En Allemagne, les Marches des fiertés défient l'extrême droite
Slogans et banderoles traduisent l'inquiétude face à la montée du parti d'extrême droite AfD arrivé largement en tête aux élections européennes de juin.
Des doigts d’honneur et quelques insultes : la marche des fiertés LGBTQ+ n’a pas encore commencé à Altenburg, petite ville de l’est de l’Allemagne, qu’une poignée individus tentent, de loin, d’intimider les participants.
« J’espère qu’on ne se fera pas agresser physiquement, mais je m’attends au minimum à des insultes sur le chemin », confiait avant le rassemblement Torge Dermitzel, 25 ans, l’un des organisateurs.
A Altenburg, la Pride estivale n’a pas l’exubérance de son aînée de Berlin où des centaines de milliers de fêtards font danser la ville fin juillet.
Slogans et banderoles y traduisent l’inquiétude face à la montée du parti d’extrême droite AfD arrivé largement en tête aux élections européennes de juin, avec 37 % des voix, dans cette circonscription de l’ex Allemagne de l’Est.
La formation est aussi donnée gagnante au scrutin régional du 1er septembre dans ce Land de Thuringe où elle ne cesse de progresser.
« Il nous reste quelques semaines, on va tout faire pour être visibles et barrer la route à l’AfD », appuie Torge Dermitzel, chemise grande ouverte et éventail multicolore en main.
« Tout le monde se connaît »
Dans la vieille cité baroque de quelque 30.000 habitants, la marche arc-en-ciel a rassemblé environ 200 personnes qui ont défilé au pas de course sous un soleil de plomb.
« Dans les petites villes, tout le monde connaît tout le monde et c’est compliqué de manifester avec la communauté queer », assure Isolde Rolle.
Sa « peur panique » de l’AfD a motivé cette femme de 58 ans, employée dans un cabinet médical, à participer à sa première marche des fiertés.
« Quand j’ai eu ma première copine à l’école, tout le monde s’est mis à parler de ma sexualité », explique à l’AFP Géraldine Streng, 18 ans, entourée de plusieurs amis.
Cette étudiante en géographie souhaite « que la prochaine génération se déplace librement dans la rue sans regard de travers ou commentaire », alors qu’elle dit éviter certains recoins de la ville quand elle est seule.
Plusieurs voitures de police et un service d’ordre protègent les manifestants et la mairie d’Altenburg, dirigée par un social-démocrate, arbore le drapeau LGBTQ+.
Mais quelques petits groupes d’hommes ont à trois reprises provoqué le cortège, a constaté l’AFP.
Torge Dermitzel raconte que la première Pride qu’il a organisée à Altenburg en 2021 lui a valu des menaces de mort.
La manifestation a aussi pour but de rendre hommage à un homme victime dans cette ville, en février 2020, d’un « meurtre homophobe » selon la communauté queer, même si la justice n’a pas retenu ce mobile.
L’existence de ces manifestations en dehors des grandes métropoles est essentielle, jugent les participants. Elles se sont multipliées dans l’Allemagne rurale ces dernières années.
A Pirna (est), ville de 40.000 habitants en Saxe dont l’AfD a récemment emporté la mairie, la Pride a rassemblé environ 3.000 personnes mi-juillet.
Vivre en paix
La VBRG, association qui accompagne les victimes de la violence d’extrême droite, constate « un lien direct entre le vote d’extrême droite et l’augmentation des agressions violentes », notamment à caractère homophobe ou transphobe.
Lors de la marche des Fiertés de Cologne (ouest), qui a rassemblé dimanche plus d’un million de personnes selon les organisateurs, 13 hommes âgés de 18 à 30 ans ont été interpellés pour avoir scandé des slogans homophobes et d’extrême droite et arraché des drapeaux arc-en-ciel.
Dans l’est de l’Allemagne, le terrain est particulièrement fertile, assure Heike Kleffner, porte-parole de VBRG, en raison du « soutien social » en faveur des agresseurs et du « retard ou blocage des poursuites judiciaires ».
« On n’habite pas à Berlin, Hambourg ou Cologne, mais nous aussi on existe et on a le droit de vivre en paix ! », revendique Torge Demitzel, inquiet d’être oublié par la communauté queer des grandes villes.
Un angle mort dénoncé aussi par Lenard Pfeuffer, membre de « Pride Soli Ride » : cette association berlinoise organise des départs groupés depuis la capitale pour grossir les rangs des Pride de l’Est.
La marche d’Altenburg est « beaucoup plus militante que celle de Berlin, qui est devenue une vaste fête, moins intéressante », estime cet étudiant en sciences politiques.
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