Interview long format d'Apolline Bazin pour son livre « Drag, un art queer qui agite le monde »

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Komitid a rencontré la journaliste indépendante et autrice Apolline Bazin pour une interview long format sur son livre, magnifique et passionnant, sur l'univers du drag : « Drag, un art queer qui agite le monde ».

« Drag, un art queer qui agite le monde », d'Apolline Bazin
« Drag, un art queer qui agite le monde », d'Apolline Bazin - Leane Alestra

C’est un livre qu’on aimerait offrir… mais surtout s’offrir. Drag, un art queer qui agite le monde est à la fois un beau libre, avec une iconographie d’une richesse affolante, mais aussi une mine d’informations sur l’art du drag, à travers les époques et les genres.

Pour son premier livre, la journaliste indépendante et autrice Apolline Bazin, cofondatrice du média queer et féministe Manifesto XXI, a choisi une forme hybride pour embrasser tous les aspects du drag. Fréquentant depuis des années la scène à Paris, elle a interviewé de très nombreuses personnalités de ce monde, en France et à l’international (Hitsublu, Mami Watta, Yax Ferri Venti), elle a aussi compilé nombre d’archives sur l’évolution du drag depuis… la Grèce antique à nos jours en passant par le 19e siècle et les années 30. Son ouvrage offre aussi des perspectives sur les mutations à attendre. Si vous pensiez bien connaître le drag parce que vous êtes fan de l’émission « Drag Race » (et de toutes ses franchises), ce livre va vous réserver bien des surprises !

Drag, un art queer qui agite le monde s’ouvre sur une très belle préface signée Soa de Muse, une des queens de la saison 1 de « Drag Race France » : « Le drag est un art qui a les yeux ouverts sur la société d’aujourd’hui. Il ne peut qu’être conscient, c’est logique pour moi. Si tu es drag et que tu ne réagis pas à ce qui se passe dans le monde, tu n’es qu’un fantasme. »

Komitid : Ton livre s’ouvre sur les paroles très fortes de Soa De Muse, l’une des queens de la saisons 1 de « Drag Race France ». Est-ce que le drag a toujours été politique ?

Apolline Bazin : Ça, c’est une question qui titille un petit peu. Alors, oui et non. Oui, ça a toujours été politique parce que la performance de genre, la transgression des normes de genre a toujours dénoté dans la matrice cis-hétéro-patriarcale. Néanmoins, le fait que le drag, en tant qu’art politisé et porteur de messages est un peu plus lié, effectivement, à la période, à la conscientisation autour du mouvement de libération. Il y a une nuance à apporter quand on regarde différentes périodes. C’était extrêmement politique ce qui se passait chez Madame Arthur et au Carousel en terme d’organisation de réseaux de femmes trans. Mais que je sache, on n’était pas dans une adresse politique sur scène. Tout comme pour les scènes drag aux États-Unis dans les années 50-60, où on est dans le divertissement, le « showgirl ». Pour moi, il y a quand même quelque chose qui s’est vraiment structuré au moment de Stonewall et de la constitution, de toute façon, d’une fierté.

Comment t’es-tu documentée pour ce livre très riche en archives et en images ?

Selon les chapitres, les sources numéro un ne sont pas les mêmes. Pour le premier chapitre, le chapitre historique, il y a quand même quelques travaux d’historiennes et d’historiens, surtout sur les périodes de Grèce antique. Pour les années 30, on a quand même une belle documentation sur la vie gay et lesbienne de Berlin et Paris. A partir du chapitre deux, comme on arrive sur l’histoire contemporaine, il y a beaucoup d’archives de presse. Pour comprendre en finesse comment des phénomènes culturels se constituent, s’agrègent, la presse a vraiment un rôle énorme.
Et je me suis servie de beaucoup d’articles, beaucoup de vidéos aussi surtout américaines et anglaises. Il y a forcément une plus grande place donnée à des sources américaines où le travail est plus avancé. J’ai écouté des podcasts et l’avantage du drag aussi, c’est qu’à défaut d’être extrêmement étudié ou vulgarisé aujourd’hui, on a beaucoup de documentaires. Donc, j’ai quand même travaillé avec un plutôt gros corpus de films, de docs. Je pense à un documentaire sur Bette Davis, qui n’est pas incroyable en termes de réalisation, mais qui est intéressant dans son intention de journalisme culturel et qui permet d’expliquer pourquoi Bette Davis est aussi importante pour des queens et nombre d’artistes gays. Je pense aussi à la série sur l’histoire des transidentités sur France Culture. Heureusement qu’elle existe, et qu’elle permet d’accéder à tout ça de manière plus souple que la lecture.

