Marie Patouillet, paracycliste multi-médaillée et multi-engagée
Portrait d'une sportive qui n'hésite pas à parler de lutte contre le sexisme et la LGBTphobie, qui s'apprête à participer aux prochains Jeux Paralympiques.
Son palmarès vient encore de s’enrichir de deux nouvelles médailles mais Marie Patouillet préfère parler lutte contre le sexisme et LGBTphobie. A quelques mois des Jeux de Paris, la paracycliste française n’entend « rien lâcher » dans son combat contre les discriminations dans le sport de haut niveau.
« Pour moi, s’il n’y a pas de valeurs ni d’engagements derrière, les médailles en elles-mêmes n’ont pas de sens », souligne auprès de l’AFP, entre deux séances d’entraînement, l’athlète de 35 ans, qui saura mi-juillet si elle est sélectionnée pour les Jeux paralympiques (28 août-8 septembre).
Née avec une malformation au pied et à la cheville qui l’empêche de courir, la trentenaire a pendant longtemps placé la « performance pure » devant toute autre considération – avant d’avoir un déclic aux Jeux Paralympiques de Tokyo en 2021.
« A un moment, j’évoque l’ambiance sexiste, on me répond alors que si je ne voulais pas d’un sport sexiste, il fallait que je fasse un sport de fille. Ça m’a mise en colère », se remémore-t-elle.
Un an plus tard, elle saute le pas et apparaît lors des championnats du monde à Saint-Quentin-en-Yvelines, avec une coupe de cheveux aux couleurs de l’arc-en-ciel dans le but de déclencher un débat sur les droits LGBT+.
Depuis, celle qui a été élue personnalité sportive de l’année 2023 par le magazine Têtu multiplie les déclarations dans les médias, poste des photos d’elle avec sa compagne et porte « fièrement l’étiquette de lesbienne » après avoir longtemps refusé « d’être cataloguée comme telle ».
« Affligeant »
« Les choses ont un peu évolué : il y a le côté “il faut faire attention à ce qu’on dit quand elle est là”, c’est déjà pas mal, cela veut dire que je n’ai plus ou très peu de comportements ou remarques discriminatoires », relève-t-elle.
Mais « la notion d’alliés manque cruellement dans le sport de haut niveau », déplore-t-elle. « Quand on voit aujourd’hui que certains footballeurs n’arrivent pas à arborer le drapeau LGBT+ sur un brassard une journée dans l’année, pas pour faire un coming out mais pour soutenir une lutte contre discrimination qui aujourd’hui tue ou en tout cas tabasse, pour moi c’est affligeant ».
Elle reconnaît toutefois la difficulté de s’engager publiquement dans le sport de haut niveau où toute l’énergie des athlètes vise la performance.
« Quand on sait à quel point on pousse notre corps et notre mental loin, c’est difficile de trouver l’énergie pour autre chose, ça demande du recul, de la maturité », note-t-elle. Or de nombreux athlètes « sont très jeunes » : « Il y a dix ans, j’aurais été incapable de tenir les discours que je tiens aujourd’hui », souligne-t-elle, confiant trouver ses paroles de l’époque « trop lisses, alors que j’avais l’impression de prendre des risques énormes ».
Liberté de parole
L’enjeu est pourtant de taille. Selon une enquête Ipsos de septembre 2023, 46 % des Français disent avoir été témoins d’un comportement homophobe ou transphobe dans le milieu sportif, un chiffre qui monte à 73 % pour les personnes LGBT+.
Pour Marie Patouillet, s’engager « ça peut être de reprendre quelqu’un qui à l’entrainement fait une blague et lui dire “ce n’est pas ok” ».
Loin de refroidir ses sponsors, parmi lesquels figure entre autres Décathlon, l’ambassadrice de la maison Dior assure avoir une « liberté de parole totale » sur ses engagements.
Parmi les athlètes inspirantes, elle cite la joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka dont « le courage » pour évoquer la santé mentale lui « a fait du bien » ou l’ancienne superstar américaine du football et militante féministe Megan Rapinoe.
Au-delà des questions LGBT+, Marie Patouillet – qui affiche à son compteur deux médailles olympiques et une dizaine en championnats du monde, principalement sur piste -, entend également donner de la visibilité aux para-athlètes, encore « trop souvent dans l’ombre ».
A l’issue des Jeux, qu’elle soit sélectionnée ou non, médaillée ou non, elle a déjà prévenu qu’elle raccrocherait son vélo pour renouer à plein temps avec son métier : médecin généraliste.
Quant à son engagement contre les discriminations, elle n’a aucune « intention de le lâcher ». D’autant qu’avec « metoo hôpital », « on a la preuve que le monde de la santé a bien besoin de déconstruire lui aussi certains stéréotypes ».
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