Panayotis Pascot se confie sur son homosexualité dans un livre courageux
Dans son livre autobiographique, l'humoriste se confie sur sa relation compliquée avec son homosexualité et sa santé mentale.
On a l’habitude des autobiographies de célébrités. On y va pour quelques anecdotes croustillantes, pour relire ce que l’on sait déjà, et c’est en général tout ce qu’il y a à en tirer. Ce sont des ouvrages souvent remplis de vanité, floqués de racoleuses inscriptions « Il dit tout ! », et qui délaissent tout style d’écriture au profit d’un étalage classique des moments forts d’une vie. Que pouvait donc raconter Panayotis Pascot du haut de ses 25 ans dans La prochaine fois que tu mordras la poussière, livre à la première personne qu’il décrit comme « auto-fictionnel », qui vient de paraître ?
Abordant en grande partie sa relation avec son père, sa dépression ainsi que l’acceptation de son homosexualité, Panayotis Pascot se livre comme peu d’artistes le font. Sans filtres et dans une introspection totale de ses comportements, le comédien n’écrit pas une énième et banale autobiographie de star, mais bel et bien un très beau récit moderne, un réel objet littéraire sur ce qu’est être un jeune homme au 21ème siècle.
On l’avait quitté lors de son dernier spectacle, Presque, qu’il terminait en révélant subtilement son homosexualité au grand public : « Je lui (son père, ndlr) ai dit « J’ai peut-être essayé d’écrire ce spectacle pour vous dire à toi et à maman un truc que je saurais difficilement vous dire, que je sais peut-être pas encore me dire à moi-même ». Et il m’a dit « Je crois qu’on est au courant petit pédé ». Et là j’ai dit « Je crois que j’ai pas envie que tu le dises » ». Un spectacle déjà fort en confessions, mais dont Panayotis Pascot pousse aujourd’hui tous les curseurs.
Tuer le père
C’est une métaphore qui revient souvent dans le livre : Panayotis essaie par tous les moyens de tuer son père avant que celui-ci ne le quitte définitivement à cause d’une maladie grave. Pages après pages, l’humoriste décrit une relation à la fois forte et détachée, accompagnée de tout le cortège de clichés virilistes qu’on nous inculque à l’adolescence : l’homme ne ressent pas, n’exprime rien, séduit, les femmes en priorité, et réussit toujours.
L’auteur nous invite ainsi dans cette relation si commune avant d’en dévoiler peu à peu les contours et les failles. Apparaissent alors deux êtres bloqués par les règles dont ils sont les vecteurs et les victimes, jusqu’à que l’un d’eux décide de briser la chaîne et de faire un pas. De manière très fluide, le livre se déploie, éclot, s’ouvre à nous à mesure que Panayotis s’offre corps et âme au lecteur. Cette relation père-fils est la ligne directrice qui rythmera tout le livre et le quotidien de Panayotis Pascot même après avoir quitté la maison familiale.
Au royaume de la pénétration
S’il fallait résumer La prochaine fois que tu mordras la poussière en une phrase, on pourrait dire que Panayotis Pascot y fait état de son imperméabilité à la pénétration. Émotionnellement d’abord, puisqu’il aborde à plusieurs reprises son incapacité à dire Je t’aime, ou du moins à penser ces mots qu’il a vidé de leur sens, et à laisser s’exprimer les émotions qui l’animent. Il faut dire que Panayotis est rentré dans le monde adulte assez prématurément. À 17 ans il est chroniqueur dans Le Petit Journal, émission phare de Canal+, où il fait rire les foyers avec des petites séquences humoristiques. Derrière l’émergence évidente de ce nouveau talent du petit écran, se cache un adolescent à peine majeur, qui a quitté ses parents pour s’installer seul dans la capitale. Dès lors, les épisodes dépressifs le frappent. Paranoïa, pensées suicidaires, désillusions et passages chez le psy : les thèmes ont beau être lourds, Panayotis les aborde avec une simplicité et une transparence troublantes. Ce qui apparaît le plus flagrant, c’est la limpidité avec laquelle ces informations s’enchaînent, comme si écrire avait été une étape vitale à son bien être et qu’il se devait de le faire de manière ininterrompue, urgente. À défaut de laisser sortir les larmes, l’humoriste lâche prise et c’est une cascade de mots, d’idées, de remises en questions aussi spécifiques qu’universelles qui se déverse.
Mais dans ce livre, la pénétration est aussi physique. Panayotis y raconte ses premières expériences avec des hommes, ainsi que celles qu’il s’est forcé à avoir avec des femmes dans de vaines tentatives de s’auto-convaincre de son hétérosexualité. Avec une extrême conscience de ses réactions et gestes, il se montre souvent impitoyable avec lui-même, auscultant ses mécanismes de défense et passant sa vie sexuelle au peigne fin. Ce qui rend unique ce témoignage de la découverte de son homosexualité, c’est son caractère tardif. L’humoriste a beau venir d’une famille relativement ouverte, d’un milieu généralement gay-friendly, lui, lutte encore. Son image hétéronormée de l’homme qui doit aller avec la femme est si ancrée que, alors que beaucoup se rendent compte de cette attirance très jeune, lui résiste. « Je pensais même être aromantique » explique t-il au micro de Léa Salamé. Ce cheminement vers la pénétration, d’abord d’un homme par lui puis possiblement de lui par un homme, est l’un des fils rouges du livre. Sans lourdeurs ni leçons de morales, défile alors une totale déconstruction d’un imaginaire hétéro-patriarcal tenace et féroce.
D’une plume habile et avec une sincérité vertigineuse, Panayotis Pascot ajoute une nouvelle pierre à un édifice déjà solide : celui d’un jeune artiste en pleine évolution qui fait des questionnements qui le traversent un formidable matériau littéraire et réflexif.
La dernière fois que tu mordras la poussière, livre par Panayotis Pascot, aux éditions Stock, 240p., 19,50 €
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