« Ce qui fait que le drag est spécial, c’est le lien qu’on arrive à créer avec le public »

Est-ce que tu dirais qu’il y a autant de drag, finalement, que de drag queens ?

Je pense que ce serait un peu flatteur de dire simplement oui. Ça renvoie un peu à la question de : “sommes-nous vraiment uniques” ? Il y a quand même l’idée qu’il faut toujours se surpasser et surpasser les autres. Être unique. Dans la réalité, si on pose un regard un peu exigeant sur ce qui est fait, parfois, tout n’est pas incroyable et unique non plus. On peut dire que c’est un horizon intéressant vers lequel tendre. Tout ce qui gravite autour du queer a une manière de critiquer, de réintégrer la critique et de recirculer, et ça c’est un potentiel d’innovation effectivement très fort. Néanmoins, je vois des choses qui m’intéressent moins que d’autres. Est-ce que le drag, à certains égards, a besoin d’être toujours hyper personnalisé ? Ou plutôt, est-ce que toutes les queens ont besoin d’être des stars pour qu’on les apprécie ? Je ne pense pas. Je pense qu’on peut aussi effectivement se satisfaire d’apprécier des choses plus proches de nous parfois et qui sont généreuses dans ce qu’elles donnent. Le drag est fascinant dans sa capacité esthétique, mais il ne faut pas oublier que cette partie de relationnel est très importante. C’est ce qui fait selon moi que le drag est passé comme ça de génération en génération. Et c’est ce que défend Cheddar Gorgeous, dans une de mes conversations préférées du livre. Elle dit que pour elle, le drag n’est pas un art visuel, c’est un art de la relation. Ce qui fait que le drag est spécial, c’est le lien qu’on arrive à créer avec le public. Cette réflexion m’a aussi été soufflée par Babouchka Babouche, la queen qui m’a accompagnée sur l’édition du livre.

Il y a les drag queens, les drag kings. À une certaine période, on parlait des travestis. On a pu parler aussi des female impersonators. Quelles sont les différences, mais aussi peut-être les liens, entre toutes ces formes de drag ?

Tous ces termes peuvent être rassemblés sous le grand parapluie “drag”, mais c’est intéressant de regarder aussi ce que ces termes voulaient dire, à l’époque où ils étaient plus populaires. Aujourd’hui l’emploi de tel ou tel mot est un indice de positionnement. Selon moi c’est un marqueur culturel, d’écoles en termes de drag. Travesti était plus utilisé comme synonyme de drag queen – avec le côté quand même péjoratif – jusqu’aux années 60-70. C’est encore utilisé chez Madame Arthur pour se distinguer justement, de la culture drag moderne, attachée à « Drag Race » et à des standards plus américains. Tout comme le terme de “créature”, qui est plus utilisé dans l’univers du cabaret aujourd’hui parce que ça assoit un esprit différent et peut-être un peu moins canonisé que drag. Drag, dans cette version moderne, est très ancrée dans le divertissement et dans une culture télé et Internet. La différence entre female/male impersonator et drag, n’est plus nette. Ce que je retiens des premiers artistes au XIXe, c’est qu’il y a un intérêt à créer l’illusion parfaite de féminité ou de masculinité. Aujourd’hui, le but n’est pas de “passer” littéralement, sauf pour certaines personnes trans qui sont en recherche d’identité aussi à travers leur drag. Enfin pour le drag et le transformisme, la distinction c’est que l’artiste drag ne va pas être uniquement spécialisé dans la reproduction et l’incarnation d’une personnalité déjà existante. La culture de la star reste quand même très présente, elle nourrit des personnages drag. 

Tu l’as déjà évoqué, l’idée que « Drag Race », la franchise a donné cette image un peu standardisée du drag. Comment vois-tu la franchise française par rapport à ça ?

