A l'ONU, une offensive conservatrice sur le genre et les droits des femmes

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La session estivale du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a révélé une offensive conservatrice, menée notamment par la Russie, pour effacer des résolutions onusiennes des termes visant à protéger les droits des femmes et des minorités sexuelles et de genre.

Le drapeau de l'ONU - Noam Galai/shutterstock

La session estivale du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, qui s’est achevée le 12 juillet à Genève, a révélé une offensive conservatrice, menée notamment par la Russie, pour effacer des résolutions onusiennes des termes visant à protéger les droits des femmes et des minorités sexuelles et de genre.

Des diplomates ont sonné l’alerte à propos des tentatives répétées de la Russie et de pays majoritairement musulmans pour faire disparaître ces termes, qui n’étaient pourtant plus contestés depuis longtemps dans le langage onusien.

A l’agenda de cette session estivale figuraient de nombreuses résolutions portant sur les droits des femmes, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, qui ont toutes été adoptées en dépit de nombreux amendements visant à en modifier la substance et la portée.

« La plupart des amendements qui viennent d’être présentés demandent la suppression ou la reformulation de notions ou de termes issus de résolutions précédentes, solidement ancrés dans le corpus des résolutions adoptées par ce Conseil et qui constituent donc un langage agréé par tous », a notamment réagi le représentant français, Jérôme Bonnafont.

« Concepts controversés »

Le Conseil a notamment dû débattre et voter 15 amendements, proposés principalement par la Russie, portant sur deux résolutions, l’une sur l’élimination de toute forme de discrimination contre les femmes et les filles, l’autre sur les droits humains dans le contexte de l’épidémie de VIH.

Le représentant russe Ilia Barmin a déploré que ces résolutions fassent la promotion de « concepts controversés ».

La partie russe souhaitait la suppression de la référence au « genre », à la « sexualité », ou encore au « droit à l’autonomie corporelle » des femmes et des filles.

Elle remettait aussi en cause l’accent mis depuis longtemps sur la prévention du VIH à destination des « populations clés », notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes trans, arguant que « chaque pays devrait définir lui-même les populations ciblées par sa réponse, en fonction de son épidémie ».

Cette offensive a suscité de vives réactions de la part des représentants des pays occidentaux.

« Nous pensons que les efforts visant à modifier cette définition (des populations clés) ne sont pas motivés par des preuves épidémiologiques solides, mais par des préjugés » a réagi l’ambassadrice américaine Michele Taylor.

L’ambassadrice allemande Katharina Stasch a critiqué la proposition de supprimer les références à « l’autonomie corporelle » des femmes, estimant que « cela ne devrait pas être un sujet de débat au sein de ce Conseil ».

« Contexte culturel »

Les amendements proposés ont tous été rejetés, la plupart recueillant le soutien de moins d’une douzaine des 47 membres du Conseil.

Celui qui a recueilli le plus de soutien est venu du Koweït ; il demandait de supprimer les références à « l’accès universel à une éducation sexuelle complète fondée sur des données probantes » – un concept « controversé et non consensuel », selon l’ambassadeur koweïtien Naser Abdullah Al Hayen.

L’amendement stipulait qu’il faudrait remplacer cette notion par « un accès universel à une éducation scientifiquement exacte et adaptée à l’âge et au contexte culturel ».

L’éducation sexuelle devrait être « sensible à la culture », a soutenu l’ambassadeur du Ghana, Emmanuel Kwame Asiedu Antwi.

Jérôme Bonnafont a dénoncé les tentatives de « saper les progrès obtenus par la communauté internationale en matière de garantie des droits sexuels et reproductifs ».

Le Conseil des droits de l’homme n’est pas le seul forum de l’ONU où ces termes font l’objet de débats houleux.

Le mois dernier, l’assemblée décisionnaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été contrainte pour la première fois de soumettre une résolution à un vote, au lieu de l’habituelle adoption par consensus, en raison d’une opposition à l’expression « sensible au genre ».

Une alliance conservatrice de pays, dont l’Égypte, la Russie et l’Arabie saoudite, s’est opposée à son utilisation, mais a finalement échoué à la faire modifier.