Kiddy Smile, jury de « Drag Race France » : « J'ai adoré faire partie d'un programme fait par nous, pour nous, à propos de nous, et qui se termine sur une note de joie »

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Kiddy Smile est à nouveau membre du jury dans la saison 2 de « Drag Race France » aux côtés de Daphné Bürki et de Nicky Doll. Il a répondu aux questions de Komitid au lendemain de la conférence de presse de lancement du show programmé sur France Télévisions.

Le jury de « Drag Race France avec (de gauche à droite) : Daphné Burki, Nicky Doll et Kiddy Smile
Le jury de « Drag Race France avec (de gauche à droite) : Daphné Burki, Nicky Doll et Kiddy Smile - © Nathalie Guyon - FTV

La première saison avait fait un carton sur France 2. Effet de curiosité, excellent casting, jury détonnant, moments d’émotions, tout avait concouru pour le succès de cette émission spéciale drag queens. Le défi est donc de taille pour la deuxième saison de Drag Race France, lancée le 1er juin depuis le Paradis Latin à Paris.

Beaucoup de surprises et de nouveaux challenges attendent les 11 queens de la compétition. Drag Race France sera diffusée sur la plateforme FranceTV Slash, à raison d’un épisode par semaine mais aussi sur France 2. Le premier épisode sera sans doute programmé autour de la Marche des fiertés parisienne (le 24 juin prochain).

Kiddy Smile, déjà membre du jury l’an dernier, aux côtés de Daphné Bürki et de Nicky Doll en maîtresse de cérémonie rempile avec joie pour cette deuxième saison. Nous l’avons interviewé ce matin pour qu’il puisse nous en dire plus… mais sans rien spoiler !

 

Komitid : Bonjour Kiddy, la première chose que je voulais te demander, c’est comment va ton petit chien, Buffy ?

Kiddy Smile : Il va très bien. En super forme.

Ah tant mieux. Donc ça y est, c’est reparti pour une nouvelle saison. Dans quel état d’esprit es-tu ?

Je suis très content qu’on puisse faire une saison 2. Je suis très content qu’on m’ait rappelé pour faire partie de ce jury. Parce que franchement, j’ai adoré l’expérience ! J’ai adoré faire partie d’un programme fait par nous, pour nous, à propos de nous, et qui surtout se termine sur une note de joie. Assez souvent, quand il y a des histoires qui parlent de nos expériences LGBT, on évoque des choses tristes, ce qui n’est pas le cas de ce programme. Et c’est très plaisant d’avoir une représentation aussi positive.

L’an dernier, tu m’as confié que tu ne voulais pas jouer le rôle du méchant dans le jury. Et c’est vrai que tu étais plutôt très sympa avec les queens. Est-ce que ça change dans cette saison ?

Non, en fait, le truc, c’est que je pense qu’il y a vraiment tout à déconstruire sur le travail de la personne noire à la télévision et tout ce qu’elle incarne. Ce qui me dérange, c’est que, historiquement, les représentations des personnes qui sont non-blanches sont toujours des représentations de “vilains” (en anglais, ndlr). J’ai l’exemple d’un ami syrien qui était au Ballet national de Suède et à qui on proposait toujours des rôles de méchant en lui disant « Ouais, mais le rôle te va si bien. » Dans l’inconscient collectif, c’est toujours cette image-là : les méchants, en fait, ce sont des personnes racisées. Et j’ai pas envie d’incarner ça. J’ai une image assez positive, une image assez upliftante. J’ai l’habitude des compétitions de danse ou dans la ballroom scene et j’ai envie d’être un juge qui élève, qui encourage. Mais je ne vais pas avoir peur de dire si quelque chose est raté et si quelque chose ne convient pas. Je ne crois pas que ça fasse de moi quelqu’un de dur, mais je pense que dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui, qui est rempli d’hypocrisie et de faux semblants, dire juste les choses telles qu’elles sont, ça doit déjà être trop dur.

« La franchise française fait un incroyable boulot en termes de représentation »

Dans ton interview l’an dernier, tu parlais de la place des personnes racisées dans le programme. Est-ce que tu as vu une évolution dans le casting ?

Nous, les membres du jury, on n’est pas du tout impliqués dans le casting. Moi, je suis toujours content de voir des gens talentueux. J’étais content qu’il y ait des personnes asiatiques, des personnes noires. Ça, c’était vraiment incroyable pour moi. Le drag, c’est un monde assez petit. Il faut savoir que cette émission, elle a envie de diversité, mais on ne peut composer qu’avec ce qu’on a. En tout cas, la franchise française fait un incroyable boulot en termes de représentation et pas simplement en termes de races, mais aussi en termes de diversité des queens.