On ne m’a pas posé exactement cette question-là, mais on tourne un peu autour de ce sujet-là parfois dans des rencontres et je serais curieuse d’avoir une discussion avec Raphaël Cioffi (rires). Les castings de « Drag Race France » sont quand même assez malins. En France, ce qu’on n’a pas encore trop vu et qui serait intéressant de valoriser, ces sont les scènes club kid ou drag clown ou drag queer, qui sont intéressantes, qui mériterait leur place. Mon sentiment, c’est qu’il y a quand même une forme d’attention à installer l’émission dans le paysage et à avoir, j’imagine, intégré certaines critiques qui ont été formulées à la version américaine, par exemple en termes de diversité et de profils. Là on a eu des femmes trans qui font partie du cast dès le début. En France, il y a une très forte demande d’avoir des drag kings. Et la franchise française a été la première à mettre des kings dans l’émission, même si ce sont des petites apparitions. Il faut le saluer.

Je suppose qu’il y a une attention aussi autour de la question de l’accessibilité financière de la compétition. Le Parisien a fait un article sur qui a dépensé combien cette saison. Mami Watta a dit qu’elle avait moins de 300 euros sur son compte quand elle a commencé la saison. Ça veut dire beaucoup de débrouille. Là où Cookie Cunty – qui est installée depuis 10 ans et qui côtoie de grands artistes comme Jean-Baptiste Sentens – a dépensé quelque chose comme 20 000 euros. Tout le monde ne peut pas se permettre ça.

En tout cas, moi, j’ai pris énormément de plaisir à la regarder cette version française. C’est fou comme c’est émouvant de voir des thématiques abordées dans sa langue, avec ses références. Nous sommes dans une période assez paradoxale où c’est une des meilleures choses qui nous soit arrivée en termes de divertissement d’une manière générale et c’est aussi un divertissement avec des messages à un moment où la France se raidit par ailleurs de manière très, très inquiétante.

Drag Race a mis aussi la lumière sur une autre scène très importante, la scène ballroom et le voguing…

C’est particulièrement important dans un pays où mener des conversations autour du racisme est si compliqué. Sur le plateau de « Quotidien », Keiona a dit qu’elle était la première gagnante noire hors franchise américaine, c’est quand même quelque chose d’assez signifiant. Elle est aussi la première gagnante à venir vraiment de la ballroom, et ça, ça m’a beaucoup plus surprise. Le fait que Kiddy Smile soit juré de Drag Race, c’est vraiment important parce que cette scène ballroom en France, elle est de très grande qualité. Ça pose aussi littéralement la culture ballroom comme un élément fondateur de la culture drag actuelle. Il y a d’autres talents qui vont sortir de la ballroom et je pense qu’il y aura une attention à les amener dans d’autres saisons de « Drag Race France ».

« Les personnes qui se trouvent au croisement de différentes cultures, de différentes histoires sont particulièrement précieuses et, encore une fois, le drag permet d’exprimer ces choses… »

En quoi les drag queens en particulier sont partie prenante de nos combats LGBT ?

Faire des recherches sur le lien entre drag et militantisme m’a permis de réaliser à quel point le drag est une manière très intéressante de raconter les luttes autour des droits LGBT. Il y a d’abord effectivement cette hypervisibilité qui assoie quelque chose de particulier dans un groupe quel qu’il soit. Pour moi, le drag est la sublimation de traumas, de violence, mais aussi une vraie prise de confiance en soi et une vraie célébration. À partir du moment où on développe ce sens de la fierté, on est quand même plus à même de se battre pour une reconnaissance, pour des droits. Ces choses (d’être trop “féminin” ou trop “masculin”) qu’on peut reprocher aux personnes queer quand elles grandissent, contribue au fait que les artistes reçoivent énormément d’amour car iels incarnent ce qui a toujours été déprécié chez les gens. Et c’est aussi quelque chose qui, j’imagine, est extrêmement empouvoirant, qui donne de la force pour partager de la dignité et de la fierté à tout le monde.

