Isabel Sandoval, jury de la Queer Palm : « On doit continuer de soutenir les nouvelles sensibilités LGBT »
Komitid s'est entretenu avec Isabel Sandoval, réalisatrice trans du magnifique « Brooklyn Secrets » et membre du Jury de la Queer Palm 2023, sur ses attentes durant le Festival de Cannes, sur ses coups de cœur cinématographiques et sur… son prochain film.
Komitid : Quelle a été votre réaction quand on vous a proposé d’être membre du jury de la Queer Palm ?
Isabel Sandoval : J’étais tellement contente qu’on me le propose. J’étais à Cannes déjà en 2021, un an après que mon film Brooklyn Secrets soit sorti en France, et j’avais rencontré Franck Finance-Madureira pour l’occasion. Il m’avait déjà proposé de faire partie du jury pour l’édition 2022 mais je n’avais pas pu pour différentes raisons. Et là on s’y est pris plus à l’avance, et j’en suis ravie !
Quelle est votre relation avec le festival ?
Cannes a été le premier festival de cinéma majeur auquel je suis allée. Ma première fois était en 2006, l’année de Volver, et c’est là que je suis réellement tombée amoureuse du cinéma. Depuis j’adore revenir de temps à autre, c’est ma quatrième fois cette année. L’année dernière j’étais sur place pour un court-métrage dans lequel je jouais, Maria Scheider, 1983, qui a récemment remporté le César, et qui était sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes. C’est encore mieux d’être là pour la Queer Palm !
Gardez-vous un œil sur le cinéma queer international ?
Oui bien sûr, certains des cinéastes les plus influents pour moi en font partie. Je pense notamment à Pedro Almodovar et Apichatpong Weerasethakul. J’ai eu l’opportunité d’assister à plusieurs festivals LGBT, particulièrement aux États-Unis. Il y a beaucoup de films merveilleux, j’essaie de rester à jour comme je peux.
« On va au cinéma pour tomber amoureuse d’un film, d’une histoire ou de personnages »
Vous vous êtes renseignée sur la sélection ? Il y a des films en particulier que vous avez hâte de voir ?
Je suis une grande fan de Justine Triet ! Maintenant il reste à voir à quel point le film est queer (Rires). Vraiment hâte aussi de voir le court-métrage de Pedro Almodovar, Strange Way of Life, avec Ethan Hawke et Pedro Pascal. C’est son deuxième film en anglais, son premier western, et j’ai très envie de voir ce que ça rend.
Vous vous décrivez souvent avec humour comme “la reine du cinéma sensuel”. Est-ce que la sensualité est quelque chose qui manque selon vous au cinéma actuellement ?
Bien sûr oui. Le cinéma c’est de la séduction, on y va pour tomber amoureuse d’un film, d’une histoire ou de personnages. Les films les plus sensuels pour moi restent et resteront In The Mood For Love de Wong Kar-Wai, Tropical Malady d’Apitchapong Weerasethakul, Beau travail de Claire Denis et Blue Velvet de David Lynch.
Qu’est-ce que vous espérez voir dans les films de la Queer Palm cette année ?
Je suis surtout à la recherche de films queer qui repousseront les barrières et les possibilités du cinéma. Je pense que le terme queer devrait désigner quelque chose qui va à l’encontre du mainstream, et ça veut dire avoir la liberté et le sens de l’aventure, d’explorer de nouveaux styles et de nouvelles perspectives.
« Je suis surtout à la recherche de films queer qui repousseront les barrières et les possibilités du cinéma »
Vous pensez que ces prix qui récompensent en particulier les films LGBT sont toujours nécessaires aujourd’hui ?
Absolument, parce que la définition qu’on donne au terme queer évolue sans cesse. Pendant longtemps on ne parlait que d’orientation sexuelle, de notre besoin d’aimer librement qui on veut. Maintenant on a étendu cette perspective à tout ce qui entoure l’identité de genre, avec les différentes transidentités. On se doit de continuer de soutenir les nouvelles sensibilités queer.
Quels films auriez-vous adoré récompenser d’une Queer Palm ?
L’année dernière ils ont pris une excellente décision en choisissant de récompenser Joyland. Je l’aurais aussi fait. Il y a un certain coup de projecteur qui est mis sur les pays de l’Est récemment, et je trouve ça super que le cinéma queer puisse donner à voir des sociétés qui ne sont pas aussi progressistes et ouvertes d’esprits. C’est un vrai pas en avant. Mais sinon j’aurais récompensé Tropical Malady, qui est sorti avant que la Queer Palm ne soit créée. Ce n’est même pas un film qui tourne autour de thématiques queer en particulier, si ce n’est les deux hommes gays du film, mais c’est tellement audacieux stylistiquement que c’en est un monument de cinéma.
Vous avez annoncé il y a un an que vous travailliez sur votre quatrième long-métrage, Tropical Gothic. Pouvez nous en dire plus aujourd’hui ?
Je ne peux évidemment pas trop en dire mais il y a de très belles choses qui se profilent, notamment au niveau du casting. Et je serais bien sûr dedans ! J’espère le tourner avant la fin de l’année, pour pouvoir le proposer à Cannes en 2024.
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