Dans les queens, il y a Keiona, icône de la ballroom scene. C’est important qu’elle soit présente parmi les queens ?

En vérité, ça me fait plaisir qu’il y ait Keiona et Mani Wata, qui sont des personnes de la ballroom scene. La Grande Dame aussi est de la ballroom scene, elle fait partie de ma house. La ballroom scene, c’est un petit monde, tout le monde se connaît. Drag Race a beaucoup emprunté à la communauté ballroom, ça fait plaisir d’avoir les expressions justes, les mouvements justes dans ce programme.

Alors, évidemment, no comment sur le contenu. Mais quelles sont tes astuces pour ne pas spoiler ?

En fait mon entourage s’en fiche un peu, ce n’est pas quelque chose qui est très dominant, et surtout j’ai une très mauvaise mémoire ! Donc comme on tourne longtemps avant la diffusion, quand je regarde les épisodes, je redécouvre ce qui s’est passé !

J’ai relu une interview de toi dans Le Monde en juin 2022, tu parlais de ton enfance, tu parlais de ta mère, qui venait parfois te voir en club. Est-ce que tu as parlé de « Drag Race » avec elle ?

Ma mère est venue sur le tournage l’année dernière. Sa préférée c’était la Grande Dame. Après je pense que la télévision ça représente tellement pour tous nos parents. Moi j’ai de la chance parce que mes parents s’éduquent aussi souvent, ils sont capables de célébrer. Ma mère est aussi quelqu’un qui aime beaucoup la mode.

Tu es aussi très engagé sur les droits LGBT, je ne peux pas ne pas te poser la question, par rapport à la situation des personnes, et en particulier des migrant·es LGBT en France, qui devient de plus en plus difficile…

C’est très compliqué, le climat vers lequel on tend. J’ai l’impression que dans la gauche et l’ultra gauche, le souci des personnes LGBT et de couleur, l’antiracisme sont des sujets qui ne les intéressent plus. Je pense qu’ils sont essentiellement concentrés sur le pouvoir d’achat. La justification de la diminution du pouvoir d’achat et du coût de la vie est beaucoup reporté sur des fausses raisons qui reposent essentiellement sur le racisme. Le travail des gens n’est pas volé par les migrants, le déficit de la sécurité sociale n’est pas créé par les migrants. Ces questions-là sont complètement délaissées par la gauche pour pouvoir en plus permettre de l’autre côté, à la droite, de tenir des propos nauséabonds sur les migrants. Quelqu’un à la télévision parlait des migrants qui viennent en France se faire recoudre les oreilles ! Je trouve ça hallucinant d’entendre ça. Les gens ils veulent venir en France pour avoir une vie meilleure, parce que c’est compliqué chez eux aussi d’être LGBT. Et quand ils arrivent en France, au péril de leur vie, ils doivent faire face à nombre d’obstacles. J’ai des amies qui arrivent ici et qu’on soupçonne de faire semblant d’être trans… C’est très violent, tu risques ta vie, tu viens dans ce pays où on te dit que les personnes queer, elles sont respectées, elles sont écoutées, elles sont entendues, et quand tu arrives ici, on te soupçonne de mentir sur ton identité, c’est une violence sans nom. Je suis dépité. Je suis tellement pessimiste sur ce qui va se passer, sur la suite … J’ai une immense tristesse et je ne sais même pas par où commencer pour pouvoir changer les choses…

« Je suis complètement dédié à Drag Race France, parce qu’on a besoin que ce soit un immense carton »

En parler déjà comme tu en parles, c’est important…

Je pense que les gens ne veulent pas en parler, parce que les gens ne sont pas calés, ils ne sont pas au jus, et ils n’ont pas envie de dire des choses qui vont peut-être faire… On a aussi les artistes qu’on mérite.

Peux-tu nous parler de ton actualité dans les mois qui viennent ?

J’ai été assez silencieux, j’ai fait beaucoup de musique, j’ai collaboré avec beaucoup d’artistes internationaux, et je ne sais pas ce qui va sortir. En vérité, mon actualité principale, c’est Drag Race France. Je suis complètement dédié à Drag Race France, parce qu’on a besoin que ce soit un immense carton pour qu’il y ait une saison 3, une saison 4, une saison 5… !