Il y a des drags qui développent des vraies qualités de leaders politiques. José Sarria, qui était donc drag queen, est la première personne à s’être présentée à des élections à San Francisco. On peut citer aussi Sister Boom Boom, et un des personnages que j’aime le plus, Joan Jet Black, qui s’est inscrite dans la course à la présidentielle sur fond de l’épidémie du sida en 92. C’était pour faire entendre des voix qu’on n’entendait absolument pas avec sérieux sur le fond et, en même temps, avec une forme qui, de toute façon, défiait toutes les conventions et attirait l’attention. Et ça, c’est une dimension que je trouve extrêmement forte parce qu’aujourd’hui, dans le lien qu’on n’a pas avec les politiques, les drag queens, les drag kings ont quelque chose dans ce qu’on leur donne et dans la manière de le recycler.
Je trouve vraiment très intéressant, les personnes qui se sont présentées à des élections comme Marti Gould Cummings que j’ai rencontré à New York. C’est quelqu’un qui va être important pour la vie politique américaine et qui, déjà, de toute façon, s’est placé dans le paysage new-yorkais comme une force démocrate vraiment très importante. Ça vient d’une culture d’écoute, de revendication, d’affirmation de soi, d’affirmation de soi avec les autres. Et ça, ce sont de grandes qualités, en fait, pour faire de bons politiques. Il y a des intersections avec des identités aussi, dans des contextes où, en Occident, on est dans des sociétés avec des gros problèmes de racisme, d’islamophobie. Les personnes qui se trouvent au croisement de différentes cultures, de différentes histoires sont particulièrement précieuses et, encore une fois, le drag permet d’exprimer ces choses… Les personnes les plus visibles et qui arrivent à porter des discours sur le racisme anti-asiatique ou le racisme anti-rom sont aussi des artistes drag. Ça permet encore de complexifier les conversations. Dans un sens très constructif.

Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont-elles des drag queens ?

Ce sont des cousines. Ce n’est pas directement du drag, même si j’imagine qu’il y a des Sœurs qui, de temps en temps, peuvent performer de manière traditionnelle ou être queen à côté, comme Sœur Extasia. C’est une forme qui est importante dans la manière d’utiliser le drag, le travestissement autour des normes de genre et des conventions, les conventions religieuses en plus, pour véhiculer quelque chose qui fait du bien. Donc, oui, c’est proche. La distinction est importante à maintenir parce qu’il ne faut pas attendre d’une Sœur la même chose qu’une drag queen sur scène, par exemple.

Les drag queens, tu en parles dans le livre, ont été très investies dans la lutte contre le sida…

Dans ces pages autour du sida, j’ai voulu effectivement montrer à quel point les artistes drag ont été touchés par l’épidémie de manière très dure. Mais dans cette idée d’hypervisibilité, il y a quand même un certain nombre de drag queens qui sont des représentations de personnes vivant avec le virus, mais qui sont en bonne santé, qui vont très bien, qui luttent contre la sérophobie en étant out de ce côté-là. Et étant donné tout ce qu’il reste encore à faire, heureusement qu’il y a des personnes pour tenir ce discours.

« Il y a des kings qui choisissent de se moquer de la masculinité et ce rôle de bouffon, ça fait beaucoup de bien »

 

Comment tu expliques… peut-être que tu vas me contredire, que les drag kings, justement, aient peut-être moins de succès que les drag queens ?

Il y a plusieurs éléments. Ce n’est pas un problème de talent. Il y a des kings de talent et la scène king est très vivante. Il y a de très belles choses qui se font, qui se développent. Un premier élément, c’est quand même que la culture king, en fait, est un peu moins ancrée, historiquement, dans la culture lesbienne. Ou en tout cas, il y a eu du conflit. Les débuts de la scène drag king à Paris, à la fin des années 90, début 2000,  ça a été très mal vu, elles se sont fait jeter des bars. Les kings n’ont pas été soutenus de la même manière que les queens, qui ont toujours été soutenues. Le deuxième élément, c’est qu’effectivement, il y a une moindre connaissance du grand public. On trouve des traces de male impersonators durant les émeutes de Stonewall. Mais on a quand même moins de kings dans les années 50, 60, 70. Il y a une moindre capacité à se libérer des carcans patriarcaux. Et historiquement, ça a vraiment joué dans la capacité des artistes kings à exister, à s’émanciper. On le voit déjà dans les années 30. Gladys Bentley, qui est un male impersonator incroyable, une butch noire, elle a terminé sa vie mariée avec un homme en disant qu’elle avait fait quasiment une thérapie et qu’elle était “guérie”. C’est un parcours qui illustre beaucoup de choses notamment ce que cela pouvait représenter de sortir du rang à l’époque quand on est assignée femme. La performance de la masculinité est aussi moins célébrée et appréciée. Dans le cadre sociétal global, on célèbre la féminité et certaines formes de féminité, une féminité qui reste dans des canons de beauté assez classiques. Et le drag n’échappe pas à cette reproduction. Les hommes ont enlevé toute notion d’apparat de beauté au vestiaire masculin au 19ème. Et voilà, ça ne paraît pas très sexy comme ça. C’est moins spectaculaire aussi. En théorie. Mais dans la pratique, il y a des choses qui sont plus subtiles mais qui sont incroyables. Ce qui fait vraiment le sel du king, c’est son art de la gestuelle. Il y a des kings qui choisissent de se moquer de la masculinité et ce rôle de bouffon, ça fait beaucoup de bien. C’est super. On en revient à cette question d’opportunité pour des artistes qui sont quand même majoritairement lesbiennes ou transmasc, et qui dans les médias mainstream, ont moins de représentation, donc moins d’opportunité, avec plus de préjugés.

