James Bond peut attendre : Daniel Craig se déconstruit dans « Queer »
L'acteur d'origine britannique enterre définitivement le mâle alpha de 007 dans « Queer », de Luca Guadagnino, une divagation gay sous alcool et drogue inspirée de William S. Burroughs et présentée en compétition au festival de Venise.
L’heure est à jouer avec les sex-symbols glamours et les stéréotypes de genre à la Mostra : après Nicole Kidman, filmée à quatre pattes en train de laper une tasse de lait dans un jeu de soumission, dans le thriller érotique Babygirl, c’est une autre star, Daniel Craig, qui a joué mardi avec son image de papier glacé.
L’acteur de 56 ans à la carrure athlétique est célébrissime pour son rôle de James Bond (Casino Royale, Skyfall…). Personnage qu’il avait déjà commencé à éloigner du canon machiste dans le dernier opus, Mourir peut attendre, où on le voyait devenu papa.
Désormais libéré du rôle de 007, Craig se réinvente complètement dans Queer, en lice pour le Lion d’or.
Il rêvait depuis des années de tourner avec Luca Guadagnino, cinéaste italien de 53 ans devenu la coqueluche de Hollywood depuis qu’il a propulsé Timothée Chalamet avec Call me by your name, qui en le recrutant confirme son aura. Et s’en donne à coeur joie pour jouer avec son image.
Le film est inspiré du roman du même titre de William S. Burroughs, figure littéraire de la Beat Generation, aux côtés de ses amis Jack Kerouac et Allen Ginsberg, mêlant homosexualité, drogue et alcool.
Crasseux
Queer est un livre « très court » mais « rempli d’émotion » : « Il parle d’amour, de perte, de solitude, de désir, il parle de tout cela », a résumé Daniel Craig à Venise.
Craig joue un Américain d’âge mûr, noyant son ennui dans le Mezcal dans un bar fréquenté par la communauté gay dans le Mexico City d’après-guerre. Jeux de regards, discussions à bâtons rompus et intermèdes charnels, il tombe amoureux d’un jeune compatriote, interprété par Drew Starkey, 30 ans, vu dans la série Outer Banks.
Plus connu une arme à la main et une James Bond girl à ses côtés, Daniel Craig se livre ici comme jamais dans de torrides scènes de sexe à l’écran, avec Drew Starkey. L’acteur a raconté avoir eu recours à la danse pour briser la glace.
« Vous savez comme moi qu’il n’y a rien d’intime dans le tournage d’une scène de sexe. La pièce est remplie de gens qui vous regardent », a-t-il raconté à la presse. « Drew et moi avons commencé les répétitions des mois avant le début du tournage. (…) Danser avec quelqu’un est formidable pour briser la glace ».
Avec Queer, « nous voulions simplement créer quelque chose d’aussi touchant, authentique et naturel que possible », a souligné Daniel Craig, dont le personnage est montré souvent dégoulinant de sueur, dans un costume blanc crasseux.
Un naturel qui n’empêche pas Luca Guadagnino de proposer comme à son habitude un univers très stylisé, empruntant ici à la photographie d’Edward Hopper, ainsi qu’à l’ambiance du Douanier Rousseau quand les deux personnages filent en Amazonie goûter une plante hallucinogène, l’Ayahuasca.
Le film est très charnel, à l’image de ses précédents, comme Challengers, sorti au printemps, avec des scènes torrides entre Zendaya, Josh O’Connor et Mike Faist. Avec cette fois Daniel Craig, le cinéaste a expliqué qu’il disposait de « l’un des très rares acteurs iconiques qui acceptent de montrer leur fragilité ».
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