« Les Voyages de Nicky » sur France 5 : Tour du monde en 80 genres
Avec « Les Voyages de Nicky », série de quatre documentaires à la rencontre de la planète queer et drag en Grèce, en Inde, au Japon et au Mexique, France 5 offre à Nicky Doll l'occasion de nous faire découvrir les multiples facettes du genre et de la vie LGBTI+ sous d'autres latitudes. Une réussite !
France 5, c’est une offre un peu en décalage dans l’éventail des chaînes de service public. Et c’est tant mieux quand cela permet de découvrir des programmes pas comme les autres, en particulier dans le chemin hyper balisé des documentaires de voyage.
Le 29 août et le 5 septembre, vous allez parcourir la planète côté LGBTI+ avec pas n’importe quelle hôtesse, puisque c’est Karl Sanchez aka Nicky Doll, la présentatrice de « Drag Race France », qui vous fait partager ses rencontres et ses coups de cœur dans plusieurs pays. Pour cette première saison, réalisée par Maxime Donzel, nous partons en Inde, en Grèce, au Japon et au Mexique, quatre pays connus pour avoir des approches très différentes du genre, des sexualités, liées bien souvent à leur culture, les religions, leur histoire spécifique.
Le monde sous toutes ses coutures
L’une des originalités fortes des Voyages de Nicky, et qui tranche avec la plupart des docs de voyage, ce sont les moments partagés avec des personnes LGBTI+ du pays qui constituent l’essentiel des 52 minutes de chaque épisode programme. Karl Sanchez prend le temps d’écouter ce que les personnes qu’il rencontre ont à lui dire, même si parfois, les propos sont durs ou empreints d’émotion. Lorsqu’il dialogue avec l’artiste queer Kangela à Athènes, ce dernier lui explique qu’il s’est engagé encore plus suite au meurtre de l’activiste et drag queen Zak Kostopoulos. Toujours dans l’épisode sur la Grèce, sa visite à Lesbos est aussi un grand moment, sur les pas des communautés de femmes lesbiennes attirées par cette île où naquit la poétesse amoureuse des femmes Sappho.
Il y a aussi de l’étonnement parfois, beaucoup de décalage, une remise en cause de nos schémas sur le genre souvent. En Inde, pays qui reconnaît depuis l’antiquité un troisième sexe, avec les hijras, voir des hommes venir essayer des tenues féminines ne surprend pas grand monde dans la boutique !
Mais le divertissement n’est jamais loin dans Les Voyages de Nicky et on peut faire confiance à Nicky Doll pour « délivrer ». Chaque destination est un prétexte à une performance de la drag queen en compagnie d’une gloire locale. Lorsqu’en Inde, sur un bateau en croisière dans les Backwaters du Kerala, elle lipsynche avec Maya The Queen, drag queen indienne, Le Duo des fleurs, un célèbre duetto lyrique de l’opéra Lakmé, du compositeur français Léo Delibes, le camp est à son comble !
Nicky Doll se dévoile
Le 8 juin dernier, l’équipe de production et France 5 avait convié les journalistes pour rencontrer Karl Sanchez/Nicky Doll lors un point presse.
Karl Sanchez a notamment confié qu’il souhaitait renouer avec son passé cosmopolite puisqu’il est né à Marseille, puis a vécu dans les Caraïbes pendant sept ans, ensuite il est allé vivre au Maroc, est rentré à Paris et a depuis déménagé aux Etats-Unis ! Pour lui, ce projet a pris une véritable dimension artistique : « A travers ce projet je peux célébrer la culture d’autrui, parce que vous me voyez partager la scène avec une queen locale qui m’invite dans sa culture, et du coup je découvre mon art aussi sous d’autres angles. Ce n’est pas juste un programme sur des personnalités queer, ce n’est pas juste sur le genre ou sur la performance, mais c’est aussi sur le drag et ce que ça représente chez les autres. »
Après l’Inde et la Grèce le 29 août, Nicky Doll nous emmènera le 5 septembre au Japon et au Mexique. Le Japon, c’est un peu un rêve d’enfant qui se réalise pour Karl Sanchez : J’ai grandi en n’ayant pas beaucoup d’amis au collège. Je me cachais derrière les mangas et la pop culture japonaise. Ça me paraissait évident et très thérapeutique de pouvoir ramener Nicky sur sa terre. »
A notre question sur le choix des pays, et notamment les limites posées par les LGBTphobies légales encore très présentes sur la planète, Karl Sanchez répond très honnêtement. « J’avais besoin pour la première saison de pouvoir apporter un aspect le plus positif possible. Je savais que j’allais creuser dans chaque pays, parce que vous verrez, il y a beaucoup de choses à creuser en Inde, ou même en Grèce. Ça m’a même surpris. On voit les limites des lois et de la tolérance. Au Japon, on ne peut toujours pas se marier ! Pour la première saison, je voulais quelque chose qui puisse rassembler le public pour qu’ensuite il puisse nous suivre dans des destinations un peu plus risquées. J’ai vécu au Maroc pendant sept ans. J’adorerais retourner en Afrique du Nord pour justement parler à cette communauté que je connais et qui souffre énormément de devoir rester cachée. Parce que moi-même j’en ai souffert pour rester en sécurité. Parce que je pouvais être pénalisé pour juste être qui j’étais. »
Durant ce point presse, on a aussi appris que dans l’équipe de production, Les Voyages de Nicky avait comme « nom de code » « Le Tour du monde en 80 genres ». Une chose est sûre, avec « Drag Race France » et désormais Les Voyages de Nicky, le service public a bien pris une longueur d’avance sur la visibilité et l’inclusion des personnes LGBTI+… devant et derrière la caméra !
« Les Voyages de Nicky », le 29 août (épisodes Inde et Grèce) et le 5 septembre (épisodes Mexique et Japon), sur France 5, à 21 heures.
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