Réhabiliter les condamnés pour homosexualité : tardif mais nécessaire, selon un chercheur
La France se lance tardivement dans cette démarche pourtant essentielle, estime dans un entretien Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et spécialiste du sujet.
Les députés examinent à partir de mercredi une proposition de loi de réhabilitation – déjà votée au Sénat – des milliers de personnes condamnées entre 1942 et 1982 pour des relations homosexuelles avec des partenaires de moins de 21 ans, selon une législation alors discriminatoire sur l’âge du consentement par rapport aux hétérosexuels. La France se lance tardivement dans cette démarche pourtant essentielle, estime dans un entretien auprès de l’AFP Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et spécialiste du sujet.
Que peut apporter cette proposition de loi ?
Régis Schlagdenhauffen : Les lois de réparation apportent toujours quelque chose, à commencer par de la reconnaissance. Il s’agit d’une part de reconnaître une responsabilité et d’autre part de reconnaître les personnes qui ont été condamnées pour homosexualité en leur attribuant le statut de victime.
C’est important pour la France, parce qu’on est dans un Etat de droit. Il s’agit d’une mise en conformité avec les attendus contemporains de ce qu’est une démocratie. C’est important aussi pour le mieux-être des personnes condamnées.
Cette démarche arrive tard en France. Des pays voisins, comme les Pays-Bas et l’Allemagne, ainsi que des pays outre-Atlantique se sont déjà engagés dans ce type de voie depuis longtemps.
Le texte initial prévoyait l’indemnisation financière des personnes condamnées, une disposition supprimée par les sénateurs. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que cela fait une proposition de loi incomplète, c’est la moitié du chemin qui est parcouru. Lorsqu’on s’excuse, on attend toujours quelque part une forme de réparation qui aille au-delà des mots.
Combien de personnes ont-elles été condamnées pour homosexualité en France ?
Au bas mot, 10.000 condamnations ont été prononcées en vertu de la loi de 1942 qui réprimait les relations homosexuelles entre un majeur et un jeune de moins de 21 ans. Il y avait un autre article de loi, qui réprimait l’outrage public à la pudeur homosexuel, qui concerne des dizaines de milliers de condamnations. Mais on n’a pas de chiffres précis, cela oscille autour de 50.000 condamnations. Savoir combien de personnes ont été réellement condamnées devrait être la priorité.
Sait-on quel était le profil de ces personnes condamnées ?
Il s’agit dans l’immense majorité d’hommes. Entre un tiers et la moitié étaient mariés et pères de famille. Ils menaient ce qu’on pouvait appeler une double vie, c’est-à-dire une vie rangée d’un côté et une vie un peu plus secrète de l’autre. Et leur grand malheur, c’était d’avoir été appréhendés par la police avec toutes les conséquences que cela pouvait avoir. Cela pouvait entraîner des séparations, ruiner une vie sociale ou une carrière professionnelle. Ce type de condamnation était violent à vivre.
Le texte a-t-il plus de chance d’être voté sous Gabriel Attal, Premier ministre qui évoque publiquement son homosexualité ?
Je pense qu’il y avait beaucoup plus de chance qu’il passe facilement sous Elisabeth Borne parce qu’elle incarnait une forme de neutralité par rapport à ces questions. Gabriel Attal s’est positionné, donc on l’attend au tournant. Je ne suis pas sûr que ce soit un atout parce qu’il pourrait être taxé de communautarisme : les personnes spécialisées dans l’analyse des politiques publiques ont tendance à montrer qu’on n’est pas dans la meilleure configuration pour l’avancée des droits LGBT+.
- Le Britannique Tom Daley passe des plongeons aux tricots
- Concert annulé de Bilal Hassani en 2023 : jusqu'à six mois de prison requis pour provocation à la haine et injures
- Au moment de souffler ses 40 bougies, la sérophobie n'a pas encore disparu, alerte l'association Aides
- « La Manif pour tous » au gouvernement ? Les droits acquis seront « préservés », assure Barnier
- Zemmour condamné et relaxé en appel dans deux affaires distinctes