« Ils nous ont massacrés » : la santé mentale des personnes LGBTQI+ en Croatie en danger

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Selon une étude publiée le mois dernier, la première du genre dans le pays à grande majorité catholique, 25% des Croates de la communauté LGBTQI+ ont été agressés physiquement.

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La marche des fiertés de Zagreb en 2020 - fLokii - Shutterstock

Viktor Zahtila a compté, il a été agressé plus d’une dizaine de fois. Sa faute, être gay en Croatie, où les discrimations contre les membres de la communauté LGTBQI+ sont rampantes et alimentent de graves inquiétudes pour leur santé mentale.

Ce réalisateur de courts métrages de 38 ans, pionnier de la lutte pour les droits des personnes LGBTI+ dans le petit pays conservateur des Balkans, explique que la plupart des agressions ont été commises dans la capitale Zagreb.

Mais il a également subi ainsi que son petit ami de l’époque un passage à tabac extrêmement violent dans une localité touristique de la côte Adriatique voici deux décennies.

« Ils nous ont massacrés littéralement », raconte-t-il à l’AFP. « Cela a duré si longtemps que je m’étais dit, c’est la fin, je ne vais pas survivre ».

Cette agression et d’autres sont à l’origine d’un stress post-traumatique qui l’a longtemps affligé.

« Si un type à l’air macho me croise dans la rue, mon cœur se met à battre plus vite, je deviens pâle, paralysé », dit-il. « Au bout d’un moment, je me rends compte que c’est juste un type qui passe par là mais j’ai l’impression d’avoir reçu un coup de poing dans le ventre ».

Ce genre d’expérience n’est pas rare en Croatie.

Selon une étude publiée le mois dernier, la première du genre dans le pays à grande majorité catholique, 25 % des Croates de la communauté LGBTQI+ ont été agressé·es physiquement.

Le rapport relevait également que près des trois quarts des membres de la communauté LGBTQI+ interrogés avaient eu des pensées suicidaires et plus de 15 % ont fait des tentatives de suicide.

« On savait que les chiffres allaient être inquiétants mais c’était quand même une très mauvaise surprise », souligne Daniel Martinovic, porte-parole de Familles Arc-en-Ciel, l’ONG autrice de l’étude.

Données “alarmantes”

« Ils sont alarmants », dit-il, ajoutant que les données laissent à penser qu’une grande partie de la communauté subit des niveaux élevés de stress.

L’étude relève aussi que les trois quarts des personnes LGBTQI+ ont subi des discriminations flagrantes, au travail, dans les institutions publiques et les établissements médicaux.

« Les données montrent clairement que dans notre société, les personnes qui ne sont pas hétérosexuelles ne se sentent pas en sécurité, égales, respectées et protégées », dit Matea Popov, l’une des chercheuses ayant participé à l’étude.

Avoir constamment la peur au ventre, être persuadé que quelque chose de mauvais va arriver, –commentaires insultants, discriminations ou attaques physiques– sont les facteurs qui pèsent le plus sur la santé mentale, jugent les spécialistes.

Au cours des 10 dernières années, les droits de la communauté LGBTQI+ se sont progressivement améliorés dans le pays membre de l’Union européenne.

Si le mariage entre personnes du même sexe reste illégal, des couples peuvent se déclarer “partenaires dans la vie” depuis 2014, un statut qui leur accorde quasiment les mêmes droits que ceux des couples hétérosexuels mariés.

Malgré tout, les traditions ont la vie dure en Croatie, société fondée sur le patriarcat. Les groupes ultra-conservateurs y font régulièrement campagne contre l’avortement et les droits de la communauté LGBTQ.

Ils ont réussi en 2013 à lancer un référendum qui a débouché sur l’interdiction du mariage aux couples de même sexe.

Pour l’ONG Zagreb Pride, cette mesure a laissé le champ libre « à un environnement politique et social négatif » favorable aux discriminations et aux attaques.

Vulnérabilité

Pour la communauté trans, l’ambiance est spécialement lourde.

Diana Avdic, une femme trans qui vit à Zagreb explique que la discrimination fait partie de son quotidien.

Elle a subi « un coup violent » quand elle a révélé son identité de genre à l’Université de Zagreb où elle étudie la médecine et que les autres étudiants ont pris leurs distances.

« J’ai été confrontée à un manque de compréhension, à l’isolement », dit-elle à l’AFP. « Je me suis sentie vulnérable, exposée ».

Les choses se passent mal également en dehors de l’université.

Une fois, à la mairie, un fonctionnaire a refusé de lui fournir un formulaire pour enregistrer son nouveau prénom et l’a accusée de vouloir « tromper le monde ».

« Ça m’a bouleversée », se souvient-elle.

Mais à la différence de nombreuses personnes LGBTQI+ en Croatie, elle est soutenue par sa famille, un répit bienvenu.

Un habitant de Zagreb de 36 ans, qui s’identifie comme une personne trans non binaire et a réclamé l’anonymat, explique avoir souffert des réactions de sa famille mais aussi du milieu médical.

« La psychiatre m’a dit que tant que j’aurais un prénom féminin et l’initiale +F+ sur mes papiers, elle me traiterait comme (une femme) », raconte-t-il à propos d’une hospitalisation récente.

« Cela m’ennuie de devoir convaincre un médecin que oui, j’existe tel que je suis. »