dégradations des passages piétons arc-en-ciel du Marais ?
Anne Hidalgo : J’ai été choquée et très en colère. Ces marquages que nous avons faits au sol, c’est quelque chose que j’avais envie de faire depuis très longtemps. C’est une chose sur laquelle Jean-Luc Romero m’avait beaucoup encouragée et cela faisait partie des propositions du rapport qu’il a réalisé sur une meilleure inclusion des personnes LGBT+ dans la politique de la ville. Ces marquages, c’est une façon de dire notre fierté. Cela rejoint ce que nous avons fait à Solidays, avec notre stand « Paris est fier.e ». C’est une façon de dire que l’on porte ensemble les valeurs de liberté et d’égalité que prônent depuis longtemps les associations LGBT.
Donc de voir ça, dans Paris et à cet endroit-là… c‘est une provocation, c’est une salissure. Ma réaction a été immédiate, les services de la ville ont été super, parce qu’ils ont réagi très vite pour rétablir la beauté des couleurs.
Ce tag serait-il un signe qu’il y aurait plus d’homophobie à Paris que l’on ne pense ?
Ce n’est pas forcément de l’homophobie qui vient de Paris. Mais le fait que des gens viennent, dans l’endroit le plus ouvert, le plus libre et le plus emblématique pour faire ce type de provocations, cela veut dire que la liberté ne passe pas pour tout un tas de gens. Des gens qui sont des réactionnaires, parce que là, je ne sais pas comment les qualifier autrement.
Il y a eu des actes homophobes à Paris, je suis cela avec attention et nous sommes là pour apporter notre soutien. Nous mettons en place de nombreuses mesures, y compris dans les collèges parisiens, où nous avons un programme qui vise à prévenir et lutter contre l’homophobie. Je pense que Paris est une ville dans laquelle, quand ça se passe, cela se voit, parce que nous sommes sous le feu des projecteurs, mais c’est une ville qui traite ce mal-là.
Quelles mesures pour contrer les LGBTphobies dans la capitale française ?
Pour moi, c’est vraiment une question d’éducation et c’est un travail qui doit être fait dès le plus jeune âge, dès la primaire. Dès le premier mandat de Bertrand Delanoë, alors que je n’étais pas encore Maire, nous avons engagé tout un travail de prévention de l’homophobie, de la lesbophobie et de la transphobie dans les collèges.
« C’est aussi par des messages, par de l’engagement politique, d’une équipe et de moi-même, que l’on arrivera à repousser cet obscurantisme »
Nous avions monté une opération dans nos établissements avec une équipe de l’association Je, Tu, Il, qui nous a vraiment poussé à parler de l’homophobie, parce qu’au départ nous étions plutôt sur le terrain de l’antisémitisme et du racisme. Cette approche nous permet de toucher les collégiens. Mais c‘est aussi par des messages, par de l’engagement politique, d’une équipe et de moi-même, que l’on arrivera à repousser cet obscurantisme, cette violence et cette haine que subissent les personnes LGBT.
De nombreux lieux de mémoires et lieux de fête LGBT+ sont menacés à Paris. Quel rôle la Mairie veut, et peut, jouer là-dedans ?
Cela fait partie des éléments sur lesquels Jean-Luc Romero, avec son rapport, avait attiré notre attention, notamment sur les lieux de mémoires, pour qu’ils existent et soient portés par la mairie. Là-dessus, il y a mon engagement et le travail que j’ai demandé à Bruno Julliard sur les archives. Le but, c’est que nous arrêtions de nous renvoyer la balle et que nous nous engagions. Pour les lieux de vie et de fête, les outils dont dispose la ville, je les mets à disposition comme, par exemple avec la Semaest (la société d’économie mixte de la Ville de Paris, ndlr) pour les commerces.
Nous avons besoin de lieux de mémoire. Je m’étais beaucoup engagée pour la mémoire de la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale, pendant longtemps, j’ai participé à la commémoration qui avait lieu, avant qu’elle ne devienne officielle. Je suis attentive à ce que les portes-drapeaux de la communauté LGBT+ soient présents dans les commémorations officielles parisiennes. Et puis il y a aussi la mémoire de celles et ceux qui sont morts du sida, de celles et ceux qui sont tombées à un moment où les pouvoirs publics ne prenaient pas en compte ce qu’il se passait. Nous mettons aussi un certain nombre de propositions en place sur ce sujet.
Justement, dans les propositions de Mr Romero, figurent en bonne place des propositions visant à faire de Paris une capitale touristique LGBT+. C’est une vision dont vous parlez beaucoup. Pourquoi ?
D’abord, parce que c’est une réalité. Paris est une ville, parce qu’elle est ouverte, tolérante, qui a permis à beaucoup de personnes LGBT+ de venir s’y installer, d’y entreprendre et d’y vivre. Et ça marque la ville par quelque chose de fort.
Je le raconte souvent, mais avant 2014 et que je devienne maire, j’avais fait un voyage à Tel-Aviv qui portait sur l’écosystème numérique de la ville. Dans la présentation des points forts de la ville, il y avait « une ville gay friendly » présenté comme un élément expliquant pourquoi Tel-Aviv est performante sur le plan de l’innovation et du numérique. En discutant avec les équipes sur place, elles m’ont dit « oui, si nous n’étions pas gay friendly, nous ne serions pas un hub de l’innovation ». Expliqué comme ça, c’est une évidence. C’est parce qu’il y a de la liberté qu’il y a de l’innovation.
En revenant, j’ai commencé à parler de cette idée et tout le monde m’a regardé en se disant « Mais de quoi elle nous parle ? ». Si nous ne sommes pas gay friendly, nous ne sommes pas dans un état d’esprit propice à l’innovation. Jean-Luc Romero avait aussi cette intuition, et il a voulu rattacher cela au tourisme. Je lui a demandé de me faire des propositions là-dessus, pour qu’effectivement on mette en avant cette bannière de liberté.
Le fait que vous liez les questions économiques aux questions LGBT+ vous vaut justement des accusations de pinkwashing…
« Nous avons pour nous la permanence de l’engagement »
D’abord, je l’entends, et c’est normal que dans les formes de militantisme, qui sont parfois radicales, il y ait une attention à ce sujet. Bien sûr, notre politique ne peut pas être du pinkwashing. Vous savez, pour faire la différence entre ce qui relève du marketing et de la conviction profonde, j’ai quand même la durée de l’engagement. Là-dessus je n’ai pas trop à me justifier et on me le demande rarement.
Mais les associations ont raison de dire « attention vigilance ». Si c’est juste pour donner un coup de peinture sur certaines enseignes ou certains lieux, ça ne le fera pas. Mais nous avons pour nous la permanence de l’engagement. On a toujours été là. J’ai toujours été là. Et je serai toujours là.
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