Quel bilan pour la deuxième saison de Drag Race France ?
Alors que la seconde saison de Drag Race France touche à sa fin, peut-on dire qu'elle a réussi à faire mieux que la 1ère ? Casting, juges, nouveautés et challenges : on fait le point !
Compliqué de passer après la toute première saison de Drag Race France. En quelques épisodes, elle a été à l’origine d’une petite révolution de la télévision française, donnant un gros coup de pied queer et provocateur dans un milieu vieux comme le monde. À la fois coup de projecteur sur le drag mais aussi sur la communauté LGBTI+, refonte des codes de la télé-réalité et pur divertissement : l’adaptation française du show de RuPaul nous a montré qu’il était encore possible de faire de la télé autrement dans l’Hexagone.
La saison 1 avait ainsi répondu haut la main aux attentes du public et balayé les nombreuses appréhensions des fans. Alors, pari tenu pour sa successeuse ? On fait le point en abordant les différents aspects du show !
Le casting
Dans chaque saison de Drag Race, le casting est sûrement le facteur le plus important. La saison 1 avait placé la barre haut, avec un panel de queens diversifié et riche. Pour ce retour, l’émission a mis les petits plats dans les grands, notamment en faisant appel à des légendes du drag français que l’on attendait déjà lors de la première saison : Keiona, Cookie Kunty et le duo Rose & Punani, soit des figures incontournables du drag en France. Des vétéranes face à des noms plus verts et moins connus du grand public, qui ont largement su s’imposer (Mami Watta, Piche, Sara Forever…). Les casteurs ont même franchi les frontières du pays pour dénicher la suisse Moon, véritable sensation et découverte de la saison.
En résulte un casting terriblement efficace, qui tranche avec la tendance très comédie de la première saison (on pense à Paloma, La Grande Dame, Elips ou encore Lova la Diva) au profit de performeuses féroces, de Keiona à Piche, en passant par Cookie ou Kitty Space. Ce changement s’est ressenti dans les challenges, mais aussi dans l’attitude des candidates, qui ont troqué la bienveillance absolue des queens de la saison 1 pour laisser place à une saveur plus piquante. Sans atteindre les fulgurantes disputes qui peuvent avoir lieu dans la version américaine, les queens de la saison 2 ont ainsi montré un autre visage du drag, plus compétitif.
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Les juges
C’est peut-être LA grande force d’un show comme Drag Race. Son acuité à attirer un nouveau public se reflète dans l’originalité des personnalités qui viennent y participer. Fini les Kev Adams, Philippe Lacheau, Inès Reg et autres Artus qui envahissent toutes les autres émissions de divertissements en fonction des promotions qu’ils ont à y faire. Ici, les stars qui viennent le font par envie ou passion. Si la saison 1 présentait des visages assez connus et médiatisés, comme Iris Mittenaere, Shy’m et Yseult, la seconde a encore un peu plus poussé les curseurs.
L’attente de savoir quelles célébrités allaient s’asseoir aux côtés de Nicky, Daphnée et Kiddy équivalait presque celle de connaître le nom de l’éliminée de la semaine. Et pour cause, la liste des invités cette année a été plus que rafraichissante : de ce premier épisode avec le duo Chris & Nicolas Sirkis, en passant par les géniales Amanda Lear et Rossy de Palma, les experts Victor Weisanto et Christian Louboutin, ou encore les inattendues Zahia Dehar et Virginie Despentes, la saison a fait le plein de moments d’exceptions. Mention spéciale à Juliette Armanet, qui nous a offert l’un des plus beaux moments par ses larmes sincères et ses mots touchants lors de l’épisode du Musidrag et du lipsync sur sa chanson.
En alliant ainsi personnalités iconiques de la communauté LGBTI+ (Barbara Butch…), visages de la mode et célébrités touchant un public plus large (Léna Situations…), Drag Race France 2 a touché dans le mille avec la variété et la pertinence de ses choix de juges.
Les « moments émotions »
La franchise française s’était notamment démarquée pour ce point dès la saison 1 : les touchantes discussions abordées par les queens dans l’atelier, au détour de quelques coups de pinceaux, dans une atmosphère où la bienveillance est reine. Après la transidentité de La Briochée, la séropositivité de Lolita ou encore l’agression de La Grande Dame, la saison 2 de Drag Race France a mis les bouchées doubles. Coming-out trans de Mami Watta, échange sur les thérapies de conversion que certaines ont vécues, épisode dysphorique de Moon, pensées suicidaires, l’outing de Piche à 13 ans, les violences et rejets qu’elles ont toutes subies, préjugés sur le drag, et souvenirs de l’époque Mariage pour tous·tes…. autant de sujets primordiaux à aborder, en particulier lorsque cela relève de l’initiative de personnes queers elles-même. Malheureusement l’énoncé de ces récits a aussi fini par devenir de plus en plus programmatique.
Car si on a beau être ému par ces témoignages, leur ponctualité et leur récurrence commencent doucement à laisser apparaître l’empreinte de la production, demandant à chaque queen de raconter ses plus gros traumatismes face à une caméra. Des moments rares et touchants pour le spectateur bien sûr, mais aussi douloureux pour elles. Preuve en est l’abandon de Moon, que les multiples confessions filmées ont fini par atteindre au point de la faire partir. « J’ai beaucoup trop parlé d’Ava (son nom civil, ndlr) et pas assez de Moon. J’ai fini par me rendre compte que je ne m’amusais plus dans la compétition », confiait-elle lors d’une interview après son départ. Pour la prochaine saison, plus de queer joy et moins de larmes !
Les challenges
Nouvelle grande réussite de cette saison : les challenges proposés. Dès le premier épisode, avec la création d’un hymne officiel réunissant toutes les queens, la saison s’est démarquée. Si l’on oublie le raté du challenge comédie sur la parodie d’une émission télé, la saison n’est pas loin de faire un sans faute. Un premier Musidrag légendaire, qui a su parfaitement s’adapter à la culture et au public des comédies musicales françaises ; un Snatch Game amusant bien qu’en dessous de celui de la saison 1 ; un make over extrêmement réussi avec des rugbymans ; un talent show inoubliable grâce aux numéros de plusieurs queens (Sara, Piche, Keiona, Ginger et Moon en tête) ; le retournement de situation avec les queens éliminées de retour ; et enfin un mini-challenge d’exception où Lova la Diva est revenue sous les traits de Laurence Boccolini pour faire renaître Le Maillon Faible. Des choix diversifiés qui ont montré les mille facettes du drag et ont su dépasser nos attentes.
Au final, la saison 2 s’impose comme étant une réussite implacable, et pas qu’en France ! Partout dans le monde, les fans de Drag Race sont d’accord : saison la mieux notée de l’histoire, franchise non-anglophone la plus regardée…. Endemol et France Télévisions ont eu raison de faire confiance à ce show qui, s’il continue sur sa lancée, n’ira qu’en s’améliorant.
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