Sous la pression de l'extrême-droite étasunienne, plusieurs marques tournent le dos à la communauté LGBTQ+

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Face aux menaces violentes de l'extrême droite, plusieurs marques américaines comme Target et Starbucks arrêtent leur soutien à la communauté LGBTQ+ en plein Mois des fiertés. Vers la fin du pinkwashing ?

Magasin Starbucks - Sergio Mendoza Hochmann / Shutterstock
Magasin Starbucks - Sergio Mendoza Hochmann / Shutterstock

Aux États-Unis, alors que le mois des fiertés suit son cours, les choses prennent une tournure inquiétante. L’extrême droite, plus que jamais engagée dans la guerre culturelle contre la communauté LGBTQ+, menace la bonne tenue de nombreux évènements. Les conséquences de cette pression LGBTphobe dans l’espace public se multiplient : des festivals aux dispositifs considérablement réduits, des Pride annulées ou interrompues par des militants violents et armés, des fake news allègrement relayées sur les réseaux sociaux, etc.

Dans ce contexte où les homophobes et transphobes n’ont plus aucun problème à s’exprimer, et sont représentés politiquement et médiatiquement, le soutien à la communauté LGBTQ+ prend une toute nouvelle dimension. Si bien que des marques, qui ne lésinaient habituellement pas sur la récupération de nos luttes pendant le mois de juin, se montre cette année largement plus précautionneuses. En avril dernier déjà, la marque de bière Bud Light subissait un violent boycott à cause de son inoffensif partenariat avec l’influenceuse trans Dylan Mulvaney, star de TikTok.

Target, la première cible

Target, célèbre entreprise de distribution très puissante aux États-Unis, a plié le genou face aux multiples plaintes qu’elle recevait de la part de clients LGBTphobes sur sa collection de vêtements et autres goodies célébrant les couleurs LGBTQ+. Des influenceurs d’extrême-droite avaient pris l’habitude de se filmer arpentant les rayons de la chaîne de supermarchés, pour dénoncer une « propagande sataniste » et prêter aux magasins et à leurs clients des tendances pédophiles. Parfois, ces mêmes influenceurs vont jusqu’à agir violemment, en détruisant des cartons d’exposition arc-en-ciel ou en agressant des vendeurs.

Des évènements de plus en plus récurrents, qui ont trouvé un fort écho chez les électeurs conservateurs, terrifiés à l’idée que la vue d’un arc-en-ciel ne rende leur enfant gay ou, « pire », trans. Sans surprise, un appel massif au boycott a suivi, relayé par des figures médiatiques fortes de l’extrême droite.

Le journaliste Matt Walsh, du média conservateur The Daily Wire, explicite dans un tweet que le but du boycott est de rendre «  la Pride nocive pour les marques » : « S’ils veulent nous imposer ça, ils doivent savoir qu’il y aura un prix à payer ».

Candace Owens, éditorialiste pour le même journal, a quant à elle trouvé bon de déclarer qu’il ne fallait pas aller chez Target « à moins d’être gay ou pervers ».

Le boycott a pris une ampleur telle que Target aurait, selon le New York Post, perdu 19 % de valeur marchande depuis le 19 mai, soit une valeur de neuf milliards de dollars (environ 8,31 milliards d’euros).

Face à un raz-de-marée aussi violent, la société a simplement décidé de retirer tous ses produits estampillés « Pride » de la vente. Une décision qu’Ash+Chess, l’un des créateurs concernés par la mise en suspens de ses produits, a vivement critiqué sur Instagram : « Nous sommes très tristes d’annoncer que la majorité de notre collection a été enlevée des rayons de Target après les plaintes de terroristes locaux ».

 

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Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de la Californie, a quant à lui reproché à la chaine de « sacrifier la communauté LGBT+ aux extrémistes ».

Starbucks, le café avant la décence

Alors que Starbucks se targuait depuis des années d’être une entreprise ouverte d’esprit et progressiste, la chaîne de cafés semble avoir changer son fusil d’épaule. Mardi 13 juin, sur son compte Twitter, le syndicat des employé·es de Starbucks (Starbucks Workers United) a publié une suite de tweets révélant que l’entreprise aurait demandé à ses salarié·es de retirer toutes les décorations arc-en-ciel de ses établissement puis de les interdir purement et simplement : « S’inspirant de Target, qui s’est plié à la pression anti-LGBTQ+ et a supprimé la marchandise arc-en-ciel de ses rayons, la direction de l’entreprise retire les « décorations des fiertés » qui sont devenues une tradition annuelle dans les magasins ».

Des dizaines d’employé·es avait d’ores et déjà alerté·es de la situation sur les réseaux sociaux, témoignant des ordres qu’ils recevaient depuis la décision prise par Target.

Dans un post TikTok, une employée déclare qu’en six ans, c’est la toute première fois que les décorations en l’honneur de la communauté LGBTQ+ ne sont pas accrochées : « La direction nous dit que c’est trop dangereux de les accrocher parce qu’on n’a pas d’échelles, donc on ne doit pas le faire ».

Dans un communiqué, le syndicat révèle qu’une raison différente aurait été donnée aux employés du Massachusetts : il n’y aurait pas assez de temps de travail pour le faire. Partout à travers le pays, des salarié·es prennent la parole pour dénoncer cette nouvelle politique anti-LGBTQ+ face à laquelle Starbucks serait en train d’abdiquer.

Andrew Trull, porte-parole de Starbucks, a nié toute l’affaire dans les colonnes du New Reporter : « Il n’y a eu aucun changement de politique de notre côté et nous continuons d’encourager nos employés à se montrer fiers de leur communauté pendant ce mois des fiertés ».

La fin du pinkwashing, mais à quel prix ?

Si le pinkwashing – le fait par les entreprises de récupérer les luttes LGBTQ+ pour vendre des produits personnalisés – a toujours été critiqué par la communauté LGBTQ+ elle-même, qui y voit un geste creux, le concept avait tout de même un aspect vertueux : celui de rendre visible dans l’espace public nos symboles. Bien sûr, des méthodes consistant à changer la photo de profil de sa société pendant 30 jours aux couleurs arc-en-ciel ou à arborer un petit pins « Love is love » sur son uniforme ne vont sûrement pas mettre fin aux violences sociales, médicales, politiques et économiques dont sont victimes les personnes queers. Mais, malgré cette instrumentalisation capitaliste faussement déguisée en acte engagé, le pinkwashing avait ainsi le mérite de montrer que la tendance était encore de notre côté.

Ce que les décisions de Starbucks et Target nous montrent de manière évidente – et que l’on savait déjà – c’est qu’à partir du moment où leur soutien à la communauté queer ne leur est plus profitable, ces établissements n’ont aucun mal à nous tourner le dos.