Comment analyses-tu le mouvement hyper réactionnaire contre les drag queens qui racontent des histoires aux enfants ?

En France, on n’a pas le même niveau de violence qu’aux Etats-Unis et j’espère, sincèrement, qu’on ne va pas importer tout l’attirail américain. Ça vient vraiment d’une crispation sur les questions trans. Drag et transidentité sont mêlées. En France, ce qui se passe autour des lectures de contes n’est ni plus ni moins que des résurgences ou des avatars de la Manif pour tous. Parce que ce qui crispe, c’est la famille et c’est « protégeons nos enfants, » qui sont des arguments homophobes pas nouveaux. Ce qu’on ne supporte pas, c’est la visibilité de familles homoparentales et du divertissement pour des familles queer.
Ça touche à quelque chose qui n’est toujours pas digéré. On a parlé des 10 ans du mariage pour tous cette année. Certes, la loi est passée, mais à quel prix ? Il y a un certain nombre de questions autour des cultures LGBT qui sont laissées de côté dans une volonté de ne pas faire de vagues

Dernière question assez large : comment vois-tu l’évolution du drag ?

En France, il y a déjà des propos très différents, des clivages, des lignes de démarcation, qui vont s’accentuer, ce que je souhaite… Je pense qu’on a quand même plutôt à y gagner. Ça va amener forcément des conversations et des clashs sur des questions de positionnement politique, sur ce qu’on accepte aussi en termes de partenariat avec des marques, par exemple. Ces critiques sont déjà présentes et elles vont certainement s’accentuer. En réaction à cette visibilité plus mainstream, on pourrait avoir justement un autre spectre très radical qui existe déjà mais qui s’accentue. Sur les normes de beauté, sur le padding et sur la féminité un peu princesse, il y a déjà des choses qui sont un peu passées de mode. Il va y avoir des évolutions en termes de beauté, de costume, de make-up. La scène king se développe et on lui souhaite de rencontrer un public toujours plus large. Avec une approche très, très futuriste, les choses qui se développent avec la réalité augmentée, avec tout ce qui est technique de modification corporelle, peut peut-être donner des choses intéressantes dans les années à venir. Il y a aussi des femmes qui font du drag et qui ont beaucoup de choses à dire, ce qui peut permettre de complexifier un peu nos discussions autour de l’art queen, justement. Les beauty queens ont pris beaucoup de place ces dernières années. La beauté, c’est bien, mais qu’est-ce que ça veut dire quand on est une femme qui a pris ses distances avec des normes de genre ou qui a dû se battre pour accéder à sa féminité… Qu’est-ce qu’on met dans le drag à ce moment-là ? Parfois, il y a un peu le : « Ah, ça y est, je suis belle et c’est politique et ça suffit » … C’est un petit peu plus compliqué que ça, quand même ! En France, il y a des publics exigeants.Je pense qu’on va quand même vers de belles performances, de belles discussions. Tout ne peut pas devenir hyper commercial et inintéressant. Il faut rêver et on a plein d’ingrédients pour !

« Drag, un art queer qui agite le monde », d’Apolline Bazin, éditions EPA, 224 p., 45 €.

Couverture de « Drag, un art queer qui agite le monde », d'Apolline Bazin (éditions epa)

Couverture de « Drag, un art queer qui agite le monde », d’Apolline Bazin (éditions epa)