"Habituez-vous à nous!" : en Corée du Sud, les drag queens se battent pour les droits LGBT+
La drag queen Hurricane Kimchi fait partie d'une communauté LGBT+ en plein essor qui lutte pour ses droits dans une Corée du Sud conservatrice.
Comme un ouragan, la drag queen du même nom Hurricane Kimchi secoue la scène nocturne de Séoul depuis une décennie : elle fait partie d’une communauté LGBT+ en plein essor qui lutte pour ses droits dans une Corée du Sud conservatrice.
Car au pays de la K-pop, le mariage des couples de même sexe est interdit, la pression sociale empêche beaucoup de faire leur coming out et la marche annuelle des Fiertés suscite l’opposition virulente du lobby chrétien.
Mais le changement est en marche.
A la première Pride de Séoul, en 2000, il n’y avait qu’une cinquantaine de participants. Or plus de 150 000 personnes sont attendues samedi 1er juillet, selon les organisateurs.
« C’est vraiment bien de voir la Corée passer d’une communauté ou d’une scène inexistante à quelque chose de petit, mais significatif, étroit et bien connecté », se félicite Hurricane Kimchi, également connue sous le nom de Heezy Yang, activiste et artiste.
Si une forme de résistance paraît inévitable, la Corée du Sud doit « s’habituer à nous avoir partout et à nous voir partout », déclare l’activiste à l’AFP.
« Nous sommes partout, donc il devrait y avoir des événements LGBT+ partout et nous devrions être visibles partout », plaide la drag queen.
Pourtant, cette année, la marche des Fiertés, l’une des plus importantes d’Asie, s’est vu refuser la place centrale de Séoul pour y tenir son principal événement samedi. C’est une organisation chrétienne qui l’a obtenue.
Les autorités de Séoul ont officiellement invoqué un conflit de calendrier, mais le maire conservateur de la ville, Oh Se-hoon, avait confié en juin qu’il « ne pouvait personnellement pas approuver l’homosexualité ».
Et une manifestation similaire organisée en juin dans la ville de Daegu, dans le sud du pays, a donné lieu à des affrontements.
Près d’un quart de la population sud-coréenne est chrétienne et 40 % des élus sont protestants, selon les chiffres de l’Eglise. De nombreux évangélistes s’opposent aux droits des personnes LGBT et peu de politiciens sont prêts à défier le lobby religieux.
K-pop vs réalité
La scène K-pop sud-coréenne a propulsé sur la scène internationale toute une série de stars masculines soignées, maquillées et parées de bijoux, dont les sept membres du célèbre groupe BTS.
L’industrie télévisuelle a également mis en scène des personnages gays et lesbiennes dans des séries populaires et lancé l’année dernière une émission de téléréalité de rencontres LGBT+.
Mais cela ne reflète pas toujours la réalité, estime Hurricane Kimchi.
Certes « les personnes LGTBQ, y compris les travestis, sont plus présentes à la télévision, dans les clips musicaux de K-pop et dans certaines émissions télévisées, mais elles ne représentent qu’une infime partie de la production », explique l’activiste.
L’esthétique des drag queens s’avère « rentable, donc plus de gens s’y intéressent » et en parlent comme d’une « forme d’art, une sorte de performance », déclare à l’AFP Tiago Canario, professeur de culture visuelle à l’Université de Corée.
Mais « cela ne signifie pas que les marginaux qui l’ont créée sont mis en valeur », ajoute l’expert.
Des drag queens se tournent vers les réseaux sociaux pour contacter les Sud-Coréens LGBT+.
« La présence en ligne est importante, surtout dans la société conservatrice coréenne », explique Serena, une drag queen du collectif Neon Milk, dont la chaîne YouTube compte 100.000 membres.
Car elle permet de montrer aux jeunes, notamment dans les zones rurales, que « des gens comme moi, des femmes transgenres qui sont drag queens, existent », ajoute Serena, 37 ans.
En Corée du Sud, les festivals queer ont souvent été la cible de groupes religieux, dont les membres jettent des bouteilles d’eau sur les participants, les agressent verbalement, ou se couchent en travers de leur route.
Yang Sun-woo, responsable du comité d’organisation du Seoul Queer Culture Festival, se dit choqué du refus de Séoul de réserver à la marche des Fiertés de samedi la place centrale de la capitale.
« Dans les démocraties, aucun festival queer n’a jamais été soumis à un tel niveau d’oppression », déclare Yang Sun-woo.
Les drag kings et queens « ont existé partout dans l’Histoire », renchérit Heezy Yang. Et « quand ces gens deviennent plus visibles, quand ils montent sur scène, ou vont à une manifestation, ils s’affirment : ils se battent ».
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